15 décembre 2006

Prophètes
Novembre/décembre 2006 - Le Mascaret - Abbé Roch Perrel
Durant le temps de l'avent qui nous rappelle la longue attente du Messie, la liturgie met à l'honneur deux prophètes importants : Isaïe et saint Jean-Baptiste. Un prophète n'est pas seulement quelqu'un qui annonce l'avenir, c'est le sens qu'on lui donne habituellement, il n'est pas faux, les prophètes ont annoncé par avance le temps où devait naître le Messie, qu'il devait naître d'une vierge etc... Mais surtout, le prophète est un envoyé de Dieu pour guider son peuple, pour le reprendre. Dans la Nouvelle Alliance, il n'y en a plus besoin puisque Jésus-Christ a fondé une Église et qu'il a envoyé ses disciples enseigner toutes les nations. C'est aux successeurs des apôtres qu'il revient de prêcher et de reprendre le peuple ; mais dans l'Ancienne Alliance, il n'en était pas ainsi, il y avait bien un clergé pour offrir les sacrifices au Temple mais pour transmettre la révélation, la parole de Dieu, Yahvé passait par le truchement des prophètes.
Une autre raison de la disparition des prophètes est que la Révélation est close depuis la mort du dernier apôtre, il n'y a plus rien à ajouter, Dieu ne va pas nous révéler des nouveautés.
Enfin, et c'est la raison la plus profonde, c'est que Jésus-Christ est apparu, revêtu de la dignité de prêtre, prophète et roi, il est le prophète par excellence, tout est récapitulé en lui.
Le prophète est envoyé par Dieu, il est saisi par lui. La vocation du prophète Isaïe est célèbre : l'année de la mort du roi Ozias, il voit la gloire de Dieu et des séraphins autour du trône qui chantent le Dieu trois fois saint. À ce chant, Isaïe répond qu'il a les lèvres impures et un séraphins prend une braise et l'applique sur la bouche d'Isaïe :
« Maintenant que ceci a touché tes lèvres, ton péché est enlevé, ta faute est effacée » (Is 67). Il est remarquable que la liturgie mentionne cette purification d’Isaïe avant de prêcher la parole de Dieu quand le prêtre, avant de chanter l’évangile, récite le Munda Cor : « Purifiez mon cœur et mes lèvres, Dieu tout-puissant qui avez purifié les lèvres du prophète Isaïe avec un charbon ardent. »
Il y a un parallèle avec saint Jean-Baptiste, Isaïe avait précisé le temps de sa vocation (l'année de la mort du roi Ozias), saint Luc aussi se plaît à situer dans le temps le ministère du Baptiste. Ensuite, comme pour Isaïe, « la parole du Seigneur se fit entendre à Jean » (Lc 32), il semble que saint Jean-Baptiste ne puisse pas échapper à la parole de Dieu, elle le prend avec une telle force qu'il ne peut pas lui résister.
La comparaison entre Isaïe et saint Jean-Baptiste se poursuit en ce que tous les deux ont été purifiés, Isaïe par un charbon ardent, saint Jean-Baptiste par le désert. Il s'était retiré au désert, « vêtu de poils de chameau et d'un pagne de peau autour des reins, et il mangeait des sauterelles et du miel sauvage » (Mc 16). Par sa pénitence, par ses mortifications, il pût se préparer à sa mission qui était de disposer son peuple à accueillir le Messie. « Et sortait vers lui tout le pays de Judée, ainsi que tous les habitants de Jérusalem, et ils étaient baptisés par lui dans le fleuve du Jourdain, en avouant leurs péchés. » (Mc 15) A partir du moment où, Dieu ne parlait à son peuple que par les prophètes, on comprend que l’apparition d’un prophète suscitât un tel enthousiasme après quatre siècles sans prophètes ! Et quel prophète, puisque c’est celui dont Jésus dira : « parmi les enfants des femmes, il n’en est point paru de plus grand que Jean-Baptiste » (Mt 11). C’est aussi celui dont Hérode, apprenant les miracles de Jésus, pensera qu’ils sont l’œuvre de Jean-Baptiste ressuscité.
En se retirant au désert, saint Jean-Baptiste exécute ce qu’avait prédit Isaïe : « Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers. » (Is 403) ; au sens premier, la prophétie s’adressait aux Juifs déportés à Babylone qui espéraient revenir dans la Terre Promise, il fallait donc préparer la route du retour. Mais au sens spirituel, saint Jean Chrysostome commente ainsi : « Il annonce l’exaltation des humbles et l’abaissement des superbes, les aspérités de la loi faisant place aux merveilleuses facilités de la foi. Plus de sueurs ni de travaux pénibles, semble-t-il dire, mais la grâce et le pardon des péchés, qui nous rendront le salut si facile. (…) Les sentiers tortueux et raboteux représentent ici toute existence dépravée, les publicains et les fornicateurs, les larrons et les mages ; car, après avoir marché dans les chemins de l’iniquité, ils entreront dans la voie droite. »
Abbé Roch Perrel