7 mai 2010

[Hélène Rouquette-Valeins - sudouest.fr] Un prêtre sort un roman dont l'intrigue évoque " l'affaire Saint-Eloi "

SOURCE - Hélène Rouquette-Valeins - sudouest.fr - 7 mai 2010

À l'occasion de la sortie de son roman « Le corps du crime » dont l'intrigue évoque le milieu traditionaliste, le père Francis Ayliès porte un regard acéré sur « l'affaire Saint-Éloi »

« Sud Ouest ». Dans le livre (« Le corps du crime ») que vous avez écrit (lire encadré ci dessous), vous mettez en scène un prêtre partisan de Vatican 2 et un traditionaliste. Ce roman policier est-il un roman à clés ?

Francis Ayliès. Comme je l'ai écrit dans la phrase d'exergue du livre, « j'écris parce que je ne sais plus à qui parler ». Cet ouvrage est une façon d'inviter la hiérarchie du diocèse, ses prêtres et ses laïcs à agir avant qu'il ne soit trop tard, c'est-à-dire avant que l'institut du Bon Pasteur, installé à Saint-Éloi par Benoît XVI début 2007, pour cinq ans « ad experimentum » ne devienne définitivement acquis aux traditionalistes.

Mais l'affaire dite de Saint-Éloi n'est-elle pas avant tout une question politique concernant l'extrême droite et ses liens avec les milieux tradis ?

Je connais des catholiques qui préfèrent la messe en latin parce qu'elle leur rappelle leur enfance et ce ne sont pas tous des fachos. Si début 2007, la commission de relation avec les responsables de la paroisse Saint-Éloi avait été installée, il n'y aurait pas eu d'affaire, ni d'« Infiltrés ».

Pourquoi, selon vous ?

Parce que le problème est avant tout théologique. Il ne faut pas oublier que les prêtres de Saint-Éloi n'ont jamais été formés par l'Église catholique. Ils continuent donc à répandre la même haine contre Vatican 2. Ils auraient dû suivre des stages de « reformation ». Si aujourd'hui un pasteur protestant se convertissait et demandait à devenir prêtre catholique, il devrait repasser par le séminaire. Pourquoi pas les tradis.

Sont-ils théologiquement si éloignés de ce que les laïcs attendent ?

C'est effrayant. Il suffit de lire « Le Mascaret », édité par Saint-Éloi. Ils confondent la beauté de Dieu avec celle de la liturgie. Quand je lis que l'Église « fait du paupérisme liturgique alors que la cour céleste chante sans cesse la gloire de Dieu » ou quand je découvre « les morsures d'un feu inextinguible » dans un article consacré au Purgatoire, je me crois revenu au Moyen Âge. Ils ont une conception des catholiques suivant un prêtre sacrificateur.

Comment expliquez-vous ces écrits ?

Ils ont une vision piétiste, saint-sulpicienne de la foi, avec une petite spiritualité. Ils ont peur de l'ouverture au monde et puis ils sont comme tous ceux qui, persuadés d'être les seuls à être purs, rejettent ceux qu'ils considèrent comme impurs et veulent même les faire disparaître. Ils rêvent d'un pays uniquement chrétien, mais à leur manière et rejettent les autres.

Ce qui peut aller très loin ?

Nous sommes face à un monde de plus en plus complexe et les prêtres traditionalistes veulent qu'on leur fournisse des solutions à opposer aux fidèles. Ils ne veulent pas du développement d'un esprit critique. Leur enseignement est un très mauvais usage de la disputatio de Saint-Thomas d'Aquin, à laquelle on ne laisse que la partie solution. Actuellement je dirais qu'il existe deux bateaux bibliques. Celui des tradis constate que le monde court à sa perte et se réfugie dans l'Arche de Noë. L'autre, c'est celui de Jésus sur le lac de Tibériade qui affirme que l'on doit vivre dans le monde avec la tempête.

Ne décrivez-vous pas une Église catholique en pleine rupture ?

Mais c'est sa situation. La génération qui a fait Vatican 2 - prêtres et laïcs - passent pour des « has been ». Je crains que la hiérarchie de l'Église ne veuille plus d'une génération de contestation, mais de composition.