29 mai 2005

[Aletheia n°76] "Communisme" - un mot qui fait toujours peur au Vatican

Aletheia n°76 - 29 mai 2005
"COMMUNISME”  - UN MOT QUI FAIT TOUJOURS PEUR AU VATICAN
Au Vatican, certains ont encore peur du mot “ communisme ”. Plus de quinze ans après la chute du Mur de Berlin et de l’écroulement de l’URSS, dans certains milieux du Vatican on n’ose toujours pas désigner les régimes communistes par leur nom.
Jean-Paul II a été un des artisans de la chute du communisme institutionnel en Europe. Il a su en caractériser la nature et le dénoncer par son nom. Benoît XVI, depuis les quelques semaines où il est Pape, n’a pas peur, lui non plus, de nommer le communisme [1] .
Pourtant, dans les milieux du Vatican chargés de diffuser l’information officielle du Saint-Siège, le mot fait encore peur. On n’hésite pas à le censurer. C’est mon ami Stefano Gizzi, éminent biographe de son parent, le cardinal Gizzi, premier Secrétaire d’Etat du bienheureux Pie IX, qui m’a signalé la chose : les organes d’information du Saint-Siège ont travesti un texte, on ne peut plus solennel, consacré Jean-Paul II. Il s’agit du Rogito, la biographie du Pape défunt, qui est déposée avec sa dépouille mortelle dans le cercueil.
Le Rogito, résumé officiel de la vie de Jean-Paul II, a été rédigé en latin et signé par le cardinal Camerlingue, par le cardinal Doyen du Sacré-Collège, par les notaires apostoliques et par d’autres dignitaires ecclésiastiques. Il a été lu, en latin, le matin du 8 avril, dans la Basilique Saint-Pierre, avant que le corps de Jean-Paul II ne soit déposé dans le cercueil pour la messe des funérailles.
Le texte original, en latin, a été publié dans l’Osservatore romano du lendemain, 9 avril, et a été reproduit sur le site internet officiel du Vatican (www.vatican.va). Le Rogito a retenu comme un des faits saillants du pontificat :
Pontificatus Ioannis Pauli II unus ex longissimis in Ecclesiæ historia exstitit. Hoc temporis spatio multa sunt commutata variis in provinciis. In his communistarum quarundam nationum regiminum dissolutiones annumerantur, ad quam rem multum contulit ipse Summus pontifex.
Sans être un latiniste éminent, on comprend le sens des mots soulignés (par nous) : on attribue, entre autres à Jean-Paul II — “ le Souverain pontife contribua lui-même ” —, la “ désagrégation des régimes communistes dans plusieurs pays ”. C’est une vérité historique.
Comment se fait-il que ce passage ait fait l’objet de traductions, officielles, qui trahissent le texte original latin ? Le jour-même où il publiait la version latine authentique, l’Osservatore romano publiait une traduction italienne qui en déformait le sens du passage en question :
Si annovera la caduta di taluni regimi, alla quale egli stesso contribui.
La “ désagrégation des régimes communistes dans plusieurs pays ” devient “ la chute de certains régimes ”. “ Certains régimes ”…L’imprécision révèle une crainte de déplaire. A qui ? Pourquoi ?
La traduction/trahison de l’Osservatore romano a, dès lors, servi de référence. Le site officiel du Vatican l’a reprise et cette traduction/trahison italienne a servi de référence pour les traductions en d’autres langues qu’on trouve sur ce même site officiel : “ la chute de plusieurs régimes ” dit la traduction officielle française, “ the fall of several regimes ” dit l’anglaise, “ a queda de certos regimes ” dit la portugaise, et ainsi de suite pour les différentes versions linguistiques du site.
Bien évidemment, les traductions de ce solennel Rogito qui ont paru dans la presse mondiale se sont toutes référées à la traduction italienne déficiente, et personne ne s’est donné la peine de traduire d’après le texte authentique latin. Même la Documentation catholique (n° 2336, 15 mai 2005), qui a réalisé, dit-elle, sa propre traduction d’après le “ texte original latin ”, traduit/trahit non d’après le texte latin mais d’après la version italienne puisque pour le passage concerné on lit : “ On peut enregistrer la chute de certains régimes… ” . Est ainsi masqué le qualificatif de “ communistes ”.
Ce n’est pas la première fois que les traductions, officielles ou non, d’une version authentique en latin sont des trahisons. Il est vrai qu’on a vu aussi, avec Jean XXIII, des textes, prononcés en italien, être corrigés, dans leur version officielle latine, dans un sens jugé plus orthodoxe ou plus exact. Cette fois, c’est la vérité de l’histoire qui est travestie.
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À travers les revues
. Reconquête (Centre Charlier, 70 Bd. Saint-Germain, 75005 Paris), 4,50 ¤ le numéro.
Dans le n° 213 de la revue mensuelle du Centre Charlier, on lit un entretien de trois pages avec Jean Madiran. L’intérêt particulier de cet entretien est que, pour une rare fois, Madiran évoque son enfance et son milieu familial, avant d’évoquer la suite : Maurras, la francisque, Itinéraires, Présent.
. Liber canonum (C.E.R.H.M.I.R., 5 rue Albert Sorel, 31500 Toulouse), 25 ¤ le numéro + 5 ¤ de port.
Dans la controverse Fraternité Saint-Pie X/Abbé Laguérie, on a vu des partisans de l’abbé Laguérie contester les qualités du consultant canonique auquel avait fait appel la FSSPX, Bernard Callebat. On a nié, publiquement et sur internet, ses compétences. On a mis en doute qu’il soit un expert en droit canonique. On a même insinué que la revue de droit canon qu’il “ prétendait ” diriger n’existait pas. Or, cette revue, annuelle, existe bien. Elle en est à son IVe volume, qui vient de sortir. Dans ces 200 pages, on trouvera, dus à des universitaires canonistes ou historiens, d’intéressants articles de droit canonique (par exemple Jean-Louis Bahans : “ Le secret professionnel du ministre du culte en droit français ”) et des articles d’histoire du droit et des institutions canoniques (par exemple, Frédéric-Pierre Chanut : “ Clercs et laïcs dans l’Eglise médiévale : les enjeux du pouvoir ”).
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[1] Par exemple, le 23 mai dernier, recevant le président de Bulgarie, Benoît XVI a évoqué “ la longue et difficile période du régime communiste ”.