7 août 2011

[Abbé Méramo] Le caractère fallacieux d'un sermon digne du modernisme

SOURCE - Abbé Meramo - 7 août 2011

Monseigneur de Galarreta a prononcé le 29 juin 2011, à l’occasion des ordinations sacerdotales d’Ecône, un sermon digne d’un authentique moderniste, car son discours, quoique conservateur et modéré, était de caractère moderniste du début à la fin. 

Cherchant à expliquer, voire à justifier les conversations (dialogues) avec la Rome moderniste, adultère et apostate, comme le disait si bien Monseigneur Lefebvre (« Rome est dans l’apostasie »), Monseigneur de Galarreta tombe dans le modernisme le plus aberrant. Son diagnostic est pire que le mal, de même que l’on dit d’un médecin incapable qu’il administre un remède pire que le mal.

Tout d’abord, il essaye de faire croire qu’il faut aller à Rome pour être catholique, apostolique et romain, comme si la Rome moderniste était catholique, apostolique et romaine, ce qui n’est évidemment pas le cas : Monseigneur Lefebvre ne s’est pas borné à dire qu’elle était dans l’apostasie et que ce n’étaient pas là des mots en l’air ; il a dit aussi qu’il y avait à Rome une loge maçonnique vaticane (lors d’une conférence de 1976 qu’on a essayé de faire disparaître). Tout cela montre à l’évidence la triste réalité qui – en termes apocalyptiques – n’est autre que l’abomination de la désolation dans le lieu saint.

Monseigneur de Galarreta ne tient pas compte du fait qu’en se rendant à Rome, à la maison du père, on rencontre de sinistres personnages vêtus de pourpre et coiffés de mitre. De même que dans un conte célèbre, le Petit Chaperon Rouge croit candidement se trouver devant sa gentille mère-grand, alors qu’elle a en face d’elle le loup féroce et rusé, on va dialoguer avec Rome comme si c’était la gentille mère-grand catholique, apostolique et romaine, alors qu’il s’agit en réalité d’un loup rusé et vorace.

Cette comparaison peut sembler choquante et insultante, mais plus choquante et plus insultante est la triste réalité des faits, qui sont irréfutables.

Monseigneur de Galarreta se révèle victime d’un mirage sophistique qui lui fait voir une réalité indéniable là où il n’y en a pas. Ce défaut optique l’enferme dans une position anti-apocalyptique viscérale et auto-immune, en flagrante opposition avec l’Histoire – niant avant tout le crescendo du processus révolutionnaire –, la métaphysique de l’Histoire (lutte du bien et du mal) et la Théologie de l’Histoire, qui traite du combat entre le Christ et Satan, entre l’Eglise et la Contre-Eglise, avec sa phase ultime et apocalyptique.

On est catholique en professant publiquement la Foi, non en allant ou non à Rome ; et c’est encore plus vrai aujourd’hui, où Rome est moderniste et en opposition frontale et systématique à la Tradition catholique.

Ne pas le reconnaître, c’est oublier ce qu’a dit Monseigneur Lefebvre : « Hélas, je dois dire que Rome a perdu la foi, Rome est dans l’apostasie. Ce ne sont pas des mots en l’air, c’est la vérité : Rome est dans l’apostasie » ; et il est significatif qu’il ait tenu ces propos après une entrevue qu’il avait eue le 14 juillet 1987 avec le cardinal Ratzinger, aujourd’hui Benoît XVI (Retraite sacerdotale prêchée à Ecône en septembre 1987).

Il s’agit d’une autre religion, ainsi que Monseigneur Lefebvre l’a déclaré lors de sa dernière conférence prononcée devant les séminaristes le 11 février 1991 : « La situation dans l’Église est plus grave que s’il s’agissait de la perte de la foi. C’est la mise en place d’une autre religion, avec d’autres principes qui ne sont pas catholiques ».

Il s’agit d’une Nouvelle Eglise : « Ce concile représente, tant aux yeux des autorités romaines qu’aux nôtres, une Nouvelle Eglise, qu’ils appellent d’ailleurs Eglise conciliaire » (Monseigneur Lefebvre, La Nouvelle Eglise, Tome II de : « Un Evêque parle », éd. Iction Buenos Aires 1983, p. 124).

C’est pourquoi, dans sa déclaration de 1974, Monseigneur Lefebvre n’hésita pas à déclarer : « Nous refusons par contre et avons toujours refusé de suivre la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante qui s’est manifestée clairement dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes qui en sont issues ».

Dans sa lettre aux quatre futurs évêques, Monseigneur Lefebvre a formulé la dénonciation suivante : « La Chaire de Pierre et les postes d’autorité de Rome étant occupés par des antichrists, la destruction du Règne de Notre-Seigneur se poursuit… ». 

Monseigneur Lefebvre ne se privait pas de parler de coquins et de bandits à propos de Rome. Répondant au journaliste qui l’interviewait pour la revue française Le Choc du Mois, il a déclaré : « Quand on arrive à Rome, il n’y a plus d’hommes, il n’y a plus de courage, car on s’y retrouve en face de bandits. Pour peser sur eux, il faut s’opposer à eux avec détermination. Alors, ils vous respectent » (n° 10, septembre 1988, p. 109).

Il va même jusqu’à guetter l’avènement de ce qu’annoncent les Ecritures sur les derniers temps apocalyptiques, lorsqu’il écrit dans sa lettre de Carême du 25 janvier 1987 : « Cet ébranlement de la foi semble bien préparer l’Antéchrist, selon les prédictions de saint Paul aux Thessaloniciens et selon les commentaires des Pères de l’Eglise ».

Toutes ces choses, tant Monseigneur de Galarreta que Monseigneur Fellay les ont pratiquement oubliées ou les considèrent comme sans grande pertinence pour juger et agir dans le monde actuel, à l’heure présente. Pire encore, ils se refusent carrément à situer dans une perspective apocalyptique la crise actuelle, dont on n’a pourtant jamais vu l’équivalent dans l’histoire de l’Eglise.

En cela, ils ignorent stupidement ce que le grand Pape Saint Pie X a signalé dans la première lettre encyclique « E  supremi apostolatus », du 4 octobre 1903, soit il y a plus d’un siècle : « Qui pèse ces choses a droit de craindre qu’une telle perversion des esprits ne soit le commencement des maux annoncés pour la fin des temps, et comme leur prise de contact avec la terre, et que véritablement le fils de perdition dont parle l’Apôtre (8) n’ait déjà fait son avènement parmi nous. […] En revanche, et c’est là, au dire du même Apôtre, le caractère propre de l’Antéchrist, l’homme, avec une témérité sans nom, a usurpé la place du Créateur en s’élevant au-dessus de tout ce qui porte le nom de Dieu ».

Face à tout cela, Monseigneur de Galarreta déclare avec une absurde ingénuité : « Nous savons que nécessairement, la crise trouvera sa solution, la crise se résoudra à Rome et par Rome ». Certes, mais uniquement grâce à la Parousie du Seigneur, non à quelque œuvre humaine, pas plus qu’aux forces de l’histoire ou aux actions de l’humanité, contrairement à ce que croient les progressistes.

Parler de charité, de miséricorde et de compréhension comme si l’on pensait à des êtres incultes et ignorants éloignés de la civilisation, alors qu’il s’agit en réalité de prélats et de hiérarques catholiques, c’est tenir un langage qui frise le modernisme le plus abject.

« Il est difficile de quitter l’erreur alors qu’on a vécu toute sa vie dans l’erreur […] ayons pitié », s’exclame Monseigneur de Galarreta. C’est là le comble de l’aberration, car on a affaire non à des sauvages désemparés qui n’ont pas eu la chance de mieux connaître Dieu, mais à de hauts hiérarques et prélats de l’Eglise, qui ont le devoir de connaître et d’enseigner la foi ainsi que la vérité révélée.


« Car enfin, ils ont besoin tout simplement de ce que nous avons déjà reçu gratuitement : la lumière et la grâce », poursuit Monseigneur de Galarreta. Comment imaginer qu’il fait ainsi allusion à des évêques, des cardinaux, des papes ? L’orateur semble plutôt parler d’indigents, de marginaux et d’ignorants qui n’ont pas eu l’occasion de recevoir la lumière de la foi et la grâce divine. Un tel langage est inapplicable à ceux qui – en tant que prélats et supérieurs – ont le devoir d’exercer leur autorité et leur pouvoir pour prêcher la doctrine et enseigner. S’ils n’ont pas la lumière de la foi et de la grâce, c’est tout bonnement parce qu’ils l’ont perdue et même combattue, ce qui équivaut au péché que les pharisiens ont commis contre l’Esprit en s’opposant à la vérité manifeste.

Et comme si cela ne suffisait pas, il juge dénué de grâce et de charité quiconque s’oppose à sa vision fausse et moderniste de la charité : « Ceux qui s’opposent férocement et par principe à tout contact avec les modernistes me rappellent un passage de l’Evangile […] “ Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes ! ” (Luc 9, 51-56). Car ils n’avaient pas encore reçu l’Esprit Saint, qui diffuse la charité dans les cœurs, et ils ne savaient donc pas de quel esprit ils étaient… ». Quelle pensée édifiante, quelle comparaison digne du plus éminent des libéraux modernistes !

Plus encore, se prenant pour un paladin émérite et jouant au rude et vaillant capitaine, Monseigneur de Galarreta lance, tel un Don Quichotte : « Je ne vois pas en quoi la fermeté doctrinale serait contraire à la souplesse […] Je ne vois pas. Je ne sais pas en quoi l’intransigeance doctrinale serait contraire aux entrailles de la miséricorde, au zèle missionnaire et apostolique de la charité ». Beau défenseur de la fermeté doctrinale, dont il représente davantage la caricature que la réalité !

Mais si quelqu’un, en sa fragilité humaine, venait à se scandaliser de ce que je dis là, qu’il se réfère à ce qu’a écrit le célèbre et combattif abbé Don Sardá y Salvany : « Ah ! on nous jette perpétuellement à la face notre prétendu manque de charité » (Le libéralisme est un péché, p. 53).

« Il n’y a donc aucune faute contre la charité à nommer le mal, mal, méchants les auteurs, fauteurs et disciples du mal, iniquité, scélératesse, perversité, l’ensemble de leurs actes, paroles et écrits » (p. 57).

« Si la propagande du bien et la nécessité d’attaquer le mal exigent l’emploi de termes un peu durs contre les erreurs et ses coryphées reconnus, cet emploi n’a rien de contraire à la charité » (p. 57).

« Il faut rendre le mal détestable et odieux. Or, on n’obtient pas ce résultat sans montrer les dangers du mal, sans dire combien il est pervers, haïssable et méprisable » (p. 57).

« Il faut combattre et discréditer les idées malsaines, et de plus il faut en inspirer la haine, le mépris et l’horreur à la multitude qu’elles cherchent à séduire et à embaucher » (p. 61).  

« Ainsi donc, il convient d’enlever toute autorité et tout crédit au livre, au journal et au discours de l’ennemi, mais il convient aussi, en certains cas, d’en faire autant pour sa personne, oui, pour sa personne […] Il est donc licite en certains cas de révéler au public ses infamies, de ridiculiser ses habitudes, de traîner son nom dans la boue. Oui, lecteur, cela est permis, permis en prose, en vers, en caricature, sur un ton sérieux ou badin, par tous les moyens et procédés que l’avenir pourra inventer » (p. 61).

Quelle recette magistrale pour écraser l’esprit libéral qui a carbonisé les neurones de plus d’un !

Puis, citant Crétineau-Joly, Sardá y Salvany en fournit le motif : « La vérité est la seule charité permise à l’histoire, on pourrait même ajouter : et la défense religieuse et sociale » (p. 61)

Or, cela vaut pour les éventuelles objections de ceux qui – sous couleur de fausse charité, bien entendu – cherchent à étouffer, opprimer et réduire au silence la vérité.

L’unique et véritable charité, c’est la vérité, car Dieu est à la fois Charité et Vérité. Concevoir la charité sans la vérité est l’une des aberrations du modernisme et du libéralisme.

C’est pourquoi Sardá y Salvany tire de ce qui précède la conséquence suivante :

« Notre formule, à nous, est pourtant bien claire et bien concrète. La voici : la souveraine intransigeance catholique n’est autre que la souveraine charité catholique » (p. 55). Or, il est évident que l’homme d’aujourd’hui ne comprend pas cela et ne veut pas le comprendre, car l’atmosphère libérale dans laquelle il baigne l’amène à y voir quelque chose de politiquement incorrect.

Mais nous autres devons bien voir où se trouve la vraie charité, car une fausse charité est de nature à détruire la vérité, ainsi que nous en avertit Sardá y Salvany : « comme le dit spirituellement un auteur, [le reproche de manque de charité qui nous est adressé] oblige gentiment la charité à servir de barricade contre la vérité » (p. 53). Il n’y a pas de vérité sans charité, ni de charité sans vérité.

J’espère que Monseigneur de Galarreta me témoignera la moitié de la miséricorde, de la compassion et de la charité qu’il prodigue aux modernistes, bien que je sois un traditionaliste intransigeant. Sinon, qu’il garde au moins à l’esprit ce qu’a écrit le poète argentin Martín Fierro :
« Que nul ne se croie offensé,

Car nul je ne veux agacer ;

Et si je chante sur ce ton

Parce que je le trouve bon,

CE N’EST POUR LE MAL D’AUCUN HOMME,

C’EST POUR LE BIEN DE TOUS LES HOMMES ». 

Abbé Basilio Meramo
Bogotá, 7 août 2011