4 novembre 2006

Le Vatican en pleine reconquête intégriste
4 novembre 2006 - Eric Jozsef - liberation.fr
Benoît XVI veut mettre un terme à la marginalisation des chrétiens rigoristes. Par Eric JOZSEF - QUOTIDIEN : samedi 4 novembre 2006 - Rome de notre correspondant
La messe est quasiment dite... en latin. Aucune date n'a été fixée, mais le pape Benoît XVI devrait prochainement signer un décret pour faciliter le retour en force de la liturgie tridentine, dite de saint Pie V, qui avait été considérablement limitée à la suite du concile de Vatican II. Selon la presse transalpine, la décision pourrait intervenir avant Noël, comme un cadeau de fêtes pour les traditionalistes héritiers de Mgr Lefebvre, qui n'ont jamais digéré l'abandon de la messe en latin, en 1969, et, plus généralement, la modernisation de l'Eglise catholique. «On ne voit vraiment pas ce qu'il peut y avoir de dangereux ou d'inacceptable» dans la célébration en latin, avait déjà fait savoir, il y a dix ans, dans un livre d'entretiens le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, l'ex-Saint-Office. Elu au trône de saint Pierre en 2005, Benoît XVI n'a pas varié, réintroduisant notamment dans la liturgie vaticane les choeurs grégoriens. A Rome, la perspective de la reprise de messes préconciliaires au côté de cérémonies en italien voire au son des guitares des jeunes paroissiens ne fait pas véritablement débat. Notamment parce qu'il existe peu de traditionalistes en Italie.
Reste que le projet qui intervient quelques semaines seulement après le discours pontifical de Ratisbonne sur l'islam apparaît comme une nouvelle pierre dans le jardin des progressistes, qui prônent un dialogue interreligieux intense, l'oecuménisme et l'application des enseignements de Vatican II. «Benoît XVI est un conservateur au même titre que Jean Paul II, ce n'est pas pour autant un réactionnaire», corrige toutefois un vaticaniste. «Il faut séparer la possibilité de célébrer la messe en latin selon le rite de Pie V et la remise en cause de Vatican II, ajoute Sandro Magister, spécialiste des questions religieuses à l'hebdomadaire de centre gauche L'Espresso. Le pape propose une sorte d'échange aux catholiques schismatiques. Il leur offre la messe en latin, qui correspond à une tradition plus sévère de la liturgie à laquelle il adhère, mais exige en retour qu'ils acceptent les conclusions du concile de Vatican II.»
Depuis le début de son pontificat, Benoît XVI n'a pas dévié de sa route, à savoir l'affirmation des valeurs de l'Eglise catholique face à la diffusion du «relativisme». «Il est urgent de trouver de nouveaux chemins pour aider l'Occident à sortir de la dramatique crise culturelle et d'identité qui est désormais sous les yeux de tous», a-t-il souligné il y a quelques jours, appelant les catholiques à «être une minorité agissante.»
C'est dans ce contexte qu'il entend rallier les traditionalistes et mettre un terme à la marginalisation de chrétiens très pratiquants. Mais aussi souvent proches de l'extrême droite. «Il n'a pas calculé la dimension politique de cette décision dans certains pays comme la France ou la Belgique, s'inquiète-t-on ainsi dans certains cercles au Vatican. C'est une chose de permettre à certains fidèles de Mgr Lefebvre de célébrer la messe en latin avec la bénédiction de l'Eglise, mais que diront-ils dans leurs homélies ?»