27 octobre 2006

Le calendrier liturgique, ultime provocation des adversaires de la paix ?
La Lettre de Paix liturgique - n°58 – 27 octobre 2006
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Le calendrier liturgique, ultime provocation des adversaires de la paix ?
► Depuis quelques semaines, on entend dire que le pape Benoît XVI serait sur le point de prendre des mesures d’apaisement pour répondre aux aspirations des très nombreux fidèles attachés à la liturgie traditionnelle. Les "fuites" vaticanes et les nombreux articles parus dans la presse décrivent des mesures qui devraient satisfaire le plus grand nombre. Deo Gratias ! On s'acheminerait donc enfin vers la paix des cœurs et le développement de véritables liens de charité. Voilà un beau motif de réjouissance car n’est-ce pas là ce que chacun doit souhaiter, en particulier les chrétiens et au premier plan d’entre eux, les pasteurs du troupeau, nos évêques ?

Pourtant, contre toute raison et avant même que le texte du Saint-Père n'ait été publié, on assiste à une levée de boucliers agitatrice et autoproclamée représentative de certains clercs aigris.

Plus incroyable encore, des "propositions" qui vont à l’opposé du souhait de paix du pape se profilent ci et là.

En effet, dans certains diocèses, l'autorité ne craint pas de décréter qu'elle conditionnera la célébration de la messe traditionnelle à certaines "exigences pastorales"... Une de ces conditions sera d'imposer aux fidèles d’assister en alternance un dimanche sur deux à la nouvelle liturgie, comme s'ils ne la connaissaient pas, une autre sera d'exiger que ces célébrations traditionnelles adoptent le nouveau calendrier.

De telles provocations devraient faire sourire si elles ne masquaient pas l'opposition farouche de certains ecclésiastiques prêts à tout pour faire échouer dans la pratique la politique pleine d'amour du Saint-Père.

Certains osent même couvrir cette dernière innovation de l’onction du pape lui-même en affirmant que, dans une conférence donnée à Fontgombault en 2001, celui qui était alors le cardinal Ratzinger, se serait lui-même fait l’avocat d’une telle solution.

Afin de rétablir la vérité, nous avons voulu disposer d’un avis autorisé.

C’est pourquoi nous reproduisons ici un entretien exclusif que nous a accordé un prêtre français, ancien collaborateur du CNPL (Centre national de la pastorale Liturgique) qui a souhaité conserver l’anonymat.

Qu’est-ce que le « calendrier traditionnel » et le « nouveau Calendrier » ?
Le calendrier dit « traditionnel » est celui associé au missel dit « de Saint Pie V » ou « tridentin » dont la dernière édition typique date de 1962, d’où le nom de liturgie de 1962 que certains lui donnent. Le nouveau calendrier est celui qui a été promulgué en 1970 par le pape Paul VI conjointement au missel qui instaurait la messe nouvelle.
Pourquoi peut-on être attaché au calendrier traditionnel ?
Pour de multiples raisons dont je ne retiens ici que les deux principales :
La première est que ce calendrier « Traditionnel » est en parfaite symbiose avec le livre liturgique « traditionnel » lui-même.
La seconde est une évidence que beaucoup de fidèles ont constatée dès 1970 : Le calendrier liturgique traditionnel est plus riche que le nouveau calendrier. Notons par exemple que le beaucoup plus petit nombre de fêtes de saints (environ 177 pour le Missel de 1970, contre 277 environ pour celui de 1962) avait été beaucoup critiqué lors de la publication du nouveau calendrier. Certes, plusieurs fêtes qui ne se trouvent plus dans le calendrier romain général de 1970 n’ont pas pour autant été supprimées. Elles ont bien souvent été transférées dans les calendriers nationaux, diocésains, ou ceux des ordres religieux, mais il n’en reste pas moins vrai que nous avons connu avec cette réforme un grand appauvrissement du calendrier en général. Sans entrer dans des détails trop techniques, il faut savoir que le grand débat autour du calendrier avait été mis en chantier… et résolu par le pape saint Pie X au début du XXe siècle. La crainte à l’époque était de voir peu à peu le sanctoral (la commémoration des saints) prendre le pas sur le temporal (c’est-à-dire sur le rythme de l’année liturgique) or en « nettoyant » dès cette époque le calendrier et en donnant la priorité liturgique aux dimanches, la crainte principale des liturgistes était envolée et il n’était plus indispensable de modifier une fois encore le calendrier. Ce serait donc plutôt à un enrichissement du nouveau calendrier auquel il faudrait s’attacher, et déjà ce chantier est en route puisque la dernière édition typique du missel romain a rétabli les fêtes du Saint Nom de Jésus et du Saint Nom de Marie, supprimées en 1970. Mais il faudra attendre longtemps avant de rétablir un équilibre, c’est pourquoi les raisons sont abondantes de continuer à être attaché au calendrier traditionnel.
Mais l’on parle souvent du nouveau lectionnaire qui est plus riche que le précèdent ?
C’est vrai, le nouveau lectionnaire est plus fourni avec ses trois lectures et son cycle triennal… mais nous ne sommes plus dans les temps anciens où les fidèles n’avaient pas d’autre accès à de tels trésors ! Aujourd’hui, les fidèles peuvent vivre de l’écriture en dehors de la célébration eucharistique, et disposent d’outils pour cela comme l’excellent petit Magnificat
Par ailleurs, que pèse cette profusion de textes lorsque les études officielles nous indiquent que la plupart des « pratiquants » français ne vont à la messe qu’une fois par mois ? Sans compter que les textes de l’Ancien Testament apparaissent souvent comme complexes et nécessitent une explication détaillée pour être bien reçus. Un autre point est à noter, l’ancien lectionnaire a plus de 100 ans d’existence et le respecter c’est rester en lien étroit avec tous ceux qui l’on utilisé depuis des siècles, pensons aux sermons de saint Bernard ou à ceux de saint Antoine de padoue publiés récemment… ce sont les textes du lectionnaire traditionnel qu’ils commentent alors comment se couper d’une telle richesse ? J’ajouterai encore qu’il faut tenir en haute estime les vertus pédagogiques de la répétition. Il est vrai que l’ancien lectionnaire répète les mêmes textes tous les ans, mais si tous les fidèles assimilaient parfaitement ce noyau de textes de la Parole du Seigneur ce serait déjà extraordinaire. Comme l’a souvent écrit le pape Benoît XVI dans ses livres avant son élection, ce sont des savants qui ont fait la réforme liturgique… avaient-ils véritablement un sens pastoral aiguisé ? La question mérite au moins d'être posée... Pour ma part je suis très attaché à l’ancien lectionnaire qui vise à l’essentiel, c’est pour cela que, sans contester tous les mérites de la nouveauté, je pense qu’il est donc parfaitement légitime de préférer l’ancienne pédagogie.
Que pensez-vous de l’idée de certains qui affirment qu’il faudrait appliquer à la célébration de la messe de saint Pie V le calendrier liturgique du missel de Paul VI ?
Je pense qu’il faut se demander sincèrement et en chrétiens quelle est l’intention véritable qui se cache derrière cette proposition.
Il me semble en effet que celle-ci est quand même assez provocatrice et génératrice de zizanie.
D'abord zizanie chez ceux à qui le Saint-Père propose enfin la paix, car beaucoup ne l’accepteront pas, ou mal, ce qui permettra aux opposants d’affirmer que quoique l’on fasse, les fidèles « tradis » ne seraient jamais contents…
Zizanie aussi de la part des fidèles de la mouvance de la fraternité Saint Pie X qui y verront un nouvel exemple de la mauvaise foi épiscopale et un nouvel obstacle à une réconciliation indispensable.
Ce serait quand même extravagant que des décisions ayant pour objet d’apaiser les choses soient dévoyées et deviennent génératrices de conflits… alors qu’il nous faut enfin la paix !
Ajoutons à cela qu’une telle proposition n’a jamais été dans l’intention du législateur. La lettre Quattuor abhinc annos du 3 octobre 1984 sur lequel s’appuie ensuite le motu proprio Ecclesia Dei de 1988 dit très précisément « Qu’il n’y ait aucun mélange entre les rites et les textes de l’un et l’autre missels. » et le cardinal Mayer, premier président de la commission Ecclesia Dei, écrivait aux évêques américains le 19 avril 1991 : « Considérant la "large et généreuse application" des mesures énoncées dans Quattuor abhinc annos et des principes édictés par les pères du Concile Vatican II (Sacrosanctum consilium 51 et 54), le nouveau lectionnaire en langue vernaculaire pourrait être utilisé afin de présenter "avec plus de richesses la table de la Parole de Dieu" dans les messes célébrées selon le missel de 1962. Cependant, nous pensons que cet usage ne doit pas être imposé aux assemblées qui décideraient de conserver l’ancienne tradition liturgique dans son intégrité comme les y autorise le Motu proprio Ecclesia Dei. »
Il me semble donc impensable de proposer, ou pire d’imposer, aux célébrations en rite tridentin de suivre le nouveau calendrier.
Mais on dit que le pape Benoît XVI, lorsqu’il était encore le cardinal Ratzinger a pourtant été dans ce sens lors des rencontres liturgiques de Fontgombault en juillet 2001 ?
Permettez-moi de vous dire qu’une telle affirmation serait une falsification honteuse des paroles du Saint-Père !
Il suffit de relire les actes de ce colloque pour y constater tout d’abord qu’il considère que l’ancien missel est un « point de référence », « un bien de l’église », un « trésor de l’Eglise » (p 178 des actes) et il insiste clairement sur le fait que si réforme il y a, elle « se réfère naturellement au missel réformé pas au missel précédent » (p 179), tout en n’excluant pas qu’à l’avenir ce missel puisse naturellement évoluer. En ce qui concerne le calendrier, il dit (p 182-183) : « on doit être très prudents avec des éventuels changements » « pour ma part je ne ferai rien dans ce domaine pour le moment, c’est clair. Mais dans l’avenir on devrait penser, me semble-t-il, à enrichir le missel de 1962 en introduisant des saints nouveaux », « Ouvrir le calendrier de l’ancien missel aux nouveaux saints, en faisant un choix bien médité, cela me semble une chose importante qui ne détruirait rien du tissu de la liturgie ». Voilà la pensée du Saint-Père et pas autre chose. Il n’a jamais parlé de quelque manière que ce soit de l’utilisation du nouveau calendrier pour l’ancien missel.
Le fait d’avoir plusieurs calendriers n’est-il pas un problème pour l’Unité ?
Il faut se garder de jugements trop manichéens. Nous n’arrivons déjà pas à célébrer à la même date que certains de nos frères chrétiens la fête de Noël ou de Pâques, cela me semble autrement plus important. Par ailleurs, il faut regarder la réalité en face : les diocèses, les pays, les ordres religieux ont tous un calendrier qui diffère ! Certains ont leurs fêtes propres, d’autres donnent à une même fête un degré différent de solennité. Cette idée d’un calendrier uniforme et universellement imposé n’a aucun sens car cela ne correspond pas à la réalité de la vie de l’Eglise qui est riche de traditions très anciennes qu’on ne devrait toucher qu’avec le plus grand respect. Doit-on demander aux franciscains ou aux dominicains d’abandonner leurs fêtes ? Doit-on les accuser de rompre l’unité ? Cela me semble peu sérieux. C’est tout de même une idée très récente et assez révolutionnaire de considérer que l’on peut modifier selon des schémas intellectuels ces trésors de traditions diverses que l’Eglise nous lègue et que nous devrions conserver comme la prunelle de nos yeux. Il y a là un intellectualisme dévoyé qui ne correspond pas à ce que le Saint-Père actuel reconnaît comme l’Esprit de la Liturgie, et qui pourrait se transformer en une forme d’idéologie contraire à la pensée de l’Eglise.
Comment voyez-vous l’avenir du calendrier traditionnel ?
Il faut suivre le Saint-Père, laisser du temps au temps et appliquer au plus vite généreusement les propositions du Motu proprio de 1988 dans un esprit de paix sans esprit de calcul et sans mesquineries qui ne pourraient que faire ressurgir des passions et des blessures que les décisions du pape, comme celles de son prédécesseur, veulent apaiser. 
Et puis lorsque les esprits seront en paix, il sera temps d’étudier un enrichissement du calendrier traditionnel, pour que, comme cela s’est toujours fait dans l’histoire, l’on puisse y intégrer les nouveaux saints honorés dans l’église, et cela, je crois que nul ne le conteste !

► Les réflexions de paix Liturgique
Cette interview exclusive prend d'autant plus de relief, qu'hier, le 26 octobre 2006, Monseigneur Vingt-Trois, archevêque de Paris, prononçait les paroles ci-après à un colloque universitaire organisé à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’Institut Supérieur de Liturgie : "Je pense que la communion progressera plus largement encore si l’on veut bien renoncer aux anathèmes et aux surenchères. Un signe de ce progrès serait sans doute que tous puissent célébrer l’Eucharistie en suivant le même calendrier liturgique et le même lectionnaire. Comme l’unité progresserait si nous entendions tous chaque dimanche la même Parole de Dieu, si nous célébrions ensemble les mêmes fêtes du Seigneur et si nous fêtions ensemble les mêmes saints !"

De telles paroles nous surprennent et nous peinent. Quel est le but réel d'une telle demande ? Serait-ce donc vraiment l'unité ? Il est étonnant de voir cette volonté soudaine pour l'application du nouveau calendrier liturgique à la messe de Saint Pie V alors que depuis trente ans on a abandonné les fidèles et les prêtres attachés à la messe traditionnelle dans une situation d’exclusion dont les conséquences sont gravissimes. Et quand, en de rares occasions, on leur a accordé quelque chose, c'est par une application restrictive et humiliante des mesures d'apaisement de Jean Paul II.

Plutôt que d’essayer de faire échouer cette mesure bienveillante du Saint-Père, l’urgence n’est-elle pas au contraire de l’accompagner avec bienveillance ? Hier avec la question de la concélébration, aujourd’hui avec celle du calendrier, c’est encore une fois la même méthode : on ne veut pas accepter l’idée de donner une place normale à des fidèles qui n’ont commis d’autres crimes que d’être fidèles à une liturgie et à un esprit chrétien, dont le pape Paul VI lui-même disait : « Le Missel romain, promulgué en 1570 par Notre prédécesseur saint Pie V, sur l’ordre du Concile de Trente, a été reçu par tous comme l’un des fruits nombreux et admirables que ce saint Concile a répandus dans l’Eglise du Christ tout entière. Durant quatre siècles, en effet, non seulement il a fourni aux prêtres du rite latin la norme de la célébration du sacrifice eucharistique, mais encore les saints prédicateurs de l’Evangile l’ont répandu dans presque tout l’univers. De plus, d’innombrables saints ont abondamment nourri leur piété envers Dieu par ses lectures des Saintes Ecritures ou par ses prières, dont l’ordonnance générale remontait pour l’essentiel à saint Grégoire le Grand. »

Cette surenchère ne s’arrêtera donc jamais ? Oui, face au drame que connaît l’Eglise de France qui dans dix ans aura vu disparaître 80% de son clergé, face au dynamisme des communautés traditionnelles qui dans l’Eglise apportent chaque jour leur part à l’évangélisation de notre société, cette querelle byzantine sur le calendrier nous semble bien mesquine. Est-ce cela l’enjeu aujourd’hui ? Est-ce que vraiment les problèmes de l’Eglise, du lamentable état des célébrations liturgiques et de l’exclusion de fidèles qu’on pousse à l’abandon de la foi, valent qu’on impose ce nouveau « dogme » du calendrier de 1969 qui est tout d’un coup devenu la seule chose vitale… alors qu’il n’est pas si parfait que cela ? Personne ne prétend qu’il n’est pas souhaitable d’avoir le même calendrier… nous regrettons toutes ces belles fêtes qui se célèbrent dans les communautés traditionnelles et dont ont été privés les fidèles de la nouvelle liturgie. C’est dommage, mais est-ce LE problème ?

Demain que nous demandera-t-on ? D’abandonner le latin ? Les génuflexions ? La communion sur les lèvres ? L’orientation de la célébration ? Et après-demain, le texte du credo qui est trafiqué dans de nombreuses célébrations ? Au motif que c’est ce qui se fait dans les paroisses et que nous devons faire comme les autres, au nom de l’unité ?

Nous dira-t-on : "Je pense que la communion progressera plus largement encore si l’on veut bien renoncer aux anathèmes et aux surenchères. Un signe de ce progrès serait sans doute que tous puissent célébrer l’Eucharistie dans la même langue vernaculaire, sans se tourner le dos mais en se faisant face, sur la même simple et austère table, et avec les mêmes gestes pour la communion, debout et dans la main. Comme l’unité progresserait si nous chantions tous chaque dimanche les mêmes chants niais, si nous célébrions ensemble avec les mêmes prières fabriquées de toutes pièces et si nous fêtions ensemble les mêmes évènements profanes que l’actualité nous propose !" ?

Quelle est donc cette unité d’un genre nouveau qu’on brandit comme un étendard, qui serait le rouleau compresseur uniformisateur des traditions de l’Eglise, alors que la réalité est qu’en France il existe quasiment autant de célébrations différentes que de paroisses ? A quelle unité nous demande-t-on de nous raccrocher ? Nous ne la voyons pas ! N’est-ce pas Mgr Bernard Lagoutte, secrétaire général de la Conférence des évêques de France, qui écrivait le 12 mai 2000 : « S’il est vrai, par exemple, que peu d’assemblées sont désormais à même de célébrer la messe en latin et chant grégorien, il y a tout de même quelques églises où l’Ordo de Paul VI est observé avec rigueur » !! Quel modèle devrions-nous suivre ? Il n’y en a plus !

Pour notre part, nous condamnons cette hypocrisie qui sous couvert d'unité, cache une nouvelle tentative de faire échouer la réussite pratique de la réconciliation souhaitée par Benoît XVI.

Nous souhaitons être respectés et traités dignement. C'est pourquoi nous sommes déterminés à ne pas nous laisser manipuler. Nous condamnons cette attitude et disons très clairement que nous n'accepterons pas que quiconque mente aux fidèles et au Saint-Père et tente d'imposer des conditions mesquines dans le but de faire échouer la paix. Nous nous y opposerons avec la dernière énergie.
Sylvie Mimpontel