15 juillet 2010

[Abbé Francesco Ricossa - Sodalitium] Reconnaissance des traditionalistes (anglicans)

SOURCE - Sodalitium - juillet 2010

Après le motu proprio Summorum Pontificum et la levée des excommunications qui a suivi – étapes fixées en plein accord avec les quatre évêques de la Fraternité Saint Pie-X – tout le monde s’attendait à une rapide solution dudit “cas Lefebvre” au moyen d’un Ordinariat personnel qui aurait permis à la Fraternité Saint Pie-X et aux autres sociétés qui lui sont liées d’exercer leur propre ministère en “pleine communion” avec Benoît XVI et indépendamment des évêques diocésains, tout en maintenant la liturgie et la discipline traditionnelle de l’Église. Les critiques n’ont pas manqué (de la part des ultramodernistes) ou les applaudissements (de la part de nombreux “traditionalistes” catholiques) à Benoît XVI considéré lui même – du fait de ces décisions – comme un “traditionaliste” ou du moins comme un sympathisant de la Tradition.

L’“affaire Williamson”, et les pressions de la communauté juive, ont retardé la réalisation dudit “accord” entre héritiers de Mgr Lefebvre et héritiers de Paul VI, engagés actuellement dans une série de discussions et de rencontres oecuméniques sur les points sensibles de Vatican II. Mais si un Ordinariat “traditionaliste” se fait attendre, un autre, lui aussi “traditionaliste” a abouti. C’est le frère jumeau de l’autre, le modèle est le même, et les deux “Ordinariats personnels” sont consacrés à des traditionalistes: toutefois les premiers arrivés ne sont pas des “traditionalistes catholiques” mais des “traditionalistes”… anglicans !

Par la Constitution Apostolique “Anglicanorum coetibus” (AC), datée du 4 novembre 2009, Benoît XVI a en effet accédé aux demandes que lui adressaient, depuis 2007, les anglicans de la TAC (Traditional anglican Communion) qui désiraient “entrer dans la pleine communion avec l’Église” (sic). Il ne s’agit pas là de la première initiative dans ce domaine: déjà en 1980, sous Jean-Paul II, par exemple, la Congrégation pour la doctrine de la Foi dirigée à l’époque par le cardinal Seper, avait reconnu par un texte communément nommé Pastoral provision, la possibilité d’accueillir des groupes anglicans dans l’Église, en leur accordant le maintien de certains éléments de la liturgie et de la discipline de l’“église” anglicane (1). Mais la confrontation entre Pastoral provision de Jean-Paul II et Anglicanorum coetibus de Benoît XVI met en relief le pas en avant… dans l’oecuménisme réalisé par Joseph Ratzinger, exactement comme le m. p. Summorum Pontificum – toujours de Ratzinger – avait été un pas en avant dans l’oecuménisme avec les lefebvristes par rapport aux premières timides ouvertures de Jean-Paul II avec la concession de l’Indult et la constitution de la commission Ecclesia Dei. Les ouvertures de Benoît XVI aux anglicans – superposables à celles qu’il offre aux lefebvristes – devraient faire mieux comprendre la signification – parfaitement oecuménique et dans la ligne de Vatican II – du motu proprio Summorum Pontificum et des ouvertures ratzingériennes aux “traditionalistes” catholiques. C’est ce que nous allons tenter de mettre en évidence en examinant la constitution apostolique Anglicanorum coetibus.

Une “constitution” fondée sur les “principes ecclésiologiques” de Vatican II

Anglicanorum coetibus commence par rappeler les “principes ecclésiologiques” sur lesquels elle se fonde : il s’agit des principes des rédacteurs de la Constitution, et on suppose que les anglicans qui ont fait appel à Benoît XVI adhèrent à ces principes. Or, ces principes ne sont pas ceux de l’Église catholique, mais les principes erronés de Vatican II.

Le Pape est présenté comme celui qui “a reçu pour mission […] de garantir l’unité de l’épiscopat et de présider et de sauvegarder la communion universelle de toutes les Églises” (LG 23, Communionis notio 12, 13) : aucune mention de sa Primauté de juridiction sur toute l’Église, mais seulement de la Collégialité épiscopale (cf. la critique dans Sodalitium n° 59, pp. 5-38). L’Église elle-même est “le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain.” (LG 1), union dont nous ne voyons pas comment elle se réalise. Même les baptisés sont divisés mais pour AC et le Concile « Toute division parmi ceux qui ont été baptisés en Jésus-Christ blesse ce que l’Église est et ce pour quoi l’Église existe; en fait, “une telle division s’oppose ouvertement à la volonté du Christ.  Elle est pour le monde un objet de scandale et elle fait obstacle à la plus sainte des causes: la prédication de l’Évangile à toute créature”. (UR 1) C’est précisément pour cette raison qu’avant de verser son sang pour le salut du monde, le Seigneur Jésus a prié le Père pour l’unité de ses disciples (UR 2) », AC ne précise pas que la prière du Christ est déjà exaucée, puisque l’Église est une, et que cette unité n’est pas amoindrie par le scandale de la division mais tout au plus combattue par le scandale que sont l’hérésie et le schisme, dont ne sont coupables que les hérétiques et les schismatiques et non génériquement tous les “baptisés”. Selon AC, l’Église du Christ n’est pas l’Église catholique mais subsiste dans l’Église catholique: «Cette unique Église du Christ, dont nous professons dans le Symbole qu’elle est une, sainte, catholique et apostolique, “subsiste dans l’Église catholique gouvernée par le Successeur de Pierre et les Évêques qui sont en communion avec lui, bien que des éléments nombreux de sanctification et de vérité se trouvent hors de ses structures, éléments qui, appartenant proprement par don de Dieu à l’Église du Christ, appellent par eux-mêmes l’unité catholique” (LG 8, UR 1,3,4 ; Dominus Jesus 16) » et c’est ainsi que sont renouvelées les erreurs conciliaires que nous avions déjà analysées (cf. Sodalitium n° 61, pp. 28-46). Grâce à ces “éléments de sanctification et de vérité”, les anglicans sont déclarés avoir été en communion imparfaite avec l’Église catholique, selon un autre fondement de l’ecclésiologie conciliaire.

Pour résumer ce chapitre : Benoît XVI est poussé par les “principes ecclésiologiques” oecuménistes de Vatican II ; les anglicans sont invités à adhérer à ces principes, ce qu’ils peuvent faire sans difficulté excessive, puisque lesdits principes viennent de l’oecuménisme de facture protestante. Ce n’est pas à la doctrine de Vatican I qu’ils adhèrent, elle n’est même pas mentionnée, mais à la néo-doctrine oecuménique de Lumen Gentium et d’Unitatis redintegratio.

Ni abjuration ni profession de Foi ; y suffit le catéchisme (de Vatican II)

D’autre part, il ne nous est pas donné de savoir à quoi croient les anglicans de la TAC ou groupes similaires ni à quoi il leur est demandé de croire. Pastoral provision avait été une réponse aux demandes réitérées de quelques groupes épiscopaliens qui, refusant les ordinations féminines, s’étaient séparés en 1976 de l’“église” épiscopalienne. À son tour, Anglicanorum coetibus est une réponse aux anglicans qui n’ont pas accepté les ordinations de femmes et d’homosexuels déclarés faites par leur “église”. En cela, sans aucun doute, leur opinion coïncide avec la Foi catholique ; mais il ne suffit certes pas de refuser l’ordination de femmes ou d’homosexuels déclarés pour être catholique. La conversion à l’Église catholique a toujours impliqué une abjuration des erreurs embrassées jusqu’alors, et la profession de foi catholique. Après Vatican II, et en particulier dans AC, ni l’abjuration ni la profession de foi ne sont demandées.  L’unique allusion à ce sujet se trouve au point I § 5 où il est dit :

“Le Catéchisme de l’Église catholique est l’expression officielle de la foi catholique professée par les membres de l’ordinariat.”

À part la bizarrerie que constitue le fait de transformer un catéchisme – si autorisé soit-il – en “expression authentique de la foi catholique” (2), il ne sera pas inutile de préciser qu’au regard de ce texte (expression lui aussi de la néo-doctrine de Vatican II) il n’est demandé ni serment ni acte public d’adhésion. Et pourtant la TAC dit aussi et écrit que sa propre référence doctrinale se trouve dans les 39 articles de foi de la communion anglicane (39 hérésies) que, comme tous les anglo-catholiques experts en ambiguïté, ladite TAC prétend interpréter en les conciliant avec le catholicisme, et par conséquent, aussi, pour eux, avec le catéchisme post-conciliaire.

Il est donc triste de constater que Benoît XVI et l’AC représentent une aggravation notable même par rapport à la Pastoral provision de Jean-Paul II. Dans ce document il était en effet stipulé que:

[“2) A profession of faith (with appropriate additions to address the points on which there is divergence of teaching between the Anglican Communion and the Catholic Church) is to be made personally by all (ministers and faithful) as a conditio sine qua non”.]

Une profession de Foi (avec additions appropriées concernant les points de divergence entre l’enseignement de la Communion anglicane et celui de l’Église catholique) faite personnellement par tous (ministres du culte et fidèles) est une condition sine qua non.

Or, selon AC, cette profession de Foi n’est plus demandée ni même mentionnée, que ce soit pour les individus ou pour le groupe anglican demandant de bénéficier de AC. Joseph Ratzinger, ancien successeur du cardinal Seper à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, n’ignore certainement pas ce document, il a donc sciemment voulu annuler ce qui, sous son prédécesseur encore, était considéré comme une condition indispensable.

Un Ordinariat personnel (aujourd’hui pour les anglicans, demain pour les lefebvristes)

La structure juridique qu’AC propose et offre aux anglicans est celle de l’Ordinariat personnel. Ce qui veut dire qu’ils auront à leur tête un Ordinaire (évêque ou non) qui de fait (3) exerce une juridiction épiscopale sur les fidèles qui en font partie indépendamment de l’évêque résidentiel. Comme nous le verrons, il est accordé à ces Ordinariats – qui sont l’équivalent des diocèses et peuvent fonder des paroisses, elles aussi “personnelles” – de maintenir leurs propres liturgie et discipline.

On sait que cette solution est exactement celle qui est actuellement proposée à la Fraternité Saint Pie-X, et qu’elle est semblable à celle qui a déjà été réalisée dans le diocèse de Campos pour les héritiers (infidèles) de Mgr De Castro Mayer. Il devrait être pourtant plutôt embarrassant pour celui qui se veut intégralement catholique d’être mis sur le même plan que les anglicans et de penser que dans l’“Église” qui reconnaît Joseph Ratzinger, anglicans et catholiques traditionalistes occuperont deux nefs latérales d’une même cathédrale moderniste.

Une autre comparaison vient immédiatement à l’esprit: celle avec cette “Église anglicane unie mais non absorbée” préconisée par le moine moderniste oecuméniste Lambert Beauduin durant les colloques de Malines entre anglicans et catholiques qui furent désavoués par le Pape Pie XI et menèrent à l’encyclique de condamnation du mouvement oecuménique, Mortalium animos (cf. les Atti della “Giornata di Cristo Re  [Actes de la Journée du Christ-Roi] de Modène pour les années 2008-2009 dans notre maison d’édition). Dom Beauduin projetait une Église anglicane qui serait unie à l’Église catholique sans être absorbée par elle, c’est-à-dire conservant sa propre discipline canonique, sa propre liturgie, son autonomie vis-à-vis de l’épiscopat catholique anglais, sur le modèle des Églises orientales. Il oubliait, ou voulait oublier, que lesdites églises orientales, refusant le schisme, étaient revenues à la situation antérieure au schisme, et donc à une liturgie et une discipline de toute façon catholiques. L’“église” anglicane en tant que telle, est née par contre du schisme et de l’hérésie, et son cas ne peut pas être le moins du monde comparé à     ²celui des églises orientales.

Le “patrimoine spirituel et liturgique” anglican : clergé marié et liturgie protestante

On le sait, le schisme anglican fut imposé à une nation autrefois catholique par le roi Henri VIII pour (entre autres) pouvoir satisfaire ses propres désordres. Bien vite, le schisme devint hérésie en adoptant le calvinisme, sous l’influence de l’archevêque de Canterbury, Cranmer. L’“Église” anglicane naît de l’hérésie et vit dans l’hérésie. Et pourtant, pour les oecuménistes de Vatican II elle porterait en soi des “éléments de sanctification et de vérité”. Il ne s’agit pas seulement de ce qui appartient en propre à l’Église catholique et que les anglicans détiennent illégitimement (comme la Sainte Écriture et le Baptême) : pour les conciliaires certains éléments de sanctification et de vérité sont proprement anglicans et ne sont pas présents dans l’Église catholique , ce pour quoi cette dernière serait enrichie par la “tradition spirituelle” des hérétiques. En somme, les anglicans deviendraient catholiques en demeurant – du moins en partie – anglicans. Mais en quoi consistent au juste ces richesses spirituelles ? Substantiellement ce sont la liturgie anglicane, le gouvernement synodal (et démocratique) de leur “église”, l’abolition du célibat ecclésiastique.  Une bien misérable “richesse” héritée de l’hérésiarque Cranmer !

Cranmer et saint Pie V sur le même plan (un peu au-dessous de Montini et de Bugnini)

On a beaucoup parlé du motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI qui aurait donné la liberté à la Messe romaine (dite de saint Pie V). Que dire alors de la C.Ap. Anglicanorum coetibus qui donne droit de cité au Book of Common Prayer de l’archevêque calviniste Cranmer ? (utilisé aussi par les “traditionalistes”de la TAC). Voici ce qu’écrit l’AC :

“III. Sans exclure les célébrations de la liturgie selon le rite romain, l’ordinariat a la faculté de célébrer l’Eucharistie et les autres sacrements, la liturgie des heures et les autres célébrations liturgiques selon les livres liturgiques propres à la tradition anglicane qui auront été approuvés par le Saint-Siège , de manière à ce que soient maintenues au sein de l’Église catholique les traditions liturgiques, spirituelles et pastorales de la Communion anglicane, comme un don précieux qui nourrit la foi des membres de l’ordinariat et comme un trésor à partager.”

D’innombrables martyrs catholiques ont donné leur vie au milieu d’atroces tortures par fidélité à la Messe et pour refuser le Book of Common Prayer anglican. Et voici que, grâce à Ratzinger, nous découvrons que ce même Book of Common Prayer qui a Cranmer pour origine est “un don précieux qui nourrit la foi” et “un trésor à partager”. L’hérésie anglicane est devenue la “tradition anglicane” ; sa liturgie, qui servait à véhiculer ladite hérésie est “un don précieux qui nourrit la foi” à maintenir vivant… dans l’Église catholique ! La chose n’étonne pas de la part de Ratzinger, lequel célèbre quotidiennement selon le rite de Paul VI qui, comme il a été amplement démontré, est un calque de l’hérésie liturgique anglicane de Cranmer (4). Mais les lefebvristes et encore davantage ces “traditionalistes Ecclesia Dei” qui se disent reconnaissants envers Benoît XVI pour le motu proprio, se rendent-ils compte qu’ils sont mis sur le même plan que les anglicans, et que la Messe romaine, la Messe catholique, la Messe de Saint Léon, de Saint Grégoire, de Saint Pie V est mise sur le même plan que le rite hérétique d’un archevêque apostat mort à juste titre sur le bûcher ? Inutile de le demander, puisqu’ils ne se sont pas rendus compte (ou ont feint de ne pas se rendre compte) que la Messe romaine était déjà mise sur le même plan (et même, à un degré inférieur, en tant que rite “extraordinaire” et occasionnel) que la “messe” oecuménique du Père Bugnini et de Paul VI, dont le rite est probablement moins “catholique”, de toute façon, que certaines liturgies anglicanes.

Un enrichissement spirituel : les prêtres (?) mariés

Mais les richesses spirituelles de l’église anglicane à transplanter absolument dans l’Église catholique (?) (5) ne se limitent pas à un rite liturgique calviniste camouflé en catholique. L’archevêque Cranmer, comme le moine Luther, n’hésita pas à attenter sacrilègement au mariage en violant ses voeux et, fort du bras séculier du Roi divorcé, en imposant en Angleterre le mariage des prêtres (qui cependant, à cause de l’invalidité des ordinations anglicanes, disparurent bientôt laissant place à des simulacres de prêtres et d’évêques). Telle est la (l’in)discipline, inédite dans l’Église latine – demeurée fidèle, au contraire des orientaux, à la Tradition apostolique – (6) que l’on voudrait de nos jours admettre – selon les desiderata des vieux modernistes et des nouveaux, parmi lesquels l’immanquable cardinal Martini et son collègue de Vienne lequel, peut-être par souvenirs ataviques, rêve d’un sacerdoce héréditaire de père en fils – grâce aux richesses de la tradition anglicane.

Avant le Concile, si je ne me trompe, le Saint-Siège avait autorisé – dans des cas particuliers – l’accès au sacerdoce de ministres protestants convertis au catholicisme, même si déjà mariés, les dispensant de l’obligation du célibat ; le cas fut prévu de toute façon par la Sacerdotalis cælibatus de Paul VI (7). Mais il s’agissait de cas isolés et destinés à ne pas se perpétuer. Pastoral Provision (II, 3 et III, 3) en 1980, prévoyait la (ré)ordination du clergé épiscopalien (anglicans des USA) au cas par cas ; pouvaient éventuellement être ordonnés prêtres, mais non évêques, des sujets mariés, et, en cas de veuvage ils ne pouvaient pas se remarier ; enfin et surtout, le futur clergé devait absolument observer la loi du célibat comme dans tout le reste de l’Église latine :

[II.3) Discipline : a) (a) Les stipulations suivantes s’appliqueront aux prêtres épiscopaliens mariés pouvant être ordonnés prêtres catholiques : ils ne peuvent pas devenir évêques ; et ils ne peuvent pas se remarier en cas de veuvage.

(b) Les futurs candidats à la prêtrise doivent suivre la discipline du célibat. (c) Un soin particulier doit être pris au niveau pastoral afin d’éviter toute équivoque concernant la discipline du célibat de l’Église.

Cette dernière disposition est extrêmement importante, car l’exception admise pour faciliter le retour du clergé anglican était destinée à ne pas se perpétuer, et le célibat sacerdotal était, du moins en paroles, sévèrement prescrit, comme le rappelle aussi la Déclaration In June (8).

Dans ce domaine également AC va plus loin. Voici les prescriptions à ce sujet :

VI. § 1 Ceux qui, comme anglicans, exerçaient un ministère de diacre, de prêtre ou d’évêque, et qui remplissent les conditions requises par le droit canonique [13] et ne sont pas empêchés par des irrégularités ou par d’autres empêchements [14], peuvent être acceptés par l’ordinaire comme candidats aux ordres dans l’Église catholique. Dans le cas de ministres mariés, les normes établies par la lettre encyclique du pape Paul VI Sacerdotalis coelibatus, n° 42 [15] et dans la déclaration In June [16] doivent être observées. Les ministres célibataires se soumettront à la règle du célibat clérical (CIC, can. 277, § 1).

§ 2 L’ordinaire, dans le respect de la discipline du célibat du clergé de l’Église latine, n’admettra en règle générale (pro regula) que les hommes célibataires à l’ordre des prêtres. Il pourra également demander au pontife romain, par dérogation au canon 277 § 1, que soient admis à l’ordre des prêtres des hommes mariés, au cas par cas et en fonction de critères objectifs approuvés par le Saint-Siège. Si la porte ouverte avec le § 2 (les nouveaux candidats au sacerdoce en règle générale, pro regula, seront tenus au célibat mais… il est possible de demander une dérogation à cette règle et de continuer à ordonner (?) des personnes mariées) n’est pas grande ouverte, elle l’est ultérieurement au moins par les normes complémentaires : “Article 6 § 1. L’ordinaire, pour admettre des candidats aux ordres sacrés doit obtenir le consentement du conseil de direction. En considération de la tradition et de l’expérience ecclésiale anglicane, l’ordinaire peut présenter au Saint-Père la demande d’admission d’hommes mariés à l’ordination presbytérale dans l’ordinariat, après un processus de discernement fondé sur des critères objectifs et les nécessités de l’ordinariat. Ces critères objectifs sont déterminés par l’ordinaire, après avoir consulté la conférence épiscopale locale, et ils doivent être  approuvés par le Saint-Siège.”

L’“ordination” de nouveaux candidats mariés, qui pro regula était prohibée, devient par contre, dans les normes complémentaires, une mise en pratique “de la tradition et expérience ecclésiale anglicane” (commencée avec le mariage sacrilège et invalide de Cranmer, tradition hérétique, entendons-nous bien) ; or, cette tradition n’est-elle pas un enrichissement ? Pourquoi alors refuser une demande aussi “traditionnelle” ? Si “on trouve toujours le moyen de tourner la loi”, qu’en sera-t-il lorsque la tromperie est dans la loi elle-même ?

Toutefois, puisque les schismatiques orientaux ont maintenu le principe du célibat au moins pour les évêques (outre ceux qui sont encore célibataires au moment de l’ordination) on ne pouvait pas permettre aux anglicans ce qui est sévèrement interdit par les grecs et les moscovites. Les “évêques” anglicans mariés ne pourront pas être consacrés “évêques catholiques”. Mais là aussi, on trouve toujours le moyen de tourner la loi. Rien n’interdit en fait que l’Ordinaire puisse être un simple prêtre, et c’est même ce qui est explicitement prévu. Par conséquent, un individu “déjà évêque anglican” marié peut être nommé Ordinaire, être membre de la Conférence épiscopale, gouverner un diocèse, porter les insignes épiscopaux… en somme, être évêque avec toutes ses prérogatives (3), quand bien même seulement en ce qui concerne la juridiction:

“Article 11 des Normes :

§ 1. Un évêque déjà anglican et marié est éligible pour être nommé ordinaire. Dans ce cas, il est ordonné prêtre dans l’Église catholique et exerce dans l’ordinariat le ministère pastoral et sacramentel avec une pleine autorité juridictionnelle. § 2. Un évêque déjà anglican qui appartient à l’ordinariat peut être appelé à assister l’ordinaire dans l’administration de l’ordinariat.

§ 3. Un évêque déjà anglican qui appartient à l’ordinariat peut être invité à participer à des rencontres de la conférence des évêques du territoire respectif, de la même manière qu’un évêque émérite.

§ 4. Un évêque déjà anglican qui appartient à l’ordinariat et qui n’a pas été ordonné évêque dans l’Église catholique, peut demander au Saint-Siège l’autorisation d’utiliser les insignes épiscopaux”.

L’actuel “Primat” de la TAC, John Hepworth, se trouve cependant en difficulté du fait d’un paragraphe de l’article 6 des Normes :

§ 2. Ceux qui avaient été ordonnés dans l’Église catholique et qui ont ensuite adhéré à la Communion anglicane, ne peuvent pas être admis à l’exercice du ministère sacré dans l’ordinariat. Les clercs anglicans qui se trouvent dans des situations matrimoniales irrégulières ne peuvent pas être admis aux ordres sacrés dans l’ordinariat.”

Pourquoi en difficulté ? Parce que le chef de la TAC, pour laquelle Benoît XVI s’est tant prodigué, entre précisément dans cette catégorie : ancien prêtre catholique, il s’est fait anglican et se trouve de plus, si je ne me trompe, dans une “situation matrimoniale irrégulière”. Comment se fait-il alors qu’il soit si reconnaissant envers Benoît XVI ? On peut raisonnablement craindre qu’on ne trouve pour lui une exception à la règle, on en a trouvé tellement.

Aujourd’hui les anglicans, demain les lefebvristes, les luthériens, les moscovites ? L’oecuménisme traditionaliste de J. Ratzinger va plus loin que celui de K. Wojtyla

Il y aurait encore beaucoup à dire, mais il est temps de conclure. En tant que catholiques nous ne pouvons que souhaiter le retour à l’Église et à la Foi catholique de ceux qui ont le malheur de vivre dans le schisme et dans l’hérésie. Mais ce, à condition toutefois qu’il s’agisse d’une véritable et authentique conversion. L’oecuménisme moderniste – entre autres graves défauts – empêche justement cette possibilité. Les très nombreux anglicans qui se sont convertis dans le passé à l’Église catholique, retournaient vraiment à la maison du Père : ils y trouvaient la vraie Foi, les vrais Sacrements, le Sacrifice, la Hiérarchie, la Primauté papale. Ceux qui aujourd’hui, fuyant les excès toujours plus évidents du protestantisme en voie de décomposition, cherchent refuge auprès de l’Église catholique, ont du mal à la trouver, occupée comme elle l’est par les modernistes et le modernisme : aveugles conduisant d’autres aveugles  et qui tomberont, je crains, les uns après les autres dans la fosse.

Une fois conclu, pour le moment, avec succès, le dossier anglican, J. Ratzinger pourra s’occuper du dossier luthérien (s’appuyant sur la déclaration commune en matière de justification) et moscovite : le climat avec les schismatiques et les hérétiques russes – de froid qu’il était sous le polonais Wojtyla – est devenu chaleureux avec l’allemand – et très collégial – Ratzinger. Puis, à la “Tradition” anglicane, luthérienne et orientale pourra s’ajouter enfin la “Tradition” catholique représentée dans les faits par la Fraternité Saint Pie-X. Les “colloques” vont de l’avant selon la méthode oecuménique désormais expérimentée. Ceux qui aiment les traditions sans plus de précisions, les liturgies suggestives et fastueuses seront satisfaits. Les vrais catholiques qui veulent rester fidèles au dogme, eux, seront encore plus isolés. Humainement parlant, certes, car le Christ n’abandonne pas son Église et ne permettra pas que triomphent sur Elle les portes de l’Enfer.

Notes

1) Le document appelé couramment Pastoral provision consistait en une lettre du 22 juillet 1980 adressée par le cardinal Seper à l’archevêque de San Francisco, John R. Quinn (prot. 66/77), lettre par laquelle le cardinal Seper communiquait à Mgr Quinn les décisions concernant l’accueil de certains groupes d’épiscopaliens (anglicans des États-Unis). Ces décisions avaient été prises par la S.C. pour la Doctrine de la Foi à la session ordinaire du 18 juin 1980 et confirmées par Jean-Paul II à l’audience accordée au Cardinal Préfet le 20 juin suivant. Anglicanorum coetibus fait aussi référence à la Déclaration sur ce sujet de la Congrégation en question, Déclaration In June du 1er avril 1981 (Ench. Vat. 7, 1213, traduction française du texte dans la Documentation catholique n° 1807, p. 433).

2) Ne furent jamais considérés comme tels le Catéchisme de Saint Pie X ou le Catéchisme romain aux curés dit Catéchisme du Concile de Trente.

3) “De fait”, autrement dit dans les intentions de Benoît XVI. Selon la Thèse de Cassiciacum que nous avons faite nôtre, ni Benoît XVI ni les évêques en communion avec lui ne jouissent de la juridiction épiscopale.

4) Cf. M. DAVIES, La réforme liturgique anglicane, Clovis, 2004. L’édition originale en anglais de l’ouvrage de Michael Davies date de 1976.

5) La situation actuelle de l’Église catholique après Vatican II pose des problèmes ecclésiologiques non communs. Le cardinal Benelli, repris polémiquement par Mgr Lefebvre et celui-ci par de nombreux sédévacantistes, parlait d’une “Église conciliaire”. En ce cas, les anglicans de la TAC ne seraient pas entrés dans l’Église catholique mais dans l’Église conciliaire. Le fait est que, du moins juridiquement, l’Église conciliaire n’existe pas, et les modernistes qui occupent les Sièges épiscopaux, y compris le Premier Siège, se trouvent encore, du moins juridiquement et au for externe, “dans le sein même et au coeur de l’Église” selon la célèbre expression de l’encyclique Pascendi. En tout cas, les anglicans de la TAC s’étant mis sous l’obédience de Benoît XVI participent de son “schisme capital”.

6) Sur le célibat ecclésiastique, à propos duquel on dit et écrit d’énormes sottises, je conseille l’ouvrage du cardinal Alphonse Stickler, Il celibato ecclesiastico. La sua storia e i suoi fondamenti teologici, Libreria editrice Vaticana, 1994. [Le célibat ecclésiastique. Son histoire et ses fondements théologiques].