17 février 2009





Mais que veut le pape?
17 Février 2009 - Olivier Jay - lejdd.fr
Le pape ira donc en Israël, sans doute en mai, malgré la violente polémique sur l'éventuelle réintégration dans l'Eglise d'un évêque négationniste. Mais que se serait-il passé si Benoît XVI avait levé l'excommunication des quatre évêques intégristes sans les propos ahurissants - inadmissibles - de l'un d'entre eux? Si l'évêque Williamson n'avait donné cette interview télévisée en pleines négociations - manifestement pour les faire échouer -, chacun aurait pu chercher à comprendre l'attitude du pape, devenue une interrogation pour les fidèles de bonne volonté. La démarche de Benoît XVI s'explique par son obsession de faire l'unité de l'Eglise. C'est la mission première, essentielle,de tout pape. Le reste de son action en découle.

Mais là, Benoît XVI veut rattraper un échec... du cardinal Ratzinger, il y a vingt ans. En 1988. Joseph Ratzinger, alors cardinal de Jean-Paul II, menait les discussions pour faire rentrer dans l'Eglise monseigneur Lefebvre. Ancien archevêque de Dakar puis évêque de Tulle, celui-ci refusait d'accepter les enseignements du concile Vatican II (1962-1965): au-delà de la messe en latin, un non à une conception ouverte de la liberté religieuse, de l'oecuménisme et du dialogue interreligieux. L'ultime tentative de réconciliation de 1988 s'achèvera par une rupture définitive qui entraînera l'ordination d'évêques et leur excommunication par Rome.

L'excommunication est l'interdiction faite à un fidèle d'accéder à l'Eglise et à ses sacrements. C'est la sanction la plus grave (rien à voir avec les divorcés remariés qui simplement ne peuvent communier). Elle ne peut être levée que par l'autorité qui l'a prononcée. La dissidence était alors devenue un schisme: l'éventualité d'une deuxième Eglise. Car, en théologie catholique, tout évêque, même excommunié, demeure successeur des apôtres: il peut ordonner des évêques qui, malgré cette excommunication, restent des évêques catholiques. Il y a des précédents dans l'histoire. Ainsi, après le refus du Premier concile du Vatican (1870), ceux que l'on appelle les "vieux catholiques" sont aux yeux de l'Eglise des évêques. Et les évêques anglicans peuvent se considérer comme des évêques catholiques. D'où l'obsession du pape. Il sait qu'à bientôt 82 ans, le temps lui est compté pour ramener au bercail ces évêques. D'autant plus que, dans le même temps, il a accéléré le rapprochement avec l'orthodoxie pour les mêmes motifs de recherche de l'unité, malgré les enjeux politiques russes.

Sans les propos scandaleux de l'évêque Williamson, on aurait pu chercher à comprendre un processus de réconciliation. Il vise à réintégrer dans l'Eglise des irréductibles prêts à une ouverture jamais vue depuis quarante ans. Les communautés juives n'auraient pas eu à demander au pape de réaffirmer la réconciliation judéo-chrétienne, une démarche approfondie par Jean-Paul II sous l'influence de deux proches cardinaux: Jean-Marie Lustiger, alors archevêque de Paris, et... Joseph Ratzinger, alors chargé de la Doctrine de la foi.