23 mars 2007

Le Motu proprio sur la messe en latin bientôt disponible
23 mars 2007 - Christian Terras, Romano Libero - Golias - golias.ouvaton.org
Le Motu proprio sur la messe en latin bientôt disponible


A vos missels St Pie V !


Nos informations concernant la publication imminente du motu proprio qui permettrait un usage beaucoup plus large du rite pré-conciliaire nous donnent à penser qu’elle pourrait avoir lieu avant Pâques.


Le document sera en effet publié avant la fin du carême : en tout cas, le Pape Benoît y serait résolu. Mgr Malcolm Ranjith, le secrétaire de la Congrégation pour le culte divin a toujours bien spécifié que le document se trouvait à présent entre les mains du Pape lui-même qui choisira le moment le plus opportun. Rome redoute certainement une levée de boucliers, se faisant d’ailleurs peut-être des illusions sur la détermination réelle de ceux qui y sont opposés.

Le « motu proprio » ne consisterait pas en une remise en cause de la réforme de Paul VI mais en une reconnaissance du droit pour tout prêtre de célébrer en privé la messe tridentine. En outre, le texte octroierait à des groupes de fidèles le véritable droit de voir célébrer une messe selon son rite : ce qui contraindrait en quelque sorte les évêques rétifs. On sait qu’il y eut longtemps un bras de fer à Nanterre entre Mgr François Favreau puis Mgr Gérard Daucourt et un groupuscule de traditionalistes peu nombreux mais déterminés qui obtinrent finalement gain de cause. Un vicaire épiscopal spécial leur a même été donné, le Père Yvon Aybram. Actuellement, un tel bras-de-fer se poursuit entre le groupe traditionaliste rémois et Mgr Thierry Jordan, archevêque. Ce dernier a été un temps secrétaire du cardinal Villot à Rome et partage avec son ancien maître spirituel à Rome une aversion viscérale pour le lefebvrisme. Il était en outre chargé par l’épiscopat français de « recycler » sans trop de bienveillance les jeunes ecclésiastiques sortis d’Ecône.

Ce « motu proprio » changerait complètement la donne : il transformerait une concession (ce que l’évêque de Metz, Mgr Pierre Raffin, appelait une « parenthèse miséricordieuse » en un véritable droit). Au plan ecclésiologique, ce « motu proprio » devrait susciter de très vives critiques. En effet, il réduit la responsabilité de l’évêque, garant de la communion authentique pour une Eglise particulière.

Il est assez probable que ce « motu proprio « favorise ainsi le développement des communautés ayant recours désormais à l’indult. En outre, la commission « Ecclesia Dei » verrait ses pouvoirs grandir. Dès lors que dans un diocèse un groupe ne trouve pas de prêtre disposé à célébrer la messe à sa demande, elle pourrait imposer une solution et sans doute envoyer un prêtre de son choix. A terme, l’idée caressée par Mgr Perl serait celle de la création d’ un ordinariat pouvant incardiner des prêtres ce qui permettrait aussi d’accueillir des ecclésiastiques gyrovagues. Pour l’anecdote, Mgr Perl pourrait ainsi coiffer la mitre et devenir une sorte d’évêque universel des traditionalistes.

Un autre « monsignore » dont le nom revient également pour ce ministère épiscopal éventuel auprès des traditionalistes, Rudolf Michael Schmitz, du diocèse de Cologne et de l’Institut du Christ Roi Souverain (créé par Mgr Gilles Wach) a laissé également entendre qu’une solution très avantageuse pour les traditionalistes serait bientôt trouvée. Dans un entretien accordé à la revue « Enjoy », Schmitz affirme que ce document devrait permettre à tout prêtre de célébrer en public selon le rite tridentin (et donc non seulement en privé).

Ce « motu proprio » aurait dû paraître dès la fin janvier. Ce sont les oppositions d’un certain nombres de prélats qui ont incité Benoît XVI à prendre patience. Parmi les opposants à ce « motu proprio » on cite en particulier les cardinaux Karl Lehmann, Jean-Pierre-Ricard (car pressés par ses confrères de l’épiscopat français, lui-même y étant plutôt favorable), Jean-Marie Lustiger, Godfreed Danneels, Giovanni Battista Re pour ne citer que les principaux. L’opposition ou non à ce projet ne recoupe pas toujours les critères habituels de conservatisme. Ainsi, Mgr André Vingt-Trois, l’archevêque de Paris serait-il très hostile au projet même s’il se classe plutôt parmi les conservateurs. D’autres prélats, comme Mgr Angelo Bagnasco, archevêque de Gênes et président de la conférence épiscopale italienne, y sont au contraire acquis.

Réimpression de l’ancien missel en cours…

Un autre indice de la publication très proche désormais de ce texte serait donné par la décision de maisons éditrices italiennes de … réimprimer l’ancien missel selon le rite de Saint Pie V. De manière implicite, lors d’un entretien accordé au mensuel « Inside the Vatican » (de tendance conservatrice et très romaine), l’archevêque Ranjith a reconnu que ce sont les réticences de beaucoup d’évêques qui ont retardé le projet, même si à l’origine ce sont également elles qui à l’avis du Pape rendaient nécessaires un prise de position d’autorité de la part de Rome. Pour Joseph Ratzinger, comme pour le cardinal Alfons Maria Stickler, la messe de Saint Pie V n’ayant jamais été interdite, il n’y a pas besoin de l’autoriser : il s’agit simplement de reconnaître un droit qui existe déjà. En fait, ce « motu proprio » entend d’abord remédier au problème posé par des évêques qui selon Mgr Ranjith exerceraient un abus de pouvoir.

La coexistence de deux étapes du même et unique rite Romain constituerait sans doute une exception. ¿De fait, s’il y a de nombreux rites dans l’Eglise catholique, et s’ils peuvent coexister, il n’existe en général qu’une « étape » de chacun d’eux (même s’il y a des variantes). Ne peuvent ainsi coexister des strates diverses, par exemple un livre liturgique du XVIIIe siècle et un autre du XXe pour le même rite. D’où, l’opposition du courant dit de Solesmes à la coexistence de deux missels qui représentent deux versions du même rite romain, la dernière ayant remplacé celle de Saint Pie V. Cette position est défendue par l’archevêque bénédictin de Toulouse, Mgr Robert LeGall et par Mgr Raffin, déjà cités. A Rome par le cérémoniaire du Pape, Mgr Piero Marini, et par les anciens secrétaires « évincés » de la Congrégation pour la liturgie, Mgr Francesco Pio Tamburrino et Mgr Domenico Sorrentino.

La riposte des défenseurs des deux rites, Mgr Ranjith et même….Joseph Ratzinger s’inspire en particulier d’une thèse du liturgiste Klaus Gamber. Pour ce dernier, en raison de l’importance des changements introduits, il ne s’agit pas d’une nouvelle version du même unique rite romain mais d’un nouveau rire, le « rite moderne » différent du rite traditionnel. Par conséquent, leur cohabitation est tout-à-fait possible, légitime et même souhaitable.

Dans l’optique pourtant de Joseph Ratzinger, qui demeure celle d’une « réforme de la réforme », à long terme, il serait de parvenir à un unique rite romain, sans doute plus proche de l’ancien rite que du nouveau.

Plus réservé et pessimiste que les traditionalistes dits ralliés à Rome, Mgr Bernard Fellay, le Supérieur de la Fraternité Saint Pie X exprime la crainte que le laps de temps ne devienne interminable.

Christian Terras, Romano Libero - Golias - L’édito du 23 mars