12 octobre 2009

[Alain Hasso - Monde&Vie] Le signe tchèque - Pourquoi le pape est allé en République Tchèque le 26 septembre

SOURCE - Alain Hasso - Monde&Vie n°817 - 12 octobre 2009

On a pu se demander ici et là pourquoi le pape avait l’étrange idée, ce 26 septembre de partir trois jours en République Tchèque. Alors que, sous l’impulsion de son président Vaclav Klaus, ce petit pays apparaît comme le mauvais élève de l’Europe, volontiers frondeur et indiscipliné, Benoît XVI choisit délibérément cette destination peu valorisante. Quel est l’enjeu de cette visite ? Il ne faut pas oublier ce titre magnifique que le pape se donne depuis Vatican II, mais qui reflète merveilleusement la foi de toujours dans l’institution pontificale : Benoît XVI est le « pasteur universel ». Il est allé en Tchéquie comme un Bon Pasteur. C’est que ce pays en a besoin. Près de 60 % des tchèques se déclarent aujourd’hui sans religion. Le pays de Jean Hus et des Hussites n’a sans doute jamais vraiment digéré cette vieille fracture, qui ne s’est pas résorbée puisque, au cœur de Prague, les Hussites ont aujourd’hui encore leur sanctuaire, une église parmi les plus belles de la ville. Ajoutons que le poids du passé ne doit pas cacher les problèmes du présent, les églises vides. La situation en Tchéquie est peut-être simplement un peu plus radicale que la situation en France, mais elle y ressemble par bien des côtés. A tous les chrétiens tchèques, qui pourraient être saisis par le doute, depuis l’avion qui l’emmène de l’aéroport de Ciampino à Pragues, Benoît XVI martèle sereinement : « Ce sont des minorités créatives qui déterminent l’histoire. En ce sens, l’Église catholique doit être considérée comme une minorité créative, avec un héritage de valeurs qui ne sont pas dépassées ! » Ce message, dans sa crudité et sa franchise est vraiment très nouveau. Il pourrait bien caractériser non seulement ce voyage de trois jours mais tout un pontificat. L’Eglise catholique, durant le concile Vatican II, avait rêvé d’être une sorte de pouvoir spirituel mondial, « le Concile [avait] offert au genre humain la collaboration sincère de l’Eglise pour l’instauration d’une Fraternité universelle » (Gaudium et spes n° 3 §2)…  Jean Paul II, surtout au début de son pontificat, même s’il ne s’est jamais borné à ce discours « fraternitaire », a renouvelé cette offre un peu partout dans le monde. Benoît XVI, lui, a conscience de faire partie d’une Eglise minoritaire dans un monde qui souvent l’exclut par principe et refuse de la reconnaître. Ce n’est pas un hasard s’il a voulu appeler son grand livre d’entretiens Le sel de la terre. Selon la parabole évangélique, il voit les chrétiens non pas d’abord d’un point de vue quantitatif comme les militants innombrables de la Fraternité universelle qu’apercevaient, dans leur enthousiasme les Pères du Concile, mais plutôt selon la parabole évangélique, comme la petite poignée qui donne goût à toute la pâte humaine, en se singularisant sans crainte. « Seules de petites minorités résistent » écrivait de son côté René Girard. Je crois que cette prise de conscience, qui se fait jour de plus en plus, dans les élites catholiques et à Rome même, signifie une véritable (contre-) révolution culturelle dans les plus hautes instances de l’Eglise catholique. Fini le mirage du nombre ! Ce qui compte, chez les personnes qui s’engagent, c’est la qualité de la foi et la puissance de l’espérance.

Alain Hasso


[encart]

Franchise cardinalice : Le Cardinal Schönborn entend poser les vraies questions sur la crise des vocations. Il parle clair : « Certains confrères un peu soixante-huitards ont conclu un peu vite à propos des jeunes, jugés trop conservateurs, qu’ils renvoyaient dans leur foyer :  “Ces jeunes cherchent la sécurité, ils sont frileux, ils n’osent pas se confronter avec le monde, etc. “ sans voir que c’était leur style de vie sécularisé, leur théologie plate et horizontale qui n’avaient aucun attrait pour un jeune ! C’est pour cela que dans nos chapitres généraux, nos assemblées diocésaines, j’ai proposé de commencer par nous interroger :  “Où il y a-t-il des vocations ? Pourquoi ?” Soyons assez honnêtes pour y regarder de près. On aura une réponse facilement. Il faut oser se confronter à la réalité.»