11 novembre 2011

[Père Chrissement, fsspx - La Foi de toujours] Qu’appelle-t-on «communautés Ecclesia Dei»?

SOURCE - Père Chrissement, fsspx - La Foi de toujours - Novembre 2011

Après les sacres de 4 évêques effectués par Mgr Lefebvre à Ecône le 30 juin 1988, les autorités du Vatican ont accordé la célébration de l’ancienne liturgie à quelques communautés. Ce sont, en particulier, la Fraternité Saint Pierre (fondée par d’anciens prêtres de la Fraternité Saint Pie X en 1988), l’Institut du Christ-Roi (fondé par l’abbé Wach à Griciliano, près de Florence, en Italie), l’abbaye bénédictine du Barroux (dirigée par Dom Gérard), la Fraternité Saint Vincent Ferrier à Chéméré en France (brusquement passée du sédévacantisme au ralliement conciliaire au moment où Mgr Lefebvre menait les tractations avec Rome en 1987), l’institut de l’Opus Mariae (Père Wladimir), les dominicaines enseignantes de Pontcallec (fondée par l’abbé Berto) ; plus récemment, la Fraternité Saint Jean-Marie Vianney de Campos au Brésil (dirigée par Mgr Rifan) et l’Institut du Bon Pasteur, fondé en 2006 par d’anciens prêtres de la Fraternité Saint Pie X.
D’où vient ce nom ?
Ces communautés portent le nom générique de « communautés Ecclesia Dei », car la plupart d’entre elles dépendent de la commission (petit groupe d’évêques et de prêtres désignés par le pape pour s’occuper d’une affaire) du même nom, fondée à Rome après les sacres épiscopaux de 1988 pour récupérer les prêtres et séminaristes qui quittaient la Fraternité Saint Pie X.
Les mots « Ecclesia Dei » constituent le titre du document de Jean-Paul II qui excommunia Mgr Lefebvre le 2 juillet 1988 : on peut donc dire que toutes ces communautés sont établies sur cette excommunication et profitent ainsi de l’acte héroïque posé par Mgr Lefebvre le 30 juin 1988. Si le fondateur d’Ecône n’avait pas d’abord annoncé (le 29 mai 1987) puis effectué (le 30 juin 1988) ces sacres des évêques, les autorités de Rome n’auraient jamais accordé la liturgie traditionnelle à toutes ces communautés.
Le Vatican demande-t-il des garanties à ces communautés pour leur accorder le droit de célébrer l’ancienne liturgie ?
En effet, elles doivent reconnaître la nouvelle messe comme un rite pleinement légitime ; car la liturgie dite traditionnelle n’est considérée par les autorités romaines que comme un « rite extraordinaire » de la messe, par rapport à la nouvelle messe qui constitue le « rite ordinaire », c’est-à-dire la manière habituelle de célébrer la messe. D’ailleurs, en 2000, le cardinal Castrillon Hoyos l’a bien rappelé aux supérieurs de la Fraternité Saint Pierre face à un groupe de leurs prêtres qui souhaitaient aussi célébrer la nouvelle messe.
Les membres de ces communautés doivent aussi s’abstenir de toute critique à l’égard du concile Vatican II ; il leur faut en particulier accepter – ou du moins, ne pas critiquer – la liberté religieuse et l’oecuménisme. Voilà pourquoi ils sont très gênés par ces cérémonies interreligieuses comme elles se pratiquent à Assise : cela les désole sans doute, mais ils ne peuvent pas protester publiquement.
Pourquoi la Fraternité Saint Pie X ne fait-elle pas partie de ces communautés ?
Les sacres de 1988 ont contribué à sauver la Tradition catholique non seulement en assurant la transmission du sacrement de l’ordre – et donc de la messe et des sacrements traditionnels – mais aussi en protégeant des erreurs du concile Vatican II une petite partie du troupeau de l’Eglise. Or ces erreurs conciliaires continuent de ravager l’Eglise, et elles règnent à Rome même. Pour continuer à s’en protéger efficacement, il est donc nécessaire de garder ses distances avec les autorités romaines.
Pouvez-vous donner une comparaison ?
En temps d’épidémie, la plus élémentaire prudence exige de séparer les malades des bien portants. Une certaine communication demeure indispensable pour soigner ces malades, mais elle est limitée le plus possible et entourée de grandes précautions. Il en va de même dans la situation actuelle : on ne peut fréquenter de façon habituelle les autorités conciliaires sans s’exposer à contracter leurs erreurs. L’exemple des communautés Ecclesia Dei en est la preuve manifeste.
Les membres des communautés Ecclesia Dei ont-ils vraiment admis les erreurs conciliaires, ou se contentent-ils de se taire à leur égard ?
Sans prétendre juger du for interne ni des exceptions possibles, il semble que la plupart de ces membres aient fini, hélas, par adhérer aux erreurs conciliaires. Ils ont commencé par un silence qu’ils jugeaient prudent. Ils ont dû, de plus en plus, donner des signes de bonne volonté vis-à-vis des autorités romaines. Ils ont été soumis sans même s’en rendre compte à la pression du libéralisme – d’autant plus efficace qu’elle semble moins contraignante. Ils ont fini par s’interdire à euxmêmes de penser autrement qu’ils disaient et agissaient. Bref, ils sont passés tout entier dans l’engrenage dans lequel ils avaient imprudemment placé le doigt.
Cette acceptation des erreurs conciliaires est-elle commune à toutes les communautés Ecclesia Dei ?
Il y a sans doute des nuances, mais, de façon générale, toutes ces communautés adhèrent aujourd’hui aux erreurs conciliaires. Lors de son ralliement de juillet 1988, le Barroux avait publiquement posé comme condition : « Que nulle contrepartie doctrinale ou liturgique ne soit exigée de nous, et que nul silence ne soit imposé à notre prédication antimoderniste ». Or dès le mois d’octobre suivant, un moine constatait « une certaine relativisation de la critique de la liberté religieuse et de la réunion d’Assise » à l’intérieur de l’abbaye. De fait, le Barroux en viendra même à essayer de justifier publiquement les erreurs de Vatican II. La Fraternité
Saint Pierre qui prétendait, au début, continuer exactement à l’intérieur de l’Eglise ce que faisait la Fraternité Saint Pie X, a subi le même glissement.
Ces communautés ne restent-elles pas fermes, au moins, sur la liturgie ?
Loin de résister fermement, elles ont toutes plus ou moins accepté la nouvelle liturgie, qu’elles évitent en tout cas d’attaquer franchement : Dom Gérard, l’ancien abbé du Barroux, a dû concélébrer la nouvelle messe avec le pape le 27 avril 1995. L’abbé Wach, le supérieur de l’institut du Christ-Roi, avait déjà fait de même le 21 décembre 1991. Mgr Rifan a aussi concélébré la nouvelle messe le 8 septembre 2004. La Fraternité Saint Pierre a dû accepter le principe de la concélébration de la messe chrismale du Jeudi Saint avec l’évêque diocésain.
En contrepartie de ces compromissions, ces communautés obtiennent-elles au moins de vastes possibilités d’apostolat ?
La situation est assez diverse selon les pays et les diocèses, mais la plupart des évêques restent très restrictifs vis-à-vis de ces communautés. Même ceux qui ne leur sont pas hostiles hésitent à les accueillir, tant ils craignent les réactions de leur clergé ou des laïcs engagés. Rome craint de son côté les réactions des évêques. La situation de ces communautés serait d’une extrême fragilité sans le contrepoids de la Fraternité Saint Pie X.