4 octobre 2005

[Sensus Fidei] A propos d’une interview de Mgr Fellay au Nouvelliste

SOURCE - Sensus Fidei - 4 octobre 2005

Depuis la rencontre de Castel Gandolfo, Mgr Fellay a accordé une seule interview à la grande Presse, en l’espèce à un journal suisse, "Le Nouvelliste", daté du 29 septembre. L’importance de ce document se trouve renforcée par le fait que Vincent Pellegrini, le journaliste qui l’interroge, est un ancien séminariste d’Ecône qui sait donc ce que parler veut dire.

Cette interview comporte deux indications essentielles :

l) C’est bien la Fraternité qui a pris l’initiative de la rencontre, dans le triple but de "rendre hommage au chef, à la tête de l’Eglise", de "témoigner" de l’oeuvre de la Fraternité, enfin "d’approfondir" et "d’intensifier" les relations avec Rome "pour arriver une fois à une solution". L’attitude officielle de la Fraternité est donc déterminée par la reconnaissance de l’autorité du Pape et la recherche d’un accord avec lui.

2) Concernant les "problèmes de fond", Mgr Fellay déclare : "On peut les résumer à deux : la nouvelle messe et le Concile Vatican II [...] Pour la nouvelle messe, on nous demande de reconnaître qu’elle est valide[...] Nous sommes d’autant plus d’accord que Rome ajoute qu’elle est valide lorsque le prêtre à l’intention de célébrer le sacrifice de Notre Seigneur Jésus Christ[...]
"Pour le Concile", ajoute ensuite Mgr Fellay, je suis d’accord avec la formule du Concile interprété "à la lumière de la Tradition" ". (Formule proposée par Rome et reprenant celle du protocole de l988 "signé" par Mgr Lefebvre).

Ce sont là deux prises de position essentielles car elles tranchent, sans équivoque, des deux "problèmes de fond". Le pas en avant est considérable - et quoique l’on en pense sur le fond - il est décisif venant de l’autorité supérieure de la Fraternité.
L’accord est-il donc acquis ? Eh bien non !
En effet, Mgr Fellay ajoute aussitôt "qu’il ne peut pas signer dans le contexte actuel" ! Les raisons qu’il en donne sont tout d’abord confuses et d’une présentation embarrassée. "C’est, dit-il, un problème de vision, d’état de la question. Or pour arriver à une solution, il faut être d’accord sur l’état de la question [...] Nous n’aurions aucun problème à signer un accord superficiel [...] Dans la situation actuelle un tel accord tromperait tout le monde".

Le journaliste, probablement surpris, réagit :
"A vous entendre, observe-t-il, il ne reste plus guère d’espoir pour un accord ?"
"A vue humaine, oui, répond Mgr Fellay, mais il ne faut jamais oublier que l’esprit catholique est dans l’Eglise et qu’il reprend force actuellement. C’est une question de temps.
Le journaliste, insatisfait, insiste plus loin :
"Mais que demandez-vous pour vous réconcilier avec Rome ? Que le Vatican signe une déclaration ? Ce serait utopique de votre part [...]
"Nous demandons simplement que le climat change", réclame Mgr Fellay. "Que Rome reprenne les commandes de l’Eglise [...] Les conférences épiscopales [...] ont pris goût à l’indépendance au point de ne plus obéir vraiment au Vatican".

Ici les choses s’éclairent : en somme, l’accord n’est pas possible, non pour des raisons de fond - d’ailleurs rapidement expédiées - mais du fait d’une crise d’autorité à l’intérieur de l’Eglise.

Cette prise de position est surprenante car des plus contestables et des moins explicables en apparence.

En effet, elle suspend la réalisation d’un accord à des motifs subjectifs de "vision", de "climat". Accuser Rome de ne pas détenir "les commandes de l’Eglise" ne repose, concernant l’actuel souverain pontife, sur aucun argument décisif ou même probant. Rappelons d’ailleurs que les relations entre Rome et les épiscopats nationaux n’ont jamais été, ne sont pas et ne seront jamais faciles. En prendre argument n’est donc qu’un prétexte pour repousser indéfiniment un accord que Mgr Fellay dit pourtant avoir recherché lorsqu’il a pris l’initiative d’une rencontre avec le Pape. Il est, en outre, paradoxal de dénoncer le manque d’autorité de Rome vis à vis des évêques alors que l’on est soi-même en dissidence ouverte à son égard.

Une vision positive de la situation actuelle de l’Eglise ne voudrait-elle pas, au contraire, que la Fraternité apporte son concours et son appui à un redressement - que Benoît XVI veut, sans conteste, entreprendre - au lieu d’attendre qu’il y soit parvenu pour bien vouloir s’accorder avec lui ? Comment jugerait-on d’un subalterne qui refuserait d’aider son chef en difficulté pour ne le rallier que lorsqu’il aurait repris le dessus ?

En vérité, l’attitude de Mgr Fellay n’est compréhensible que si l’on y décèle l’effet des pressions négatives dont il est l’objet et qui l’empêchent d’aller de l’avant, comme il doit le souhaiter ainsi qu’en témoignent les avancées décisives qu’il a réalisées concernant les "problèmes de fond". Il appartient donc à tous ceux qui souhaitent une issue positive à la négociation en cours, de faire tout leur possible pour contrer les influences néfastes qui pèsent sur le comportement du Supérieur de la Fraternité sur qui reposent aujourd’hui les plus hautes et les plus lourdes responsabilités.

PS : Nous signalons à nos lecteurs que nous nous référons à la version authentique de l’interview telle qu’elle figure dans le numéro du Nouvelliste en notre possession. Le site de la Porte Latine a publié une version de ce texte profondément altérée par l’ajout de près de 40 lignes qui en modifie bien des aspects. Nous laissons nos lecteurs juges du procédé.