5 février 2006

[Réginald - Le Forum Catholique] La FSSPX n’est pas schismatique

SOURCE -  Réginald - Le Forum Catholique - 4 février 2006

Beaucoup s’agitent ici en répétant à l’envie la phrase du Cardinal Hoyos : « la FSSPX n’est pas schismatique ». Ceci est parfaitement exact, mais mérite quelques explications.

Le schisme, à proprement parler, est un péché. Pour être plus précis, il s’agit d’un péché contre la charité, parce qu’il brise l’unité de l’Eglise. Les sacres furent à cet égard, comme l’avait dit en son temps le Cardinal Gantin, « un acte schismatique », c’est-à-dire un acte qui par nature tend à constituer une église parallèle avec sa hiérarchie et ses règles propres. De fait, c’est bien une tendance profonde de la FSSPX qui est perpétuellement tiraillée entre la volonté de ne pas s’éloigner de Rome et le désir de rester « pure » en évitant les contacts trop prolongés. On finit donc par créer ses propres tribunaux (la Commission canonique Saint Charles Borromée), s’ériger en magistère (le Compendium n’est pas catholique) ou passer tout au crible de la critique (tel saint canonisé mérite de l’être, tel autre ne le mérite pas.)

Depuis le Cardinal Journet cependant, on considère qu’il est imprudent de parler d’Eglise schismatique, mais on préfère parler d’Eglise dissidente. Pourquoi ? Laissons le Cardinal Journet nous l’expliquer :

« Des Églises tout hérétiques, toutes schismatiques, c’est-à-dire des Églises dont tous les membres seraient dans le péché d’hérésie ou le péché de schisme, sont certes possibles. Sont-elles nombreuses? sont-elles durables?
En se séparant de l’Église du Christ, elles emportent avec elles une partie de ses moyens de sanctification, ce qu’on peut appeler des vestiges de l’Église. Ceux-ci sont tenus en échec chez ceux de leurs membres qui se rendent personnellement coupables du péché d’hérésie ou de schisme. Mais regardons ce qui se passe chez les petits enfants de ces hérétiques et de ces schismatiques. Ils peuvent être baptisés validement. Alors ils appartiennent à la véritable Église aussi réellement que les enfants qu’elle baptise dans son sein. Avec le caractère baptismal, la grâce et les vertus infuses leur sont conférées. Ils ne sont ni hérétiques, ni schismatiques, ni même errants.
Qu’arrive-t-il au moment où, sortant du sommeil de l’enfance, ils se trouvent en face des choix que leur propose la vie chrétienne? Devant eux, autour d’eux, ce qu’ils rencontrent, c’est un christianisme dont ils sont, à moins de quelque pressentiment miraculeux, incapables de saisir qu’il bloque indissolublement la vérité divine et la logique d’un principe de mort. L’hérésie a rompu sur un point essentiel la vérité à croire, le schisme la vérité à faire. Par cette brèche les ténèbres se sont mélangées à la lumière. Désormais, ce qui passera aux générations successives, avant même qu’elles aient pu commettre aucun péché contre la foi et contre l’amour, ce sera le patri moine d’une hérésie, le patrimoine d’un schisme. (…)
Que s’est-il passé? Nous avons supposé une Église tout entière hérétique. Mais, en raison de ce qu’elle emporte des richesses de l’Église du Christ, en raison aussi des libres invitations de l’Esprit saint qui « enveloppe toute choses » et qui veut que tous les hommes soient sauvés, nous voyons qu’une telle Église tend à se modifier. C’est comme si le concept d’Église hérétique éclatait sous la pression intérieure des valeurs chrétiennes qu’il renferme encore, afin de donner naissance à un concept nouveau et original, à savoir celui d’une Église où se transmet non pas le péché d’hérésie, mais le patrimoine, l’héritage, d’une hérésie. Il est clair qu’il s’agit d’un patrimoine ambivalent, où se heurtent la lumière et les ténèbres: tantôt secourable, puisqu’il contient des valeurs chrétiennes de vie, tantôt séducteur, puisqu’elles y sont altérées.
Disons que la dialectique interne d’une « Église hérétique » [ou "schismatique, ndlr] tend à la transformer en autre chose, et que, dans une certaine mesure, le bien est ici plus fort que le mal. Parlons d’une « Église dissidente ». L’avantage de ce mot est de ne rien préjuger des dispositions personnelles bonnes ou mauvaises des membres d’une telle Église. » (Journet, Traité sur l’Eglise)

Aux yeux de Rome, il en est de même. La FSSPX n’est pas considérée dans son ensemble comme schismatique. Cependant, on continue de penser, comme le dit le Cardinal Hoyos dans la même interview, que la FSSPX n’est pas en pleine communion avec Rome, ou mieux, qu’elle est en « communion imparfaite ».

Cette dernière remarque permet de comprendre l’éventuelle levée des excommunications dont il sera question le 13 février prochain. Si Rome décidait de lever les excommunications des quatre évêques de la FSSPX, cela ne signifierait par pour autant, qu’elle considérerait que la pleine communion entre elle et la FSSPX serait revenue. Il demeurerait une rupture, les évêques de la FSSPX étant aux yeux de l’Eglise « des frères séparés ». Seulement, ce geste, serait un moyen de tendre la main, de montrer la bonne volonté de l’Eglise afin de retrouver la pleine communion qui pour le moment fait encore défaut.

Réginald