15 mai 2006

L'honneur d'un croquemitaine - L’Echo du Parvis
Bertrand Le Noac’h - www.mascaret.presse.fr - avril/mai 2006
Il existe sur Internet une multitude de sites qui offensent le sixième commandement, le site Honneur a choisi pour se singulariser d’offenser tous les autres. Calomnie, mensonge, diffamation, insulte en sont les ingrédients favoris comme au plus beau temps de l’Agit-prop. Si encore ces excès étaient à mettre au compte d’un débordement polémique autour d’une argumentation sérieuse, leurs auteurs, courageusement masqués, pourraient plaider quelques circonstances atténuantes. Mais à observer le fond on est pris d’un rare vertige métaphysique : contempler la quintessence de rien. Comment un catholique peut-il se permettre d’user contre un adversaire de moyens qu’un individu, simplement honnête, se refuserait à employer ?
Ces turpitudes ne mériteraient aucun écho, si elles n’étaient couvertes par l’autorité du supérieur du district de France, qui tout en désavouant les moyens, les justifie en fait par l’objectif poursuivi : défendre l’honneur des prêtres. Comme si l’usage de moyens intrinsèquement mauvais pouvait être justifié par la fin poursuivie ! C’est faire trop d’honneur à Machiavel, dont le modèle fut César Borgia qui fit périr par le fer, la corde ou le poison tous les seigneurs qui gouvernaient le pays pour se tailler le duché de Romagne.
L’ambition de servir, l’Eglise, sa patrie, sa famille, où nous plaçons l’honneur est toute différente de cette rage d’avilir, d’abaisser, de salir pour asseoir sa sacro-sainte « Autorité ». Agir ainsi, c’est précisément confondre la gloire du monde avec l’honneur.
Cet épisode détestable caractérise la mauvaise passe que traverse le traditionalisme. La haine vigilante d’une poignée d’intégroïdes, plus ou moins emprunts de sédévacantisme, absolument courts de théologie sérieuse, réduisant l’Evangile à une simple idéologie, empoisonne depuis trop longtemps la mouvance traditionaliste, le tout sous couvert d’amour de la « véritable » Eglise. Ce venin puise sa source dans les erreurs mêmes qu’il prétend combattre, oubliant que l’erreur contraire n’est pas la vérité, mais une erreur. Il se répand insidieusement, parmi les laïcs et même les clercs, passablement fragilisés par la persécution subie de la main qui aurait du les protéger, leur faisant perdre le sens de la romanité. Les premiers chrétiens se faisaient une gloire d’être les plus fidèles sujets de l’empereur, il est facile de mesurer l’héroïcité d’une telle attitude. Alors que notre situation est infiniment plus confortable, qui d’entre nous revendiquerait d’être les plus fidèles sujets du Pape. L’habitude a été prise de prendre systématiquement en mauvaise part ce qui vient de Rome, au point de vouer une détestation de principe à la Rome réelle, pour ne s’attacher qu’à une Rome abstraite, idéalement rêvée, qui risque de n’être qu’une pure chimère. Et cette détestation n’est pas réservée aux seules autorités romaines, toutes ces factions s’anathémisent et s’invectivent à qui mieux mieux, cherchant au détour d’un mot, une intention perverse fruit de leur imagination enfiévrée.
On mesure l’erreur fondamentale des « autorités » qui ont choisi d’instrumentaliser ces factions pour mieux abattre les personnalités qui leur faisaient de l’ombre. Aujourd’hui la crainte qu’ils font régner, paralyse complètement la hiérarchie, qui n’ose plus entreprendre l’ingrat travail qui consiste à renouer un à un les fils avec le siège pétrinien. Remettre les choses le plus tard possible, attendre que tout rentre dans l’ordre pour enfin daigner collaborer sans l’ombre d’un soupçon d’une quelconque compromission, c’est oublier que la FSSPX est un élément indispensable dans la remise en ordre de l’Eglise et qu’il faudra qu’un jour ses responsables mettent les mains dans le cambouis. La recherche du bien de l’Eglise doit passer avant toute considération de l’image de soi-même.