3 juin 2009

[La Vie] Le rendez-vous des intégristes

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02.06.09 - Le rendez-vous des intégristes - par Jean Mercier

« Catholique et français toujours ! » Sous les bannières, le chant résonne dans les hauts-parleurs portatifs. Avec une centaine de kilomètres dans les pieds, les pèlerins mobilisés par la Fraternité sacerdotale Saint Pie X – les héritiers de Mgr Marcel Lefebvre dont les quatre évêques ont vu leur excommunication levée par Rome en janvier dernier – parcourent les derniers kilomètres de leur périple. Nous sommes en milieu d'après-midi, ce lundi 1er juin 2009, entre la Tour Eiffel et les Invalides. A la différence des années passées, et à la suite du véto des édiles du 18e arrondissement, le cortège ne gravira pas les pentes de Montmartre pour aboutir au Sacré-Cœur, un lieu emblématique du traditionalisme (la basilique fut élevée dans la volonté d'expier les fautes de la France impie à la fin du XIXe siècle), mais devant les Invalides, du côté de la place Vauban. Ce lieu prestigieux n'est pas non plus sans portée symbolique : de cet endroit, on peut presque voir le siège de la Conférence des évêques, avenue de Breteuil. Et, en septembre dernier, l'esplanade des Invalides avait été le théâtre du grand rendez-vous des catholiques avec Benoît XVI.

Cette année encore, le folklore du traditionalisme est au rendez-vous : bannières à l'ancienne, scouts marins droits dans leur uniforme bleu nuit, familles sages, jeunes prêtres en soutane. Mais l'allure sociologique des participants est plus métissée que ne le laissent imaginer les clichés : très peu de « crânes rasés », peu de personnes très endimanchées. Et des « français moyens » au look passe-partout.

Sous le soleil, on se félicite de cette édition 2009. L'impact médiatique de la levée des excommunications est certain, si l'on en croit la présence renforcée des photographes et des cameramen. Un abbé en soutane, le nez rougi sous son bob blanc explique aussi que la fréquentation est en hausse. « Nous avons distribué 800 communions de plus que l'an dernier au départ de Chartres ». Un autre prêtre confirme : « C'est cohérent avec ce que je vois sur le terrain. Dans la ville où je suis, on est débordé par l'affluence aux offices. C'est pareil pour la chapelle dépendant du diocèse qui bénéficie du Motu proprio. La messe de Saint Pie V attire de plus en plus... » Pourtant, alors que la messe commence, Place Vauban, il est difficile de croire que 12 000 personnes s'y trouvent rassemblées, selon l'affirmation sans doute optimiste de la Fraternité.

Sous une alternance de nuages et de franc soleil, la messe se déroule dans le plus grand recueillement, présidée par l'abbé Alain-Marc Nély, « second assistant » de Mgr Fellay. Sermon à la voix de velours, sauf quand il s'agit de dénoncer l'apostasie des nations chrétiennes. Dans la liste des causes de la « déchristianisation complète » et de la « ruine » de la société : la Renaissance, la Réforme, la Révolution française, le libéralisme, le socialisme, le communisme ! Difficile après de croire les lefebvristes quand ils disent qu'ils ne font pas de politique... « Le chrétien doit se préserver des erreurs pernicieuses » par la prière, « les sacrifices ». La souffrance rédemptrice est en effet l'un des piliers de la piété des « PieXistes », surnom que l'on pourrait donner aux lefebvristes à partir de leur appellation commune dans l'univers anglo-saxon et germanique (« les Frères Pie »).

A l'issue de la célébration, l'abbé Loïc Duverger, premier assistant du district de France donne le mot de la fin, avec la connotation combattante qui sied à l'événement : « Nous avons pu reprendre le cri de nos ancêtres : vive le Christ, roi des Francs.(...) Nous aurions dû fêter le 90ème anniversaire de la consécration de cette basilique », érigée à la suite d'un vote de l'Assemblée nationale à une période « où une majorité de députés catholiques étaient capables de voter de réelles lois ». Sous les applaudissements, le prêtre tribun fait référence au barrage de la mairie du 18è arrondissement, voté « sous le regard veule et lâche d'élus » et à la référence invoquée au risque d'atteinte à l'ordre public : « Or le désordre règne là où le Christ de règne pas ». Il rappelle « le droit inaliénable du Christ de régner sur les individus, les sociétés, les familles. (…) Qu'ils tremblent les ennemis de Dieu ! De Dieu, on ne se moque pas ! Terrible sera le bras de Dieu pour qui lui résiste. (…) Ne courbez pas la tête devant l'ennemi ! (…) L'homme combat et Dieu donne la victoire! ».

A l'issue de la célébration, L'abbé Régis de Cacqueray, supérieur du district de France, barbe naissante et visage bronzé, est inhabituellement détendu, et pas fâché finalement de cette délocalisation aux Invalides : « La Préfecture de Police a vraiment facilité les choses. Et je me félicite aussi que l'archevêché de Paris soit intervenu en notre faveur ». La nouvelle donne introduite par la levée des excommunications en janvier dernier n'est donc pas sans effet sensible sur le terrain.