31 décembre 2008

[Abbé Régis de Cacqueray-Valménier, fsspx] D'un préalable l'autre - Voeux 2009 aux fidèles

SOURCE - Abbé Régis de Cacqueray-Valménier, SSPX/France - La Porte Latine - 31 décembre 2008

Les voeux 2009 aux fidèles
Suresnes , le 31 décembre 2008
"D’UN PREALABLE L’AUTRE"

« On emploie plutôt « second » quand il n’y a que deux choses. »
Dictionnaire Robert
« Si l’on prend le terme de « secondaire » au sens que nous avons dit, et qui est le sens primitif : est second ce qui suit…ce qui résulte de l’autre. »
Romano Amerio
« Jeanne d’Arc a aujourd’hui moins de sceptiques qu’elle n’en trouva de son temps. »
Jacques Bainville

Au début de l’année 2001, la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X précisa et porta à la connaissance du Saint-Siège « les trois étapes » qu’il lui semblait nécessaire de respecter pour continuer à travailler à la résolution de la crise doctrinale de l’Eglise et, par voie de conséquence uniquement, à la régularisation canonique de sa propre situation.

L’exposition rendue publique de cette ligne stratégique fut accueillie par de nombreuses critiques défavorables, surtout au motif que le principe de signifier à Rome, comme première étape, des préalables à toute discussion avec elle, parut, sinon inadmissible, du moins parfaitement déplacé. Cette prétention, déjà jugée exorbitante en elle-même, ne dissimulait-elle pas, en sus, une volonté inavouée de la Fraternité de rester dans son coin et de reporter aux calendes grecques l’heure de sa réintégration ?

La « stratégie » de la Fraternité


Pour la déception de certains, la joie des autres, l’itinéraire proposé par la Fraternité pour parvenir à des « accords » fut donc jugé impraticable : comment Rome aurait-elle pu accepter de se laisser dicter une ligne de conduite, émise, de surcroît, sans la moindre concertation, par cette Fraternité « exclue de l’Eglise » ? N’eût-ce pas été donner à celle-ci une importance démesurée et se placer  à la remorque de sa marginalité, pour le plus grand agacement de presque tous ?

A noter cependant que la lente diplomatie romaine ne produisit pas plus de contre-proposition en place de celle de la Fraternité qu’elle n’exprima - au moins publiquement - son accord ou son désaccord à l’idée de devoir passer sous les fourches caudines qui lui avaient été désignées, il faut le dire, non sans quelque audace ou ingénuité. Ce fut toutefois ce silence officiel où Rome se maintint, qui contribua finalement, faute de l’expression d’une autre proposition ou du refus de celle qui lui avait été indiquée, à rendre peu à peu la stratégie de la Fraternité, restée seule sur le terrain diplomatique, maîtresse de celui-ci jusqu’à ce jour, au point de s’être imposée, sans combat, comme la référence naturelle en fonction de laquelle chacun prit l’habitude de se placer ou de se déplacer, et de désormais se situer dans les relations qui s’ensuivirent.

Etant donné que la présentation de ces deux préalables ne forme que la première des trois étapes de l’itinéraire suggéré par la Fraternité, ni le succès partiel qu’elle a obtenu à la suite de sa première requête, ni l’autre succès qui proviendrait de l’obtention de la seconde, ne suffiraient donc, par eux-mêmes, à régler le différent, d’essence purement doctrinale, qui l’oppose à « la Rome conciliaire », et dont le traitement a été fixé à la deuxième des trois étapes.

Aussi, les deux préliminaires n’entendent nullement se substituer à l’examen des questions doctrinales. Telle n’est pas leur fonction. En vertu même de leur statut, ils n’ont d’autre office que d’y préluder et de créer un climat propice à leur bon déroulement. Ils ont été choisis et formulés pour être présentés à un interlocuteur à venir, que l’on espère capable d’apprécier l’intérêt qu’il y a à exaucer ces deux requêtes pour le bien de toute l’Eglise, mais dont on sait en même temps, au moins à l’instant où l’on est encore, sa persistance à suivre et à professer les déviations conciliaires.

Qu’il s’agisse donc de la messe de Saint Pie V ou des « excommunications de 1988 », les préalables n’ont pas la prétention de faire valoir auprès du Saint-Siège tout ce que veut obtenir la Fraternité sur de tels sujets. Sur le premier point, la Fraternité n’a, en effet, jamais fait mystère de sa volonté de parvenir à l’éradication pure et simple de la nouvelle messe. Quant au second, elle entend bien que Rome finira par conclure à la nullité des « excommunications de 1988 ».

Mais elle a bien conscience qu’il ne pourra, logiquement, lui être donné entière satisfaction, sur ces deux points, qu’après l’aboutissement heureux de la deuxième étape de sa stratégie. C’est pourquoi elle a jaugé, dans le choix des deux préalables qu’elle a posés et dans leur formulation précise, ce qui pourrait, dans un premier temps, être déjà obtenu d’un pape, toujours attaché à défendre du Concile, mais paradoxalement soucieux de chercher les moyens de porter remède au délabrement de l’Eglise et aux injustices commises. Or il est apparu que le pape Benoît XVI présentait ce profil.

Malgré ce sage réalisme, les deux préalables à toute discussion n’en demeuraient pas moins, l’un comme l’autre, d’inacceptables remises en cause. Qu’on en juge ! Alors que Paul VI avait bel et bien eu la volonté de remplacer l’ancienne messe par la nouvelle, la Fraternité ne demandait rien de moins que la reconnaissance du droit des prêtres à l’avoir toujours célébrée et à la célébrer encore.

Quant aux sacres du 30 juin 1988, ils se trouvaient, ipso facto, sanctionnés par l’excommunication prévue dans le nouveau Code de droit canonique. Or la Fraternité se refuse pourtant à demander « une  levée des sanctions ». Elle cherche à obtenir « le retrait du décret des excommunications » et il n’échappe à personne que les termes qu’elle a employés pour traduire sa requête l’ont été à dessein. Elle veut que soit bien manifestée sa conviction de la nullité des sanctions et, si Rome se décide à agir, qu’elle le fasse en laissant au moins la porte ouverte à cette hypothèse canonique.

Tous les ingrédients paraissaient donc rassemblés pour que cette stratégie demeurât lettre morte, gelât davantage les relations entre Rome et la Fraternité et, plus grave, portât même  préjudice à une éventuelle volonté romaine de reconnaître le droit des prêtres à célébrer la messe de toujours.

Si cette perspective n’est pas inexacte, la décision de la promulgation du Motu Proprio du  7 juillet 2007 apparaît alors comme encore plus surprenante. Comment le Pape aurait-il pu se résoudre à franchir un si redoutable Rubicon si la question de cette messe ne s’était pas d’abord présentée à lui comme une affaire de conscience, s’il n’avait perçu un état de nécessité suffisamment grave pour se risquer sur un tel terrain et s’il n’avait escompté tirer des avantages décisifs de son Motu Proprio ? Aurait-il bravé l’épiscopat du monde entier, comme il l’a fait, pour une affaire jugée secondaire? Et, parce qu’il s’y est décidé, une question ne manque pas d’être désormais sur toutes les lèvres : s’il a osé accorder le premier, donnera-t-il aussi le second des deux préalables ?

D’une attente à  l’autre


A peine avons-nous eu le temps de nous laisser éduquer aux lenteurs romaines par ce jeu de patience qui précéda l’exaucement de notre premier préalable que nous nous trouvons en effet conviés, sans même avoir retrouvé notre souffle, à l’attente du second ! Saurons-nous tirer de notre première expérience d’endurance le meilleur profit ? Vivre celle qui a débuté comme il convient? Au fait, ne serait-ce pas tout simplement à la seule cadence de nos rosaires?

Pas seulement ! Si la prière est bel et bien la respiration de nos âmes, elle ne tient cependant pas lieu de tout et ne nous dispense pas du reste. Les instants que nous vivons doivent également être utilisés à anticiper une profonde réflexion à propos de cette défense et de cette confession publique de la foi auprès de Rome, qui sera peut-être « l’heure » par excellence de la vie de notre Fraternité.

Il faut vraiment nous attendre à ce que ces moments, qui pourront apporter leur pierre décisive au redressement de la vie de l’Eglise, finissent par survenir. Nous devons, par conséquent, avoir ce grand souci de comprendre nous-mêmes, toujours plus profondément, que la restitution partielle de la messe devra être suivie de sa restitution totale et de celle de la foi. Gare à nous, clercs et laïcs, si nous ne parvenons pas à une conscience suffisante des véritables enjeux et des profondeurs de notre combat. Notre rang de soldats de Dieu nous demande de ne pas nous laisser bercer par l’espoir du retrait d’un décret qui, s’il arrivait, ne signerait pas même un armistice. L’attente n’est pas la passivité. Ce moment doit être impérativement mis à profit à poursuivre l’instruction et la formation de chacun, son affermissement et son aguerrissement.

Rappelons-nous donc les fautes et les imperfections constatées au cours de cette première période d’attente pour n’y pas retomber. Au fur et à mesure que des bruits, toujours plus nombreux et toujours plus insistants, certains en provenance de Rome, nous avertissaient que le pape allait publier un texte en faveur de l’ancienne messe, les esprits eurent tendance à se partager entre scepticisme et euphorie. Le temps passant, ils s’échauffèrent et il se répandit un climat d’excitation finalement peu propice à une réflexion objective sur la signification exacte que revêtirait  la concession du premier préalable.

D’un préalable l’autre


Quoique imparfait et insatisfaisant sous de nombreux rapports, il apparaît aujourd’hui comme une évidence que ce Motu Proprio  fait bien date dans l’histoire du désenclavement de la messe traditionnelle. Il méritait d’être salué par la Fraternité, qui n’y a pas manqué, au moins pour cet aveu pontifical tant attendu que la messe de Saint Pie V n’avait jamais été abrogée et pour cette reconnaissance conséquente que tout prêtre avait toujours eu le droit de la célébrer et avait donc présentement le droit de le faire.

Par ailleurs, il correspondait et répondait, dans sa matérialité, au premier préalable suggéré par la Fraternité et pour lequel elle avait réclamé de ferventes prières. S’il n’était sans doute pas explicitement présenté comme une réponse à sa première requête, il l’était de facto. Non content d’indiquer une certaine rencontre de la pensée du Pape avec la nôtre sur ce  premier bien que l’on escomptait de la reconnaissance de la liberté de la messe, il se prêtait trop visiblement à être perçu comme un signe à l’égard de la Fraternité pour n’avoir pas été pensé et mesuré comme tel.

Remarquons aussi qu’il n’a pas répugné à Benoît XVI de s’inscrire visiblement dans cette logique, pourtant émise et unilatéralement définie par la Fraternité, alors qu’il savait bien qu’on ne manquerait pas, ou pour l’en louer ou pour l’en blâmer, de le souligner. Quoique d’en avoir joué le premier acte ne l’engage pas, il est vrai, pour ceux qui suivent, s’y être commis n’est cependant pas neutre et il le sait bien. D’autant plus que le Pape n’était pas sans ignorer que l’effet secondaire de la publication du Motu Proprio serait l’immanquable accentuation du discrédit qui affecterait les fulminations portées par Rome contre la Fraternité. En affirmant que la messe n’avait jamais été interdite, le discours pontifical donnait raison, hélas seulement après sa mort, à celui qui l’avait toujours affirmé, quasi-isolément parmi tous les évêques: « Le vénéré Monseigneur Lefebvre ».

A la suite d’une telle réhabilitation implicite de son grand combat pour la messe, même si elle ne demeure encore que partielle, sera-t-il longtemps possible au Pape de maintenir le souvenir de « l’excommunication  » de celui qui, à peu près seul, eut le courage de le mener contre tous, qui ne s’est pas laissé intimider et dont la récompense, pour le moment, n’a cependant consisté que dans la salissure de sa mémoire ?

Est-il vraiment possible qu’un combat si héroïque, dont l’utilité pour l’Eglise ne cesse et ne va désormais plus cesser de se révéler davantage, puisse avoir été mené par un homme mauvais, mauvais d’une malice qui aurait été plus ténébreuse que celle de Luther, et dont la mémoire devrait à jamais demeurer maudite ? Maudit, celui sans qui cette messe n’aurait toujours pas été rendue à l’Eglise ? Qui osera encore le prétendre ? Qui ne commence, au contraire, à percevoir cette réunion et ce bourgeonnement de tous ces signes laissant pressentir que ces   « excommunications » étaient bien une forfaiture et que l’on  ne peut plus, plus longtemps, laisser croire qu’elles ont existé et qu’elles existeraient encore ?

Admettons - dato, non concesso - que les consécrations épiscopales de 1988 n’eussent d’ailleurs pas eu d’autre but que leur décisive et incontestable contribution à la sauvegarde et au maintien de la messe. Ce seul souci, si grave et si sacré, n’eût-il pas dû déjà suffire et, aujourd’hui encore, ne  le devrait-il pas encore, à concéder la réalité d’un état de nécessité, au moins liturgique, auquel Monseigneur Lefebvre se trouvait acculé et duquel il s’est réclamé ?

Ou, si l’on ne peut ou qu’on ne veut avouer cette nécessité pourtant évidente, ledit souci ne devrait-il pas suffire à faire reconnaître du moins la noblesse de son intention et, au vu de l’éminent service ainsi  rendu à l’Eglise, à empêcher de s’attarder sur une «  faute » qui, par la suite, se serait avérée comme si bienheureuse qu’elle ne mériterait  d’autre sanction que la magnanimité pontificale ? S’il n’est aucunement le nôtre, ce raisonnement devrait, en revanche, trouver attentifs nos interlocuteurs soumis à un nouveau Code de droit canonique qui le favorise.

Que la pensée de Benoît XVI chemine en ce sens n’aurait vraiment pas de quoi nous étonner. Si lui-même n’avait pas d’abord été intimement convaincu d’une grave nécessité provoquée par l’état de déliquescence liturgique, aurait-il alors encouru ce risque de braver et de se mettre à dos la grande majorité de l’épiscopat ? S’il l’a pris, c’est que, lui aussi, avait particulièrement conscience d’un état de nécessité liturgique suffisamment grave pour  devoir intervenir.

Bien que nous trouvions – et nous ne nous en cachons pas - considérablement à redire sur la doctrine et sur la théologie du Pape, enracinées sur les textes du Concile, ces graves réserves ne nous empêchent pas de penser en même temps que Benoît XVI ne manque ni d’intelligence ni d’une indiscutable probité. Il sait parfaitement qu’il n’aurait pu rendre la messe à l’Eglise si l’attachement à cette liturgie et la  revendication de sa liberté n’avaient été maintenus et transmis par le Fondateur de la Fraternité Saint-Pie X . Ces excommunications, elles traînent dans son âme de pape comme une poussière dans un œil. Nous pensons qu’elles le font pleurer et qu’elles obscurcissent son regard : combien de temps, lui qui veut voir, les supportera-t-il encore ?

Dès lors, tout espoir ne devient-il pas possible ? Ce premier clin d’œil pontifical ne nous laisse-t-il pas le droit de penser que le Pape ne s’arrêtera plus en si bon chemin ? A-t-il pu, en choisissant de faire le premier pas, ne pas se poser la question du second, ne pas songer à cette logique qui presse, de toutes ses fibres, à remonter d’un préalable à l’autre, c’est-à-dire d’un agir reconnu bienfaisant à un être qui ne peut donc être malfaisant ?

D’ailleurs, les deux demandes se ressemblent. Dans les deux cas, il ne s’agit, en définitive, que d’obtenir l’aveu d’un non-être : non-être de l’interdiction de la célébration de la messe de Saint Pie V, non-être des excommunications et nullité d’un décret honteux. Si la première croisade du Rosaire a été suivie du Motu Proprio sur la messe, la seconde pourrait bien aboutir au retrait du décret des excommunications.

Le second préalable

Avant l’obtention du premier préalable, peu nombreux ont réellement été ceux qui ont conjecturé que Rome se hasarderait à l’accorder malgré la hargne épiscopale. Peu ont cherché, en conséquence, à prendre la véritable mesure d’un tel événement. Après son obtention, il est encore possible, ou d’avoir tendance à en relativiser la signification et la portée par un juste souci de ne pas risquer un emballement injustifié envers le pape Benoît XVI, ou bien d’avoir été soi-même touché par cet emballement.

Il faut bien réfléchir et prier pour trouver l’équilibre dans le jugement et éclairer les âmes comme il le faut, ne pas écarter l’hypothèse du retrait du décret comme improbable, ne pas non plus l’annoncer, telle madame Irma, comme allant certainement se produire sous peu.

Parce que le décret peut très bien ne pas être retiré avant longtemps encore, il faut en montrer la nullité et  l’injustice et démontrer en même temps qu’il est l’aboutissement de la machine conciliaire rejetant Foi et Tradition. Tant que l’apparence de cette sanction subsistera, nous continuerons à la porter comme une légion d’honneur, comme le symbole d’un glorieux opprobre, celui qu’a valu à nos évêques leur seule fidélité.

Parce que le retrait du décret peut également se produire rapidement, il est de notre devoir d’en anticiper la déclaration de manière à ce qu’un tel acte, s’il doit se produire, soit uniquement jugé selon sa signification exacte. S’il s’agit réellement du retrait du décret – et non pas d’une levée des excommunications - il sera alors le commencement de la réparation de l’injustice inouïe que l’on sait et nous pourrons nous en réjouir.

En effet, même s’il ne s’agira, en définitive, que d’un premier pas vers la réparation d’une indignité, nous éprouverons à l’égard du pape qui le décidera un véritable sentiment de gratitude qu’il ne faudra aucunement hésiter à exprimer. Les pas suivants n’arriveront sans doute qu’après le succès de la deuxième étape : explicitation que le retrait du décret est dû à la nullité des « excommunications », réhabilitation solennelle de Monseigneur Lefebvre et, nous le croyons, ouverture d’un tout autre procès, celui qui débouchera sur la déclaration de l’héroïcité de ses vertus.

Si, en revanche, il s’agissait d’une « levée des excommunications », les choses seraient tout autres. Il ne correspondrait pas à notre deuxième préalable et ne laverait nullement nos évêques du mauvais procès qui leur a été fait. Laissant alors accroire que les peines prononcées n’étaient pas nulles et qu’elles étaient peut-être même méritées, n’en résulterait-il pas, dans un certain sens au moins, un nouveau mal plus profond ? Rome aurait alors enlevé, avec une apparence miséricordieuse, des sanctions qui se trouveraient, par le même acte, confirmées comme ayant été validement, voire légitimement portées.

Nous avons entendu dire que certains prêtres des Instituts Ecclesia Dei s’étaient joints à notre croisade du Rosaire et nous les en remercions. Nous voudrions simplement  leur signaler que notre croisade vise à obtenir le retrait d’un décret nul et affligeant, non celui d’une peine  que nous savons être inexistante. Cette distinction est de taille ! L’existence de cette Commission Ecclesia Dei juchée sur la condamnation de Monseigneur Lefebvre, comme l’acceptation d’en être, est un authentique sujet de scandale. Nous n’avons jamais compris, en particulier, comment certains, qui lui doivent tout et sont convaincus de la nullité de ces excommunications, s’y soient  fourvoyés. Puissent-ils protester contre une telle tutelle et s’en émanciper. Ne serait-ce pas là une façon de payer leur dette de reconnaissance à l’égard de Monseigneur Lefebvre ?

Quoi qu’il en doive être, si nous avons mené à bien cet effort d’expliquer ce qui anime notre Fraternité, les âmes ne se trouveront pas décontenancées. Ces deux préalables, aussi importants qu’ils soient, ne sont, in fine, rien d’autre que le début d’un long processus !

Toutes les questions les plus sérieuses, celles qui portent sur la foi elle-même, restent à aborder. C’est le cœur de notre combat et nous n’avons pas un iota à en concéder. Ce ne sera donc certes pas un manque de gratitude, mais un acte de charité, de continuer à exprimer bien nettement tous nos désaccords avec la doctrine empoisonnée du Concile. Donnons-nous du mal, dès à présent, pour réfuter ce sentimentalisme si commun qui voudrait, comme réponse aux avancées du Pape, que nous cessions nos critiques au sujet de sa pensée, pourtant résolument inscrite dans son herméneutique de la continuité de Vatican II, absolument inadmissible.

Ne laissons jamais dire que « ces discussions théologiques » sont une affaire de spécialistes et ne nous regardent pas. Il faut insister pour démontrer que c’est tout le contraire : parce qu’elles touchent à la foi, ces questions nous regardent tous éminemment, clercs et laïcs. Nous devons donc nous donner du mal pour en comprendre et pour en faire comprendre les enjeux.

Vatican II, c’est le découronnement politique de Notre Seigneur Jésus-Christ et le déni de Ses droits sur les sociétés. Vatican II, c’est une bienveillance infiniment dommageable et scandaleuse pour les âmes à l’égard de ces sociétés, convoyeuses de l’erreur et du vice et pourvoyeuses de l’Enfer, bien improprement appelées « autres religions ». Vatican II, c’est ce triomphe du démocratisme dans l’Eglise qui rend toute autorité chimérique et tout commandement à peu près  impossible, qui permet la prolifération de l’hérésie et du schisme. Vatican II, c’est en réalité le plus grand désastre qui se soit jamais produit dans l’Eglise.

Pour s’en remettre, elle doit s’en défaire. En aucune manière, la Fraternité ne pourra donc cesser son immense combat de confession de la foi qui comporte obligatoirement la dénonciation de l’erreur. Elle doit rester humble et respectueuse mais intrépide, impavide, pour continuer à dire tout ce qu’elle doit dire, confesser tout ce qu’elle doit confesser, dénoncer tout ce qu’elle doit dénoncer.

De sainte Jeanne d’Arc à Monseigneur Lefebvre


L’heure n’est-elle pas venue de se souvenir du procès de sainte Jeanne, de celle qui fut brûlée, le 30 mai 1431, comme sorcière, hérétique et relapse sur la  place du Vieux Marché de Rouen ?

Ce fut son admirable mère, Isabelle Romée, qui obtint la tenue d’un nouveau procès d’Inquisition. Le 7 juillet ( n’est-ce pas une date que nous connaissons déjà ?) 1456, dans la grande salle du palais archiépiscopal de Rouen, les commissaires pontificaux, sous la présidence de Jean Juvénal des Ursins, archevêque de Reims, déclarèrent le procès de condamnation de Jeanne et la sentence « entachés de vol, de calomnie, d’iniquité, de contradiction, d’erreur manifeste en fait et en droit y compris l’abjuration, les exécutions et toutes leurs conséquences » et, par suite, « nuls, invalides, sans erreur et sans autorité ».

Aujourd’hui, bien que, certainement, la sainte mère de Monseigneur Lefebvre, du haut du Ciel, l’attende aussi avec confiance, c’est la Fraternité Saint-Pie X, sa fille, qui demande justice pour son père. Nous sommes certains que, de lui, les catholiques avoueront, un jour, ce que d’aucuns avaient pressenti de Jeanne : « Ta mort sera ta vie. ». Et les Français, de même qu’ils éprouvent une légitime fierté de compter, parmi les leurs, une telle enfant, en ressentiront une non moins vive, du service rendu à l’Eglise par cet archevêque, autre insigne rejeton et honneur de leur race.

Tous les deux jugèrent, au lendemain de ces sacres fameux, dont ils avaient bien conscience qu’ils leur vaudraient les plus violentes incompréhensions et représailles de leurs juges, avoir achevé leur épopée. Pour l’un comme pour l’autre, le sacre, celui d’un roi ou celui de quatre évêques, est l’instant par excellence vers lequel convergent leurs admirables missions. Et de leurs chevauchées et de leurs destinées et de leur fidélité au plan de Dieu, l’on n’a rien compris et l’on ne comprendra jamais rien si l’on n’a pas perçu  qu’elles sont toute tendues vers ces sacres sauveurs.

Leur génie ou leur sainteté, le sceau de leur inspiration divine comme le symbole de leur indomptable détermination, ne se manifeste, dans toute son amplitude, qu’à l’heure de ces consécrations victorieuses. Leur mission s’achève et culmine en ces sacres, qui ont déjà valu à l’une et vaudront un jour à l’autre, bien plus que dans tout autre acte de leur vie, la déclaration de l’héroïcité de leurs vertus et les rendent, l’un de l’autre, si théologiquement proches ! Il est saisissant de voir d’ailleurs à quel point les réflexions des meilleurs biographes ou des hagiographes de Jeanne éclairent aussi la vie de notre fondateur.

Or donc, en 1456, lecture de la réhabilitation de Jeanne fut donnée dans toutes les grandes villes du royaume de France. A notre tour, nous espérons patiemment l’heure (et nous sommes fermement convaincus qu’elle viendra) où chaque évêque de notre pays, chacun dans sa cathédrale, sera invité à annoncer que ces prétendues sanctions portées contre nos évêques n’avaient en réalité jamais existé. Tout au contraire, que Monseigneur Lefebvre, par son courage du 30 juin 1988, avait rendu un signalé service à l’Eglise. Au préalable, ils auront bien sûr, chacun dans son évêché, sabré le champagne, celui du sacre de Reims ou des sacres d’Ecône, pour fêter cette réparation ! Qu’on veuille bien  nous pardonner cette petite malice - qui n’en est d’ailleurs pas forcément une ! - d’avoir imaginé cette plaisante scène.

Quoi qu’il en soit, nous voudrions inviter chacun à bien réfléchir sur la lumière que fournit l’obtention du premier préalable. La Fraternité l’a demandé et elle l’a désormais obtenu. Il aurait sans doute été concédé plus tôt si elle avait été plus vigoureusement imitée et soutenue dans sa demande et dans sa prière. Aujourd’hui, elle a commencé une seconde prière et une seconde demande - non pour réclamer la levée des excommunications ! - mais pour requérir le retrait du honteux décret.

Personne ne doit penser que cette seconde requête n’intéresserait cette fois-ci - à la différence de la première - que les seuls membres et les seuls fidèles de la Fraternité ! D’abord parce que tous et chacun d’entre nous ont toujours le devoir d’être concernés, dès qu’est mené un combat au service de la vérité et de la justice. Et ensuite et surtout, parce que l’obtention du second préalable ouvrira enfin, officiellement, sur le débat tant attendu de ces questions graves et décisives que le Concile pose à la conscience catholique.

Puissent les catholiques contemporains ne pas avoir à éprouver la confusion de s’avouer trop tard qu’ils se sont contentés  d’avoir couru au secours de la victoire, faute d’avoir sans doute eu le courage de s’affranchir des consensus et d’avoir su soulever la chape du « religieusement correct ». Ce serait d’autant plus dommage qu’il devient aujourd’hui facile de sentir que le vent a commencé à tourner et de flairer ce que sera l’aboutissement de toute cette affaire !

Le bourreau de Jeanne, après avoir allumé le feu qui devait la dévorer vivante, s’écria : « Nous sommes perdus : nous avons brûlé une sainte. » Nous nous demandons si les personnes les plus secrètement confuses ne seront pas, un jour, celles qui auront voulu s’obstiner à croire ou à faire semblant de croire à « ces excommunications » et qui, d’une voix grave et peinée, font, toujours aujourd’hui, prier pour leur levée et pour le retour des schismatiques dans le giron de l’Eglise. Qui sera donc le dernier à dire y croire encore ?
Quant à la Fraternité, elle continue, aussi paisiblement qu’il est possible d’avancer paisiblement dans une tempête, à suivre son cap. Avec ou sans le retrait du décret des excommunications, elle se trouve d’autant plus résolue à ne pas baisser les bras et à ne pas passer avec Rome «  l’accord de l’eau et du feu » que sa providentielle stratégie a été reconnue et choisie et a même commencé à porter ses fruits.

Par la grâce de Dieu, elle passera, en cette année 2009, le seuil des cinq cents membres prêtres. En France, elle a la joie de vous annoncer, après la bénédiction de la nouvelle église construite au cœur de la ville de Rouen, l’ouverture, pour cette nouvelle année, de deux nouveaux lieux de culte dans la région parisienne, l’un en plein Paris et l’autre près de Meaux, et espère bien, dès la rentrée prochaine, ouvrir un prieuré à Rouen et une nouvelle école primaire à Brest.

Pour l’avancement de notre apostolat, nous vous remercions, de tout notre cœur, de vos prières et de votre soutien. Nous devons, partout, tout continuer à tout construire par nous-mêmes car les lieux de culte nous sont toujours refusés. A mesure que s’entassent davantage les décombres du Concile, il semble en effet que les évêques, plutôt que de chercher à s’en dégager, préfèrent se laisser également ensevelir avec ce qu’il subsiste de leurs diocèses.

Nous ne nous plaignons pas de payer au prix fort notre liberté de parole et de confession de la foi. Mais c’est un fait, dont on doit avoir bien conscience, alors que les églises vides nous demeurent obstinément fermées - comme à Amiens - et que nous devons payer, jusqu’au dernier centime, chaque arpent de nos installations et chaque pierre de nos constructions, que le combat de la foi ne s’est miraculeusement maintenu et ne demeure que dans cet ostracisme et dans cette immense précarité auxquels nous restons confrontés.

Plus que jamais, afin d’intensifier notre résistance et afin de propager la foi, nous avons besoin  de votre aide. Nous vous remercions de ce soutien indispensable pour que nous puissions toujours davantage développer notre apostolat pour la gloire de Dieu, pour le salut des âmes, pour que la foi soit transmise à nos enfants et qu’elle ne disparaisse pas de notre pays. Sainte Jeanne l’a dit et l’a vécu : « Il faut besogner quand Dieu veut. Besognons et Dieu besognera. »

Chers Amis et Bienfaiteurs, en ce début d’année 2009, rempli d’une invincible certitude que l’heure de Dieu et du triomphe de sa justice surviendra, je vous présente tous mes vœux pour qu’enracinés dans ce combat de la foi, nous continuions à le mener, tous ensemble et jusqu’au bout, dans le creuset des vertus chrétiennes et dans le Cœur Douloureux et Immaculé de la très Sainte Vierge Marie.

Abbé Régis de Cacqueray-Valménier
, Supérieur du District de France

29 décembre 2008

[Paix Liturgique] Mgr Malcom Ranjith nous éclaire sur les formes nécessaires d'adoration et de respect de la présence réelle dans l'Eucharistie

SOURCE - Lettre 158 de Paix Liturgique - 29 décembre 2008

Nous reproduisons ci-après l'introduction rédigée par Mgr Malcom Ranjith de l'ouvrage Dominus Est, Pour comprendre le rite de communion pratiqué par Benoît XVI de Mgr Athanasius Schneider, publié au éditions Tempora.

Dans le livre de l’Apocalypse, saint Jean raconte qu’après avoir vu et entendu ce qui lui avait été révélé, il s’était lui-même prosterné en adoration, au pied de l’ange de Dieu (cf. Ap 22, 8). Se prosterner ou se mettre à genoux, devant la majesté de la présence de Dieu, en une adoration humble, était déjà une habitude de respect que le peuple d’Israël manifestait en la présence du Seigneur.

Il est dit au Premier livre des Rois : « Quand Salomon eut achevé d’adresser au Seigneur cette prière et cette supplication, il se releva de devant l’autel du Seigneur, où il était agenouillé, les mains étendues vers le ciel, et s’étant mis debout, il bénit toute l’assemblée d’Israël » (1 R 8, 54-55). La position de supplication du roi est claire : il était à genoux devant l’autel. La même tradition est également visible dans le Nouveau Testament quand nous voyons Pierre se mettre à genoux devant Jésus (cf. Lc 5, 8), Jaïre lui demander de guérir sa fille (Lc 8, 41), le Samaritain revenir le remercier ou Marie, la sœur de Lazare, demander la vie de son frère (Jn 11, 32). C’est la même attitude de prosternation devant la stupeur que provoque la présence ou la révélation divine que l’on remarque généralement dans le livre de l’Apocalypse (Ap 5, 8, 14 et 19, 4).

À cette tradition était étroitement liée la conviction que le Temple Saint de Jérusalem était la demeure de Dieu, et que, par conséquent, il fallait y disposer tout le corps dans une attitude exprimant un sentiment profond d’humilité et de respect à l’égard du Seigneur présent. Même dans l’Église, la conviction profonde que, dans les espèces eucharistiques, le Seigneur est vraiment et réellement présent ainsi que la pratique croissante de conserver la Sainte Communion dans les tabernacles, ont contribué à l’habitude de s’agenouiller dans une attitude d’humble adoration du Seigneur, présent dans l’Eucharistie. De fait, en ce qui concerne la présence réelle du Christ dans les espèces eucharistiques, le Concile de Trente déclare : in almo sanctae Eucharistiae sacramento post panis et uini consecrationem Dominum nostrum Iesum Christum uerum Deum atque hominem uere, realiter ac substantialiter sub specie illarum rerum sensibilium contineri, « dans le vénérable sacrement de la sainte Eucharistie, après la consécration du pain et du vin, notre Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, est vraiment, réellement et substantiellement contenu sous l’apparence de ces réalités sensibles »(DS 1651).

Par ailleurs, saint Thomas d’Aquin avait déjà défini l’Eucharistie latens Deitas (Saint Thomas d’Aquin, Hymne Adoro Te devote). La foi dans la présence réelle du Christ sous les espèces eucharistiques appartenait déjà alors à l’essence de la foi de l’Église catholique et faisait partie intégrante de l’identité catholique. Il était clair qu’on ne pouvait édifier l’Église si une telle foi venait à peine à être ébranlée. Donc, l’Eucharistie, pain transsubstantié en Corps du Christ et vin en Sang du Christ, Dieu parmi nous, devait être accueillie avec émerveillement, avec le plus grand respect et dans une attitude d’humble adoration.

Le Pape Benoît XVI, en se référant aux paroles de saint Augustin, nemo autem illam carnem manducat, nisi prius adorauerit; peccemus non adorando, « que personne ne mange cette chair sans d’abord l’adorer ; nous pécherions si nous ne l’adorions pas » (Enarrationes in Psalmos 98, 9 ; CCL 39, 1385), souligne le fait que « recevoir l’Eucharistie signifie se mettre en attitude d’adoration envers Celui que nous recevons. […] Ce n’est que dans l’adoration que peut mûrir un accueil profond et vrai » (Sacramentum Caritatis 66).

Selon cette tradition, il est évident qu’adopter des gestes et des attitudes du corps et de l’esprit qui facilitent le silence, le recueillement, l’humble acceptation de notre pauvreté face à la grandeur infinie et à la sainteté de Celui qui vient à notre rencontre sous les espèces eucharistiques, devenait cohérent et indispensable
. La meilleure façon d’exprimer notre sentiment de révérence à l’égard du Seigneur-Eucharistie était de suivre l’exemple de Pierre qui, comme nous dit l’Évangile, se jeta à genoux devant le Seigneur en lui disant : « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un pécheur » (Lc 5, 8).
Aujourd’hui, comme nous le voyons dans certaines églises, une telle pratique est tombée toujours plus en désuétude, et les responsables, non seulement exigent que les fidèles reçoivent la Sainte Eucharistie debout, mais ont même été jusqu’à supprimer les agenouilloirs, obligeant les fidèles à s’asseoir ou à se tenir debout, même durant l’élévation des Espèces eucharistiques présentées pour être adorées. Le comble est de constater que de telles mesures ont été prises dans les diocèses, par les responsables de la liturgie, ou dans les églises, par les curés, sans même consulter le moins du monde les fidèles, alors qu’aujourd’hui, plus que jamais, on parle dans de nombreux milieux de démocratie dans l’Église.

Dans le même temps, il faut reconnaître, au sujet de la communion dans la main, que cette pratique a été introduite de manière abusive et à la hâte dans certains milieux de l’Église juste après le Concile, changeant la coutume séculaire qui avait précédé pour devenir désormais la pratique régulière dans toute l’Église. On a justifié un tel changement en affirmant qu’il reflétait mieux l’Évangile ou l’antique pratique de l’Église. Il est vrai que si l’on peut recevoir sur la langue, l’on peut aussi recevoir sur la main, ces deux organes du corps étant d’une égale dignité. Certains, pour justifier cette pratique, font référence aux paroles de Jésus : « Prenez et mangez » (Mc 14, 22 ; Mt 26, 26). Quelles que soient les raisons favorables à cette pratique, nous ne pouvons ignorer ce qui se passe au niveau mondial, quand une telle pratique vient à se réaliser. Ce geste contribue à un affaiblissement graduel et croissant de l’attitude de respect envers les saintes Espèces eucharistiques. À l’inverse, la pratique précédente avait mieux préservé ce sentiment de vénération. Au lieu de cela, se sont glissés un manque alarmant de recueillement et un esprit de générale insouciance. Il arrive désormais de voir des personnes ayant communié qui retournent à leur place comme si rien d’extraordinaire ne s’était produit. Dans la grande majorité, ce sont les enfants et les adolescents qui sont distraits. Dans de nombreux cas, on ne remarque pas ce sens de gravité et ce silence intérieur qui doivent être les signes de la présence de Dieu dans l’âme. Et puis il y a toutes sortes d’abus : ceux qui emportent les saintes espèces pour les garder comme souvenirs ; ceux qui les vendent, ou pire encore, ceux qui les emmènent afin de les profaner dans des rites sataniques. On a pu faire le constat de telles situations : jusque dans les grandes concélébrations, même à Rome, on a pu trouver à plusieurs reprises les Saintes Espèces jetées par terre. Cette situation nous amène à réfléchir non seulement sur cette grave perte de la foi, mais aussi sur ces outrages et offenses faites au Seigneur, Lui qui daigne venir à notre rencontre en voulant nous rendre semblables à Lui, afin que se reflète en nous la sainteté de Dieu. Le Pape parle de la nécessité non seulement de comprendre le sens véritable et profond de l’Eucharistie, mais aussi de la célébrer avec dignité et respect. Il dit que nous devons être conscients « de l’importance des gestes et des postures, comme le fait de s’agenouiller pendant les moments centraux de la prière eucharistique » (Sacramentum Caritatis, 65). De plus, en parlant de la réception de la Sainte Communion, il invite tout le monde à « faire [son] possible pour que le geste, dans sa simplicité, corresponde à sa valeur de rencontre personnelle avec le Seigneur Jésus dans le Sacrement » (Sacramentum Caritatis, 50).

Dans cette perspective, il faut apprécier le petit livre écrit par S. E. Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire de Karaganda, au Kazakhstan, dont le titre Dominus est est tout à fait significatif. Ce livret veut apporter sa contribution dans la discussion actuelle sur l’Eucharistie, comme présence réelle et substantielle du Christ dans les espèces consacrées du pain et du vin. Il est à noter que Mgr Schneider commence sa présentation par une note personnelle qui rappelle la profonde foi eucharistique de sa mère et de deux autres femmes, foi conservée au milieu de tant de souffrances et de sacrifices, que la petite communauté catholique de ce pays a supportés durant les années de persécution soviétique. En partant de sa propre expérience qui a éveillé en lui une grande foi, de l’émerveillement et de la dévotion à l’égard du Seigneur présent dans l’Eucharistie, il nous présente un excursus historico-théologique qui explique bien comment la pratique de recevoir la Sainte Communion dans la bouche et à genoux a été accueillie et pratiquée dans l’Église durant de nombreux siècles. Aujourd’hui, je crois que le moment est arrivé de bien évaluer cette pratique, de revoir et, si nécessaire, d’abandonner la pratique actuelle qui, en réalité, ne se trouve indiquée ni dans Sacrosanctum Concilium lui-même, ni par les Pères Conciliaires, mais qui fut acceptée après avoir été introduite abusivement dans certains pays. Aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire d’aider les fidèles à retrouver une foi vive en la présence réelle du Christ dans les espèces eucharistiques, dans le but de renforcer la vie même de l’Église et de la préserver au milieu des dangereuses déviations de la foi que de telles situations continuent à provoquer. Les raisons d’une telle orientation ne doivent pas être tant théoriques que pastorales – autant spirituelles que liturgiques : elles doivent contribuer à une meilleure édification de la foi. En ce sens, Mgr Schneider fait preuve d’un courage louable parce qu’il a su saisir la vraie signification de la parole de saint Paul : « Que tout se passe de manière à édifier » (1 Co 14, 26).

Malcolm Ranjith - Évêque Secrétaire de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements

Réflexions de Paix Liturgique :

1 - Mgr Ranjith n'est pas n'importe qui dans l'Eglise. Il n'est ni un vieillard resté attaché à des croyances du passé, ni un électron libre incontrôlable, ni un nostalgique de vieilles valeurs occidentales.
Mgr Ranjith est un proche collaborateur et un ami du Pape. Il a 61 ans, évêque du Sri Lanka, ancien nonce apostolique en Indonésie, il est aujourd'hui Archevêque Secrétaire de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements. Les fonctions qu'il occupe au Vatican donnent à ses paroles d'autant plus d'importance qu'elles ne font pas qu'exprimer ses opinions personnelles mais résument tout au contraire ce que le Pape entend rappeler à l'ensemble de l'Eglise universelle en la matière.

2 - Mgr Ranjith ne s'appuie pas sur des impressions mais sur des réalités théologiques et scripturaires fortes pour affirmer ce qui lui semble la règle juste pour distribuer et recevoir la sainte communion… Il nous rappelle que de l'Ancien testament jusqu'à une époque récente, la position à genoux a été une pratique populaire, normale et souhaitée par les fidèles. Or, force est de constater que si ce qu'il dit n'est pas "interdit" dans nos paroisses, ce n'est pas dans cette voie que l'on oriente et éduque encore les fidèles...

3 - Enfin et surtout Mgr Ranjith illustre très bien ce vieux principe selon lequel la loi de la prière éclaire et entraîne la loi de la Foi : comment en effet comprendre par tous les pores de sa peau ce qui se déroule sur l'autel au cours du sacrifice eucharistique si cela est banalisé par des attitudes sans rapport avec la grandeur du mystère et de la présence réelle. Oui, il faut que tous les fidèles et les prêtres s'interrogent : que se passe-t-il pendant la messe ? La présence réelle est-elle authentique ? Croyons-nous vraiment que la "sainte Messe est le sacrifice du Corps et du Sang de Jésus-Christ, offert sur nos autels sous les espèces du pain et du vin en souvenir du sacrifice de la Croix?” De la réponse à ces questions dépendra l'évolution des formes liturgiques qui ne sont que des réponses à nos croyances ou non à certaines réalités.

4 - Le Motu Proprio Summorum Pontificum libéralisant l'usage de la messe "traditionnelle" ne s'inscrit-il pas dans cette logique voulue par le Saint Père de redonner à la liturgie sa vraie place ? En effet, la forme extraordinaire de l'unique rite romain, trésor liturgique de l'Eglise, n'exprime-t-elle pas par excellence les vérités de Foi auxquelles l'Eglise nous demande d’adhérer ? Et dans ces conditions, pourquoi certains pasteurs s'entêtent-ils à faire la sourde oreille face aux demandes des fidèles qui souhaitent bénéficier des richesses de cette forme liturgique ?

Pour en savoir plus :

Dominus Est.Pour comprendre le rite de communion pratiqué par Benoît XVI
de Athanasius Schneider, préface de Mgr Malcolm Ranjith

Editeur : Editions Tempora,2008
EAN13 : 9782916053356

Ce livre peut être acheté chez votre libraire habituel, ou sur internet sur www.amazon.fr, www.alapage.com ou bien sur chez www.librairiecatholique.com

26 décembre 2008

[VirgoMaria] Un prêtre [sédévacantiste] répond à l’abbé de Tanoüarn sur la légitimité de la messe

SOURCE - VirgoMaria - 26 décembre 2008

Globalement je crois que l’abbé de Tanoüarn dit plein de bonnes choses quant aux principes : il nettoie beaucoup de poussières accumulées depuis 40 ans dans les consciences des tradis. Notamment en disant qu’un rite du Pape est nécessairement légitime.

Finalement il ne reste que deux alternatives : se rallier, ou dire que Benoît XVI n’est pas Pape. La position de la FSSPX n’existe pas, elle est d’ailleurs un non-sens théologique, elle voudrait occuper un vide mais comment occuper “le vide” ?! Soit dit en passant, l’abbé de Tanoüarn bouscule aussi les ralliés qui ont gardé la mentalité de la FSSPX : ceux qui suivent l’IBP sans admettre la légitimité du NOM.

Mais ma critique de fond à ces lignes de l’Abbé de Tanoüarn, si elle ne touche les principes, touche leur application : le NOM. En réalité la critique fondamentale des tradi sur le NOM n’est pas qu’il est moins bon, mais aussi qu’il est mauvais, qu’il fait du mal (en soi, même si bien célébré), qu’il diminue en soi la foi. Et l’abbé de Tanoüarn l’admet lui-même : voir ses dernières lignes (”le rite de Paul VI transmet mal aux fidèles le Mysterium fidei dont il est chargé et que l’Eglise souffre chaque jour dans ses chairs exsangues, des équivoques de ce rite qui avait été pensé pour être le rite de tous les chrétiens, quelle que soit leur conception du sacrement et du sacrifice. Je suis convaincu que tant que l’Eglise ne redira pas clairement le caractère propitiatoire (ou simplement : réel) de son sacrifice, dans le monde a-religieux qui est le nôtre, la crise de la pratique religieuse continuera et le désert spirituel s’étendra”). Or le Pape ne peut rien donner de mauvais aux fidèles, c’est là l’affirmation la plus catholique qui soit (NDLR: Passage marqué en gras).

En réalité, contrairement à ce que dit l’abbé de Tanoüarn, on peut vraiment vraiment douter qu’un Pape puisse révolutionner toute la liturgie. C’est à dire qu’un Pape, chef de l’Eglise, reçoit pour mission de transmettre le dépôt révélé, de l’expliciter, de le préciser, de le défendre… jamais de le changer, de la travestir, de le nier. D’où la question : peut-on juger théologiquement une révolution liturgique comme celle de Paul VI (dans le fond, indépendamment des circonstances… même si les circonstances sont une aggravante et une résonance du fond) autrement que comme une atteinte au dépôt révélé ?

C’est à dire un vrai Pape peut-il changer toute la liturgie comme il l’a fait ? Si l’on considère que les protestants acceptent le NOM comme valable pour eux, si l’on se souvient des hérésies protestantes sur la Messe, et toutes les autres en matière de liturgie, si l’on pense à l’adage Lex Credendi, Lex Orandi, si l’on se souvient surtout que le Très Saint Sacrifice de la Messe est l’écrin le plus précieux de l’Eglise, le poumon du Corps mystique du Christ (poumon au sens où la grâce qui le fait vivre passe essentiellement par la célébration quotidienne de la Messe, et l’abbé de Tanoüarn l’a bien compris, ses lignes citées plus haut en témoigne) le doute laisse place à la certitude : un vrai Pape ne peut cautionner cette réforme liturgique.

Légitimité de Paul VI et légitimité de la réforme liturgique ne font qu’un : en voyant le NOM, je le refuse, et donc je comprends que Paul VI n’est pas Pape (ou au moins le doute me vient). Une fois certain de l’illégitimité de Paul VI (aussi par d’autres voies : liberté religieuse, œcuménisme, personalisme, etc.) alors toute la réforme liturgique perd toute légitimité à priori. N’est-ce pas là le cheminement du Père Guérard des Lauriers : du Bref Examen Critique à la thèse de Cassiciacum ?

25 décembre 2008

[Jean Madiran - Présent] Le rapport de la FIUV au Pape (II) - Les conférences épiscopales dans le collimateur

SOURCE - Jean Madiran - Présent - 24 décembre 2008

Nous avons souhaité la bienvenue, samedi dernier, au rapport de la FIUV (Fédération internationale Una Voce) publié dans la revue française Una Voce (40 rue de la Procession, 75015 Paris).

Il a décisivement mis en cause les conférences épiscopales.

Et il pèse lourd.

D’autant plus qu’il contient la promesse de ne pas se laisser oublier : chaque année désormais, la FIUV établira « un rapport semblable ».

L’utilité pratique d’une conférence épiscopale se réunissant seulement une ou deux fois par an, mais représentée par un « conseil permanent » restreint qui parle en son nom, est d’instituer un interlocuteur unique pour le gouvernement dans les conversations et accords entre l’Etat et l’Eglise.

L’argument est constamment utilisé. Pourtant il est spécieux.

Au niveau des rapports entre l’Eglise et l’Etat, l’interlocuteur normal pour la République n’est pas l‘épiscopat mais le Saint-Siège.

On vient de le voir encore ces jours-ci : l’accord signé pour la reconnaissance par l’Etat des diplômes de l’enseignement supérieur catholique a été passé avec le Saint-Siège et non point avec l‘épiscopat. Il en va habituellement de même pour les concordats et autres négociations de ce genre. C’est d’ailleurs là, pour l‘épiscopat local, une garantie d’indépendance à l‘égard de l’Etat.

Les assemblées ne sont pas forcément perverses. Elles évitent de l‘être quand elles sont dirigées par un chef responsable. Le concile œcuménique est de plein droit dirigé par le Pape, les éventuels conciles provinciaux sont dirigés par un légat du Pape. Livrées à elles-mêmes, désorientées par une libre prolifération d’opinions et propositions diverses, les assemblées sont enclines à rechercher prioritairement, par le dialogue et les concessions réciproques, un accord prétendant servir « l’unité », plutôt que de fonder leur unité sur une commune adhésion à la vérité.

Observons au passage que le désordre initial de Vatican II fut sa rébellion épiscopale contre l’autorité du Souverain Pontife : ce concile commença en effet par rejeter aveuglément les schémas préparés sous la direction de Jean XXIII pour encadrer les travaux et orienter utilement les discussions. Son déroulement demeura marqué par cette faute originelle.

Au meeting tenu à la Mutualité par Renaissance catholique, le 20 novembre 2005, Michel De Jaeghere avait défini le rôle des laïcs, dans la crise générale de la foi, des mœurs et du culte, comme devant comporter successivement :

1. – la réclamation ; et si elle ne suffit pas :

2. – la contestation ; et si elle ne suffit pas non plus :

3. – la suppléance.

Cela vaut pour le catéchisme des enfants baptisés ; pour la pratique du latin liturgique et du grégorien ; pour la messe traditionnelle, l’action des laïcs ne peut être qu’auxiliaire, mais souvent décisive ; et pour l’opposition raisonnée aux sophismes abrutissants et aux mœurs sectaires de l’idéologie moderniste devenue dominante dans de nombreux secteurs de l’Eglise.

Le rapport de la FIUV est un bel exemple d’action des laïcs aux trois niveaux de Michel De Jaeghere. Procurez-vous-le. Etudiez-le. Faites-le connaître.

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 6744 de Présent, du Mercredi 24 décembre 2008
http://www.present.fr/article-8302-6744.html

24 décembre 2008

[Lyon Mag] Noël : dix messes sur mesure

SOURCE - Lyon Mag - 23 décembre 2008

Noël : dix messes sur mesure
Où trouver des messes de Noël un peu décalées? A Lyon, plusieurs églises organisent des célébrations originales. Sélection.
[...]
Latin
Les cathos traditionalistes sont unanimes : rien ne vaut une bonne messe en latin pour célébrer la naissance de Jésus, qui pourtant ne parlait pas un mot de latin. D’ailleurs la grande majorité des curés ne cuisine plus cette langue morte depuis plus de 30 ans. A part quelques résistants, si on peut dire. Bref, pour un retour dans le passé, rendez-vous à la messe de Noël de la paroisse Saint-Georges, dans le Vieux-Lyon, ou à celle du prieuré Saint-Irénée à Villeurbanne. Pas forcément très drôle, avec le curé qui tourne le dos toute la messe. Mais c’est une bonne occasion de rendre visite à une tribu en voie de disparition.
Messe le 24 décembre à 23h45. Compter environ 2 heures de messe. A Saint-Irénée, messe le 24 décembre au 56 rue d’Inkermann à minuit.
[...]

22 décembre 2008

[Paix Liturgique] Presque un conte de Noël... L’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre vient d’être érigé de Droit pontifical

SOURCE - Lette 157 de Paix Liturgique - 22 décembre 2008




Un événement considérable vient de marquer la vie de l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre.


Le 7 octobre dernier, en la fête du Très Saint Rosaire, par volonté de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI, Son Eminence Révérendissime le Cardinal Dario Castrillon Hoyos, préfet émérite de la Congrégation du Clergé et actuel président de la Commission Pontificale Ecclesia Dei, a signé le décret Sæculorum Rex élevant l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre au rang de ‘Société de vie apostolique en forme canoniale’, de Droit Pontifical.

Cette approbation pontificale intervient après vingt ans d’existence et la consultation de tous les évêques (une cinquantaine) auprès desquels l’Institut exerce son apostolat, tant en Europe (France, Italie, Belgique, Allemagne, Espagne,…) qu’aux Etats-Unis ou en Afrique. Elle est l’aboutissement d’une procédure canonique normale et sereine, au cours de laquelle les prêtres ont su faire leurs preuves et se faire apprécier dans les diocèses, tout en célébrant la forme extraordinaire du rite romain.

Pour faire un peu d’histoire, rappelons que cet institut a été fondé il y a vingt ans par Mgr Gilles Wach et Monsieur le Chanoine Philippe Mora.

A cette époque, ces jeunes prêtres français ont reçu leur formation sacerdotale auprès du Cardinal Siri à Gènes, qui les manda à Saint Pierre de Rome recevoir des mains du Pape Jean-Paul II l’ordination sacerdotale, le 24 juin 1979. Ils n’avaient aucunement l’intention de fonder une famille religieuse. Mais durant les années 1986-87, alors qu’ils travaillaient à Rome – l’un auprès du cardinal Oddi à la Curie Romaine, l’autre au Vicariat –, beaucoup de jeunes gens les contactèrent pour leur demander une formation catholique traditionnelle au Sacerdoce. Plusieurs cardinaux leur soumirent l’idée de lancer les bases d’une communauté ecclésiastique, de sorte que l’idée de l’Institut existait déjà bien avant 1988. Ils ont alors décidé de réunir ces vocations et d’assurer leur formation.

La Providence aidant cette entreprise courageuse, cette fondation naissante allait recevoir une première existence canonique. Comme la situation en France était trop tendue, c’est Monseigneur Obamba, Évêque de Mouila au Gabon, qui invita le premier la jeune communauté à l’aider dans son diocèse pour l’apostolat missionnaire. Il lui donna alors une première reconnaissance canonique, le 1er septembre 1990. En même temps, il nomma l’abbé Wach Vicaire général, qui avec cette charge devint " Monseigneur Wach"

Bientôt, avec l’aide du Cardinal Mayer de la Curie romaine et accueilli par le Cardinal Piovanelli dans l’Archidiocèse de Florence, Monseigneur Wach put trouver une maison appropriée pour le Séminaire et la Maison Généralice de sa communauté rapidement grandissante : Gricigliano.

L’Institut a ensuite connu une croissance régulière dans le monde entier. Son travail apostolique s’est assez vite étendu en France, en Espagne, en Belgique, en Suisse, en Autriche, en Allemagne et aux Etats-Unis. De plus en plus de séminaristes ont rejoint l’Institut pour avoir une formation catholique et traditionnelle au sacerdoce.

Aujourd’hui, ce sont en moyenne une quinzaine de jeunes garçons qui entrent chaque année au séminaire de Gricigliano pour répondre à l’appel du divin Maître.

Les constitutions de cette congrégation sont donc définitivement approuvées par Rome depuis le 7 octobre dernier.

L’Institut n’est donc plus sous l’autorité et la responsabilité de l’archevêque de Florence, mais dépend directement de Rome.

Son Supérieur et Ordinaire canonique est désormais en tout Mgr Gilles Wach, Prieur Général.

L’une des spécificités de l’Institut est la romanité. Pour mieux comprendre cet aspect, penchons-nous directement sur un passage de ses constitutions :

« L’Institut possède un dévouement filial envers les Successeurs de Pierre sur le Siège Apostolique, dans Lequel il reconnaît la présence visible du Christ Roi Souverain Prêtre, tête invisible de son Corps Mystique qui est l’Eglise. L’Institut – par la grâce de Dieu resté toujours fidèle au sein de notre Sainte Mère l’Eglise – s’est vu proche du Siège Romain et de l’Evêque de l’Eglise universelle depuis son commencement. Pour cette raison, tous ses membres sont formés dans l’esprit d’une Romanité vivante, qui est un reflet de l’Unité, de la Sainteté, de l’Apostolicité et de la Catholicité de l’Eglise Romaine dans la vie quotidienne de l’Institut. Une des multiples expressions de cette Romanité sera l’oraison pour le Pontife Romain, ajoutée aux oraisons du Saint Sacrifice de la Messe par tous les prêtres de l’Institut, en conformité avec les normes liturgiques. »

Les trois saints patrons de l’Institut achèvent de lui donner son esprit et son charisme propres.

1. Saint Benoît rappelle aux membres de l’Institut de placer Dieu – et le culte qui lui est du – à la première place. La liturgie et le chant grégorien ont donc une place primordiale dans la vie des prêtres de l’Institut.

La Messe, célébrée dans la forme extraordinaire, mais également l’Office divin chanté au chœur en commun, sont comme les sources auprès desquelles ils viennent puiser la fécondité de leur apostolat.

Leur rythme de vie, que l’on pourrait qualifier de canonial, vient confirmer leurs constitutions, où l’on peut lire que les prêtres de l’Institut sont des chanoines séculiers :

« La vie commune des membres de l’Institut est canoniale et orientée selon la forme des presbytères augustiniens et des chanoines séculiers au cours de l’histoire de l’Eglise, à l’exemple d’une famille spirituelle centrée autour de la célébration du Mystère liturgique. Cette vie commune dans le monde sera la source efficace d’un engagement pastoral ouvert aux nécessités spirituelles de l’homme contemporain. »

Pour marquer cette spécificité canoniale, leur ordinaire d’alors (le Cardinal-archevêque de Florence) leur avait déjà donné en 2006 leur habit de chœur propre, dont ils se revêtent pour chaque office chanté en commun. Le manteau de chœur rappelle précisément la coule bénédictine, que les moines portent au chœur dans les mêmes circonstances. La couleur bleue et la croix de saint François de Sales évoquent directement leur deuxième saint patron.

2. Saint François de Sales apporte à l’Institut sa spiritualité, fondée sur l’amour de Dieu. A la suite de leur patron céleste, les chanoines de l’Institut souhaitent être missionnaires. Ils savent que, dans un monde déchristianisé comme le nôtre, il est plus facile à une âme d’accepter la grandeur et la majesté de la foi divine quand celle-ci est présentée avec l'humilité compatissante de la charité, et avec la patience et douceur que Notre Seigneur a toujours pour ses enfants.

C'est la raison pour laquelle les membres de l'Institut veulent suivre l'exemple de Saint François de Sales, qui a été à la fois l’un des plus grands théologiens de son époque et aussi le "docteur de la charité".

3. Un autre docteur, Saint Thomas d’Aquin, vient clore admirablement le trio. Surnommé le ‘Docteur Angélique’, il est un maître assuré et incontesté dans la formation doctrinale et théologique.

Dès le début de leurs études, les séminaristes sont mis à son école. Avec lui, ils comprennent que la science théologique n’est pas une pure connaissance morte qui assèche l’âme, mais qu’elle est au contraire pour elle source d’une authentique vie spirituelle d’union à Dieu.

Les professeurs viennent des universités romaines, de la Sorbonne, du corps enseignant philosophique de l’IPC à Paris, et également des prêtres licenciés de l’Institut. Les études commencent par une année de Spiritualité, puis continuent avec deux ans de philosophie, et enfin quatre ans de théologie.

La formation intellectuelle est accompagnée d'une formation humaine, qui inclut la culture générale, les coutumes sacerdotales, et bien sûr les travaux plus pratiques d’entretien de la maison et du jardin. Ainsi est donnée une éducation complète de l'esprit et du corps. Une formation purement intellectuelle n'est jamais suffisante pour un prêtre. Si elle ne repose pas sur une vie profonde de prière, et soutenue par l'humilité, la personnalité du prêtre ne serait pas assez formée.

L’Institut du Christ Roi veut donc former des prêtres de demain : des "administrateurs fidèles des mystères saints", qui font tout comme le Christ veut qu'ils fassent pour les âmes.

Le Séminaire de l'Institut du Christ Roi Souverain Prêtre est situé en Toscane, près de Florence et à moins de 300 km de Rome, à Gricigliano, dans la Villa Martelli, château fortifié puis villa Renaissance édifiée et transformée par la famille des comtes Martelli.

Après beaucoup d'efforts et avec l’aide de dons de nombreux fidèles – car l’Institut dépend uniquement, depuis vingt ans, des dons de ses bienfaiteurs – Gricigliano a pu être rénové et les dépendances aménagées, afin de recevoir les séminaristes, ajoutant ainsi de nouvelles salles de cours, de nouveaux bureaux et également une nouvelle chapelle, plus grande que l’antique chapelle des Martelli devenue trop petite. Aujourd’hui cette chapelle s’avère à son tour trop étroite, et les murs du Séminaire ne se sont pas élargis en fonction de l’afflux des vocations… Avec cela la toiture n’est pas encore totalement refaite, et les travaux continuent…

La charité apostolique a donc nourri l’expansion de l'Institut. De Gricigliano sont envoyés des prêtres partout dans le monde :

- En France, dans 21 diocèses, où l’Institut a la charge de prieurés et d’apostolats importants, comme notamment la Chapellenie de Port-Marly dans le diocèse de Versailles, ou encore la collégiale Saint-André, à Grenoble. S’y ajoutent aussi 4 écoles.

- En Belgique, avec une école à Bruxelles ; en Allemagne, en Autriche, en Suisse, en Angleterre, en Irlande, en Espagne, et bien sûr en Italie : à Florence et à Rome.

- Aux Etats-Unis, dans 13 diocèses, où les apostolats sont très florissants, à remarquer notamment la construction ou restauration de magnifiques églises. Une maison de préformation pour les séminaristes se trouve à Saint-Louis dans le Missouri.

- En Afrique, au Gabon, avec des missions, écoles et dispensaires, en particulier à Libreville où se construit une église monumentale.


La mentalité et la culture de ces pays et de ces peuples sont certainement très différentes, mais leur chant religieux et la foi de leurs âmes sont semblables partout. De plus en plus de jeunes vocations naissent de ces apostolats et entrent au Séminaire. Les familles demandent à suivre la spiritualité de l’Institut, et forment maintenant la branche laïque, la Société du Sacré Cœur.

Quant à la fondation des Sœurs Adoratrices, la branche religieuse féminine, elle semble bénie par Dieu, car Il y envoie des âmes s’y consacrer essentiellement à la prière pour l’Eglise et pour les prêtres. Les vocations sont donc nombreuses, et leur nombre ne peut que s’accroître. Une fois formées, elles pourront ensuite aider les chanoines sur leurs différents lieux d’apostolat.

18 décembre 2008

[MotuProprio75] Mobilisons-nous pour une messe "extraordinaire" à la Sainte Geneviève!

SOURCE - La Lettre de Motu Proprio Paris n°3 - 17 décembre 2008

Pour la solennité de Sainte-Geneviève, patronne de Paris, une messe est célébrée chaque année dans le rite ordinaire à l'église Saint-Etienne-du-Mont.
Cette année, la messe sera célébrée par son Excellence Monseigneur Fortunato Baldelli, nonce apostolique à Paris, le dimanche 11 janvier à 15h.

Dans le cadre de l'application du Motu Proprio Summorum Pontificum, un membre de l'Association des Porteurs de la Châsse de Sainte-Geneviève, association organisatrice de cette manifestation, a demandé au curé de la paroisse St-Etienne-du-Mont, Monsieur l'Abbé Ollier, que cette messe puisse être célébrée selon la forme extraordinaire du rite romain.

Cette demande a été refusée.

SI VOUS DESIREZ QUE LA MESSE SOIT CELEBREE SELON LA FORME EXTRAORDINAIRE LE 11 JANVIER, ENVOYEZ UN MESSAGE A M. LE CURE EN METTANT MGR BALDELLI EN COPIE DE VOTRE LETTRE..

Monsieur le Curé Ollier : jacques.ollier@aliceadsl.fr
Mgr Baldelli : 10 av.du Pt Wilson 75116, 01.53.23.01.50

Ci-dessous un exemple de courrier :

Monsieur le Curé,

La solennité de Sainte Geneviève sera célébrée à Saint Etienne du Mont, le 11 janvier 2009 ; elle attire un grand nombre de fidèles de tous les arrondissements de Paris et de la banlieue.

Beaucoup parmi eux - et en particulier les signataires de cette lettre - sont attachés au rite extraordinaire de la messe et souhaitent que ce rite soit célébré lors de la cérémonie du 11 janvier.

Vous serait-il possible de leur accorder ce souhait ?

Veuillez agréer, Monsieur le Curé, l’expression de nos sentiments respectueux,

Copie au nonce apostolique

17 décembre 2008

[Paix Liturgique] Une application paroissiale ou une application diocésaine du motu proprio? Ce n'est pas pareil! Réflexions et conséquences...

SOURCE - Lettre 156 de Paix Liturgique - 16 décembre 2008

Cette question peut paraître de prime abord bien étrange ou à tout le moins sans importance. Le Saint Père a parlé, ce qui compte n’est il pas simplement l’application bienveillante du Motu Proprio et la marche sereine vers la réconciliation de tous les catholiques qu'il met en mouvement ?

A y regarder de plus prêt, la réponse – diocésaine ou paroissiale – aux demandes de mise en œuvre du Motu Proprio doit être bien prise en considération, tant au niveau de la réception de cette demande qu’à celui du bilan de l’expérience.

Au niveau de la réception de la demande d’abord. Le texte du Motu Proprio, en son article 5, vise expressément « les paroisses où il existe un groupe stable de fidèles attachés à la tradition liturgique antérieure ». On pourrait donc croire le débat tranché.

A Y REGARDER DE PLUS PRES, LA QUESTION N'EST PAS SI SIMPLE

On sait qu’une partie non négligeable des catholiques aimeraient vivre leur foi au rythme de la liturgie traditionnelle de l’Eglise dans leurs paroisses s’ils en avaient la possibilité.

En effet, les résultats du sondage CSA réalisé les 24 et 25 septembre 2008 à la demande de Paix Liturgique (Sondage CSA 08 01 153 B ) indiquent clairement que 34% des catholiques français souhaitent assister régulièrement à la messe célébrée dans sa forme dite « extraordinaire ».

Pour autant, il n’est pas raisonnable pour le moment de demander une mise en œuvre immédiate du Motu Proprio dans toutes les paroisses et un regroupement dans un premier temps par grosse paroisse ou par doyenné semble plus opportun. c'est ce que préconisait il y quelques mois le père Chauvet lors d'une réunion du Grec en déclarant " que l’on pouvait raisonnablement penser qu’à moyen terme, la forme extraordinaire du rite romain pourrait être célébrée dans toutes les grandes églises de Paris "

Au niveau de la demande, il arrive que des curés refusent d’entendre les demandes qui leur sont faites au motif que certains des demandeurs ne feraient pas partie de la paroisse mais d'une paroisse voisine. Pour qu’un tel raisonnement soit acceptable, il faudrait donc que les demandeurs disqualifiés dans la paroisse ou s'effectue la demande soient entendus dans leurs propres paroisses territoriales . Ce n’est hélas que rarement le cas et il est constant que certains ecclésiastiques casuistes ou mal intentionnés jouent sur les 2 tableaux : A un groupe paroissial très important (comme à Saint Germain en Laye (78) ou à Notre Dame de Versailles), on répondra que des solutions diocésaines ont déjà été mise en œuvre ça et là et qu'il n'est pas souhaitable de faire plus. Dans le même temps, pour ne pas répondre à une demande plus discrète mais non moins sérieuse à l’autre bout du diocèse, on répondra que le Motu Proprio concerne le cadre paroissial et ne peut pas prendre en compte tout un bassin de population d’une même zone pastorale en allant jusqu'a accuser les paroissiens des communes voisines de faire du " bourrage" comme si faire quelques kilomètres pour aller à la messe qui vous permet de mieux vivre votre foi catholique était une faute…

AU NIVEAU DU BILAN AUSSI...

Pour que l’expérience soit concluante, il convient d’abord de bien s’entendre sur les objectifs. Soit la mise en œuvre du Motu Proprio est une application littérale du texte pontifical et se fait dans le cadre paroissial, par le curé et pour ses paroissiens. Soit elle est pilotée par l’évêché en vue de répondre à une demande globale à laquelle on répond en donnant un lieu de culte à l’instar de ce que prévoyait le Motu Proprio de Jean-Paul II de 1988.

Dans l’un et l’autre cas, la situation et les résultats que l'on sera en droit d'attendre , seront tout à fait différents.

En effet, dès lors que nous nous trouvons dans le deuxième cas – de très loin le plus courant actuellement ( nos évêques semblant découvrir en 2008 les possibilités offertes par Jean-Paul II en 1988 pour mieux oublier celles de Benoît XVI de 2007 ) et que la mise en œuvre du Motu Proprio est faite pour satisfaire une demande diocésaine et non pas simplement paroissiale, les conditions d’application doivent être adaptées loyalement en premier lieu au bon sens

Ainsi, dès lors que des fidèles n’appartenant pas géographiquement à la paroisse sont invités à prendre leur voiture pour se rendre dans une paroisse plus ou moins éloignée pour vivre leur foi au rythme de la liturgie traditionnelle de l’Eglise, le lieu choisi doit obligatoirement être un central et accessible , représentatif de la zone géographique (grosse ville, chef lieu de canton, sous préfecture…).

Par ailleurs, dans ce cas, l’horaire choisi doit également être un « horaire diocésain » c'est-à-dire un horaire qui permettra aux fidèles de cette zone du diocèse de se rendre régulièrement à cette messe dans des conditions normales notamment en tenant lieu du déplacement indispensable.

Si 75 % des messes parisiennes dominicales débutant entre 9h 45 h et 11 h 30, il est assez aisé de se faire une idée de ce qui constitue un horaire adapté et ce qui n’en est pas un surtout si l'on ajoute que les familles attachées à la forme extraordinaire sont souvent des familles nombreuses à qui un horaire trop matinal comme 9h pose de très nombreux problèmes pratiques !

Dès lors que ces deux critères élémentaires ou l’un des deux font défaut, nous nous trouvons alors ipso facto dans le premier cas, c'est-à-dire en présence d'une application du Motu Proprio qui ne concerne que la paroisse et pas l’ensemble d’une zone d’un diocèse.

A l’heure du bilan, cette considération ne sera pas sans importance car il ne serai pas alors honnête d’affirmer qu’il n’y a pas de demande ou que la demande n’est pas assez importante au prétexte que la messe dominicale de 9 h (comme à la Garenne Colombes (92)), de 12 h 15 (Sainte Jeanne de Chantal, Paris 16ème) ou 18h 30 à Notre Dame du Travail (Paris 14 ème) ne fait pas « salle comble »… Non dans ces cas des assemblés de 70 à 100 personnes sont plus que significatives et il faudrait vraiment mettre en place des solutions centrales à des horaires " normaux et familiaux " pour prendre la mesure de toute l' attente de forme " EXTRAORDINAIRE"qui pourrait exister dans un secteur donné.

12 décembre 2008

[Jean Madiran - Présent] La calomnie

SOURCE - Jean Madiran - Présent n° 6736 - 12 décembre 2008

D’un article du magazine Permanences, il ressort que les catholiques qui préfèrent la messe traditionnelle :
+ ou bien y sont attachés par leur « sensibilité propre », c’est-à-dire subjective ;
+ ou bien refusent la messe de Paul VI parce qu’ils nient sa validité.

C’est une calomnie : les catholiques qui contestent la messe de Paul VI ne le font ni par négation de sa validité, ni par un attachement de leur sensibilité propre, c’est-à-dire subjective, à la messe de saint Pie V.

Voici le texte de l’insupportable accusation, qui invoque, un peu arbitrairement semble-t-il, l’autorité morale de Christophe Geffroy :
« Comme l’expose Christophe Geffroy dans son Benoît XVI et « la paix liturgique », croire que l’Eglise se trompe depuis quarante ans dans la liturgie qu’elle utilise revient à refuser l’assistance divine. Que des catholiques soient davantage attachés, par leur sensibilité propre, à ce que Benoît XVI a nommé la forme extraordinaire du rite, c’est tout à fait compréhensible, de même qu’ils puissent émettre leur avis, poser des questions sur tel ou tel point de la forme ordinaire. En revanche, qu’ils estiment que ce n’est pas une liturgie valide pose un véritable problème de foi. La non-reconnaissance du rite de Paul VI revient à nier à Rome son autorité, etc. »
Ce texte de Permanences a pour auteur Claire de Guillebon.

Elle nous apparaît comme la première victime de cette vieille calomnie, qu’elle n’a évidemment pas inventée, et qui l’a tout à fait trompée. Depuis quarante ans les traditionalistes précisent explicitement et n’arrêtent pas de répéter que ce qu’ils contestent dans la messe de Paul VI, ce n’est pas sa validité quand elle est célébrée conformément au texte promulgué et dans l’intention de faire ce que fait l’Eglise : mais c’est fort loin d‘être toujours le cas.

Le magazine Permanences est l’organe de la rue des Renaudes. On observera qu’il ne s’y est trouvé personne pour éclairer Claire de Guillebon et lui expliquer que la seule validité contestée par les traditionalistes est celle de l’interdiction par Paul VI de la messe traditionnelle. Cette invalidité-là se trouve officiellement reconnue comme telle par le motu proprio du 07.07.07. L’interdiction était une prévarication du pape et de beaucoup d‘évêques. Reconnaître ce fait prévaricateur, ce fait public et prolongé, mais non sans précédents historiques – que Claire de Guillebon se rassure – ne pose en réalité aucun « véritable problème de foi » et ne « refuse » aucune « assistance divine ».

Comment expliquer, dira-t-on, une telle sous-information ? C’est pourtant bien simple. En 1970, la Rue Des Renaudes a frappé d’exclusion ceux qui refusaient l’interdiction de la messe traditionnelle et contestaient publiquement l’article 7, inspirateur de la nouvelle messe ; elle a tout à fait rompu avec eux, elle ne les connaissait plus, ne les lisait plus, ne les écoutait plus, ils n‘étaient plus acceptés aux congrès de Lausanne, leurs personnes, leurs livres et leurs journaux étaient frappés d’une relégation sociologique, du même genre en somme que celle d’origine laïciste qui frappait la Rue Des Renaudes elle-même. On n’y a donc plus été informé sur les traditionalistes que par ouï-dire, par des rumeurs, des hypothèses, des suppositions. Et cette sous-information volontaire s’est prolongée jusqu‘à maintenant : on peut être lecteur assidu de Permanences et tout ignorer du courant traditionaliste dans l’Eglise et dans la société.

La rédaction de Permanences doit aux traditionalistes, et aussi à ses lecteurs, des excuses et une rectification détaillée. Nous le lui disons pour le cas où elle ne s’en serait point aperçue ; et nous le lui rappellerons si d’aventure elle l’oubliait.
JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 6736 de Présent, du Vendredi 12 décembre 2008

11 décembre 2008

[Abbé Guillaume de Tanoüarn - Metablog] Une stratégie pour l'Eglise en France

SOURCE - abbé Guillaume de Tanoüarn - Metablog - 10 décembre 2008

Passionnante conférence de l'abbé Claude Barthe, ce 9 décembre au Centre Saint Paul. Pour la première fois, me semble-t-il, je perçois toute l'acuité et l'ampleur de son analyse. Je voudrais essayer d'en rendre compte.

A l'origine (dans les années 60) deux tendances : les "progressistes" et les "intégristes" (c'est-à-dire selon la terminologie d'Yves Congar lui-même dans un appendice célèbre de la 2ème éd. de Vraie ou fausse réforme dans l'Eglise "les catholiques de droite", excusez du peu !). Les catholiques de droite perdent la bataille. Restent deux forces en présence, autour de deux revues emblématiques : la gauche chrétienne, sûre de son Concile, s'est groupée autour de la revue Concilium. Un centre apparaît, d'abord un peu en marge, mais gagnant très vite des adhérents, déçus des excès post-conciliaires. Sa revue, c'est Communio, où trouvent refuge le Père de Lubac, von Balthasar et un certain Josef Ratzinger.

Il y a une version pastorale de la revue Communio, incarnée en France par les prêtres qui, à Montmartre, se sont groupés autour de Monseigneur Charles et dont le plus connu deviendra cardinal et incarnera ce que l'on va appeler la troisième voie : Jean Marie Lustiger, son mauvais caractère, ses intuitions fulgurantes, sa volonté de donner un visage conciliaire à la "droite" catholique (pour reprendre le mot de Congar). Jean Marie Lustiger, ami personnel de Jean Paul II, qui tentera de réaliser en France le programme du pape slave.

Cette troisième voie a le vent en poupe. Membre de la Congrégation des évêques à Rome, Jean Marie Lustiger pèse de tout son poids pour faire nommer ses poulains à la tête des diocèses français. Les résultats sont parfois contrastés : quel rapport entre Maurice de Germigny et Albert Rouet ? Le seul rapport pastoral entre les deux hommes, l'un évêque de Blois, l'autre archevêque de Poitiers, est qu'ils ont été poussés par le cardinal Lustiger. Logiquement, à la mort du cardinal, son successeur désigné, André Vingt-trois devient archevêque, cardinal et aussi patron des évêques français. La troisième voie semble à son maximum de rayonnement.

Las... Certains symptômes semblent indiquer que cette troisième voie marque le pas. Le "second souffle de Vatican II" comme disait Mgr Defois semble lui-même en quête du troisième. Particulièrement préoccupant est le nombre sans cesse en diminution des séminaristes, en France et particulièrement à Paris. Le cardinal Lustiger était parvenu à doubler ce nombre, en entretenant quelque 100 candidats au sacerdoce dans son diocèse. Aujourd'hui, le séminaire de Paris est revenu au niveau où il se trouvait au moment où le cardinal Marty a lâché les commandes. Et même - c'est symbolique - sans doute un peu en dessous. "La crise nous a rejoint" reconnaît désormais le cardinal Vingt-trois, adepte du parler vrai.

Qu'est-ce qui marche dans l'Eglise de France ? telle est sans doute la question que l'on doit se poser. De plus en plus nombreux sont les évêques qui s'intéressent à l'expérience de Toulon. Mgr Rey est aujourd'hui à la tête du plus important séminaire français, le séminaire de la Castille. Quelles sont les raisons de son succès ? comment caractériser ce qui pourrait bien être la voie de l'avenir, la quatrième voie ?

De deux manières : Mgr Rey n'entretient aucune animosité vis-à-vis des traditionalistes de son diocèse. il accueille même des séminaristes qui se forment dans le rite extraordinaire, ne leur demandant au fond qu'une chose : accepter de travailler, en plein respect, avec d'autres composantes de l'Eglise.

Mgr Rey, ancien de l'Emmanuel, jadis curé de la Trinité à Paris, croit aux communautés nouvelles. Il pense que l'Eglise a besoin de leur feu, que la société déchristianisé et a-religieuse dans laquelle nous vivons a besoin de missionnaires qui se sont réchauffés le coeur à des foyers ardents. Les communautés brésiliennes qu'il a accueillies dans son diocèse constituent le symbole de ce feu nouveau, qui donne un nouvel élan aux paroisses, une nouvelle souplesse aux vieux tissus de chrétienté.

En quoi cela nous concerne ? diront sans doute quelques traditionalistes inquiets du tour que prend mon analyse. Cela nous touche de très près.

Je crois que le péché de la troisième voie (ce qui aujourd'hui fait sa limite), c'est d'avoir misé uniquement sur une normalité paroissiale pour revivifier le tissu ecclésial. Normalité ? je veux dire : une liturgie standard. Une doctrine sûre mais jamais inquiétante ("Vouloir rassurer, c'est toujours contribuer au pire" écrit quelque part René Girard). Un catéchisme qui, comme l'explique l'affiche publicitaire, "ouvre des pistes" pour les jeunes. Une théologie qui hésite devant toutes formes de synthèse et pratique surtout le commentaire de texte, à l'image de ce que proposa jadis le Père de Lubac. Tout cela semble compatible avec le cadre paroissial dans sa diversité. Est-ce suffisant pour transmettre ? pour donner envie de transmettre ? pour faire des prêtres ?

Qu'est-ce que la "quatrième voie", incarné en ce moment par Mgr Rey ? Avant tout la prise de conscience de cette insuffisance et l'appel pour y pallier à la liberté des enfants de Dieu. De tous les enfants de Dieu, en particulier des traditionalistes. L'appel à jouer chacun avec ferveur sa partition dans la symphonie ecclésiale. Sans doute faut-il aujourd'hui cet élan symphonique des fidèles et cette confiance paternelle des évêques pour qu'un nouveau monde puisse naître sur nos ruines.

Surtout ne rien édulcorer. Donner. C'est pour l'Eglise.

[Abbé G. de Tanoüarn, ibp] Pilpoul sur la légitimité de la messe

SOURCE - abbé Guillaume de Tanoüarn, ibp - 10 décembre 2008

Austremoine me fait l'honneur de revenir sur une vieille polémique, qu'avait accueillie le Forum Catholique il y a un an et demi : la messe dite de Paul VI est-elle un rite catholique légitime ? Il me reproche de le penser et de l'écrire.

Beaucoup de polémiques autour de cette légitimité ! Lorsqu'on aborde des questions brûlantes, en changeant un mot dans la tradition orale de la mouvance traditionnelle, on est immédiatement accusé de trahison. comme s'il y avait une sorte d'infaillibilité verbatim des analyses faites depuis 40 ans. Le recul du temps permet je l'espère de revenir sur ce sujet, sans soupçonner personne de se mettre trente deniers dans la poche.

Austremoine a choisi le site Christus imperat, et non as LPL, pour proposer une définition de la légitimité, qui lui permet de prouver sans coup férir que le NOM ne saurait être légitime. S'appuyant sur la définition d'un Dictionnaire des noms communs qu'il comprend mal, il veut nous imposer l'idée que légitime signifie juste : "On inclut donc ici une condition morale se rapportant à la vertu de justice. C'est cette notion qui définit principalement le concept de légitimité".

Cette équivalence entre la légitimité et la justice morale (ou encore, Maître T, entre la légitimité et le bien) n'a strictement aucun sens.

Je ne vais pas faire la chasse au dictionnaire ; l'usage en matière de langue me semble la règle suprême. Que dit l'usage ?

Voici deux exemples : il est évident qu'un mariage légitime (selon le droit humain ou ce droit de Dieu qu'est le droit sacramentel) n'est pas forcément un mariage juste (au sein duquel les deux époux trouvent leur juste place). Innombrable production littéraire sur la question. Deuxième exemple : il est évident qu'un régime légitime, c'est-à-dire conforme au droit fondamental, n'est pas forcément pour autant un bon régime ou un régime juste. Tout dépend des conditions dans lesquelles s'exerce ce pouvoir légitime.

Je voudrais prendre un troisième exemple où le mot "légitime" est pris en dehors de son registre (qui est celui du droit), dans un sens qui, ne lui étant pas propre, est indéniablement un sens figuré : "Après une matinée d'efforts, une bonne sieste est bien légitime". Pas l'ombre d'un droit, d'une loi ou d'une justice engagés dans cette expression. On veut simplement dire que dans de telles conditions une méridienne n'est pas reprochable.

Il est évident que dans un domaine aussi pointu que celui de la liturgie, je n'ai pas seulement songé à employer le mot "légitime" dans un sens figuré. J'étais au contraire en quête d'un terme propre qui désigne une dimension que la simple légalité formelle ne suffise pas à décrire.
J'ai beaucoup écrit sur ce sujet. Je ne me suis pas contenté de l'exemple de la loi sur l'avortement que cite mon contradicteur. Austremoine, dont les archives sont bien tenues, semble oublier l'essentiel de mon raisonnement.

Je disais que le droit positif ne suffit pas à embrasser le domaine des règlements liturgiques fondamentaux. Le pape ayant droit sur la liturgie (Justin Petipeu m'avait contesté ce point. Il semble être revenu aux positions de tout le monde sur cette question), il peut, comme souverain pontife, légitimement la modifier sans avoir, en droit, à consulter quelque corps électoral que ce soit. Ce droit n'est pas un droit humain mais un droit divin, lié au Munus sanctificandi et à la plenitudo potestatis qui est celle du pape en ce domaine. La promulgation d'une liturgie nouvelle relève de ce droit, qui introduit non une simple légalité moralement critiquable, mais une légitimité du rite, devenu de plein droit, malgré ses défauts, l'expression de la lex orandi dans l'Eglise catholique.

On me dit : vous ne pourrez plus critiquer ce rite. Vous serez obligé de le célébrer.

Non. La légitimité ne signifie pas la bonté. la légitimité d'un acte signifie sa conformité intrinsèque à un droit fondamental (et en ce sens, en ce sens seulement) à la Justice en tant qu'elle est la mise en oeuvre de ce droit.

Je vais prendre un autre exemple : il est légitime que des parents ne baptisent pas leurs enfants et personne n'a le droit de les y obliger. Cela ne signifie pas que cette abstention soit une bonne chose ou qu'elle puisse être exemptée de toutes critiques, évidemment.

Je crois que la légitimité, dans les trois exemples propres que j'ai donnés, n'implique aucune forme d'approbation. En revanche, elle exige, de celui qui doit la reconnaître, le respect. Un roi légitime, même mauvais, est respectable en tant que légitime etc. Ce que j'ai voulu montrer, c'est que la messe nouvelle, malgré ses défauts, en tant qu'elle est légitime, exige de notre part le respect (pas un respect approbateur, pas un respect affectueux, mais simplement un juste respect), parce que nous sommes catholiques et dans la mesure où nous le sommes.

Quelle est la différence entre légitimité et légalité ? La légalité concerne la loi humaine. Elle représente donc toujours au mieux un compromis entre le droit et le fait. Ce compromis peut susciter le plus parfait mépris, comme dans le cas de la loi autorisant l'avortement avant douze semaines (je ne parle pas d'un mépris pour les personnes en détresse mais d'un mépris pour les législateurs en quête de voix).

La légitimité concerne une loi ou un droit qui dépassent l'individu. Elle nous fait sortir, au moins momentanément, de toute appréciation subjective comme de tout jugement personnel pour requérir de notre part le respect d'un principe (en l'occurrence la plenitudo potestatis papae). Et peu importe que la loi ait été brutalement promulguée, n'en déplaise à notre cher abbé Aulagnier, si cette promulgation est légitime. Il ne faut pas confondre la portée d'une loi avec les conditions concrètes de son élaboration ou de sa mise en application !

Ce qui compte, lorsque se multiplient les observations les plus contradictoires et les plus déroutantes sur un sujet donné, c'est d'être capable de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain, de ne pas abandonner le principe parce que son application est difficile. C'est la situation de Job, qui maintient contre vents et marées, la légitimité de l'ordre divin qu'il ne comprend pas lui-même, malgré les leçons moralisatrices de ses amis...

Austremoine, permettez-moi enfin un message personnel, au-delà de ces distinctions sémantiques. Je crois que vous prenez un peu vos désirs pour des réalités, en m'imputant je ne sais quelle trahison qui n'existe que dans ce que vous voyez comme votre intérêt actuel. A moins que vous ne soyez déjà en train de justifier la non-réception d'un papier qui vaut un million.
Disons les choses de la manière la plus haute et la plus claire : l'accord que l'Institut du Bon Pasteur a signé avec Rome (et que vous voulez vous donner le droit de refuser de signer) ne nous empêche pas de penser et d'écrire que le rite de Paul VI transmet mal aux fidèles le Mysterium fidei dont il est chargé et que l'Eglise souffre chaque jour dans ses chairs exsangues, des équivoques de ce rite qui avait été pensé pour être le rite de tous les chrétiens, quelle que soit leur conception du sacrement et du sacrifice.

Je suis convaincu que tant que l'Eglise ne redira pas clairement le caractère propitiatoire (ou simplement : réel) de son sacrifice, dans le monde a-religieux qui est le nôtre, la crise de la pratique religieuse continuera et le désert spirituel s'étendra.