11 septembre 2006

À Bordeaux, l'abbé Laguérie célèbre sa victoire
11 septembre 2006 - Sophie de Ravinel - lefigaro.fr
RELIGION Selon le chef de file du groupe de lefebvristes qui vient de rallier Rome, le Vatican s'apprête à redonner toute sa place au rite traditionnel. HIER, à Bordeaux, l'abbé Philippe Laguérie, supérieur du Bon Pasteur, a savouré son retour victorieux du front, sur le mode : nous avons gagné une bataille, nous n'avons pas gagné la guerre ! La rhétorique du combat soutenait ses propos, aussi bien en chaire, dans son église Saint-Éloi, que devant les nombreux micros tendus.
Figure du monde lefebvriste, sujet aux coups de sang, aux coups de tête, il n'a pas failli à sa tradition. Pas question de faire profil bas. «L'Église, a-t-il dit dans son homélie aux quelque deux cents fidèles – pour l'essentiel de jeunes familles nombreuses –, a réalisé combien il était nécessaire pour elle d'avoir affaire à nous.» «Aucun compromis» n'a été exigé par Rome, «ni dans la liturgie ni même et encore moins dans la doctrine». «Quelques attardés», parmi les fidèles conciliaires ou les évêques, vont manifester une certaine hostilité à leur égard, mais pour l'abbé, «il va falloir qu'ils changent».
«L'authenticité de la doctrine»
«Rome, a-t-il expliqué en chaire, nous a donné l'obligation statutaire de travailler à rendre l'authenticité de la doctrine.» Ses propos n'augurent pas des rapports paisibles à venir avec l'épiscopat, présidé par l'archevêque de Bordeaux, Mgr Jean-Pierre Ricard. Le clergé de l'institut «dépend de Rome et aucunement des évêques locaux», a-t-il d'ailleurs précisé. L'abbé Laguérie est persuadé que le vent romain souffle dans la bonne direction. Et croit même savoir que «Rome s'apprête à publier un document destiné à redonner toute sa place au rite traditionnel, à libéraliser son usage.» Selon lui, les deux rites ne seront pas différents mais considérés comme deux facettes – l'une extraordinaire et l'autre ordinaire – d'une même réalité.
Par cette précision, il répond aux critiques formulées par la Fraternité Saint-Pie X. Depuis la Suisse, celle-ci a publié vendredi soir un commentaire laconique, estimant qu'«elle ne peut faire sienne une solution communautariste où la messe tridentine serait confinée dans un statut particulier».
À la sortie de l'office, les fidèles exultaient, ovationnant l'abbé Laguérie. Christian, jeune père de famille, non traditionaliste, était venu suivre cette messe pour se réjouir avec eux de «ce retour à la pleine communion». «Mais il y a encore du chemin à parcourir», ajoute-t-il, un peu désolé par le ton combatif du curé de Saint-Éloi.