12 octobre 2006

A quand le vrai dialogue ?
La Lettre de Paix liturgique - n°56 – 12 octobre 2006
A quand le vrai dialogue ?
A quand la vraie paix ?
À quand l’application des largesses promises depuis si longtemps ?
Que devons-nous espérer de la prochaine réunion de la conférence épiscopale de France ?
Des décisions récentes de notre pape benoît XVI semblent étonner certains milieux cléricaux… où l’on fait mine de découvrir seulement maintenant, en 2006 ( !), l’existence d’une forte demande de nombreux fidèles en faveur de la liturgie traditionnelle de l’Eglise.
Cette « surprise », cette « découverte », pourrait être touchante si elle ne tentait pas de masquer – bien maladroitement du reste – la politique d’apartheid liturgique menée dans l’écrasante majorité des diocèses de France depuis trente ans et d’ailleurs encore en vigueur à ce jour.
Nous remercions le magazine « La nef » de nous avoir autorisé à reproduire le billet d’humeur que Loic Mérian président du Centre International des Etudes Liturgiques vient de publier à l’occasion de cette actualité. Ce billet, bien senti, résume parfaitement la situation actuelle.
Voici le texte :
La fondation de l’Institut du Bon Pasteur m’inspire quelques exclamations toutes personnelles que je souhaite modestement partager avec les lecteurs de la Nef.
Enfin ! Un Pasteur, oui un vrai, qui se soucie de ses brebis. Quand on lit les différentes interventions du cardinal Ricard on se dit que c’est une des premières fois qu’un évêque français applique aux traditionalistes aussi clairement et publiquement le précepte évangélique de la parabole du Bon Pasteur. Bien sûr d’autres avant ont fait preuve de « charité » mais là l’annonce est publique et clairement assumée, comme cela aurait dû être le cas en 1988 et même depuis 1975. Mgr Ricard souhaite avant tout la réconciliation, sait qu’elle sera difficile mais affirme qu’elle est nécessaire. Il met en avant ce qui unit et non ce qui divise. Il ne se cache pas derrière son presbyterium, le paravent habituellement utilisé pour justifier les refus, mais assume personnellement sa charge d’évêque. S’il ne l’avait déjà on lui dirait « chapeau Eminence ! »
Bravo ! Et bonne route à ces membres courageux de l’Institut du Bon Pasteur. Qu’on ne croie pas qu’ils ont choisi la solution de facilité au contraire. C’est le ghetto qui est confortable alors que la réconciliation exige des efforts. Oui Bravo pour ce que cette fondation occasionne pour le rayonnement de la liturgie traditionnelle.
Bien fait ! Qu’on me pardonne cet excès, mais quand on voit les réactions négatives, voire haineuses de certaines « autorités morales» , de prêtres, ou de media soit disant catholiques à l’égard de ce geste de Rome, on se dit qu’ils ont bien mérité leur déception. Depuis 30 ans ils font tout leur possible pour marginaliser et stigmatiser les prêtres et les fidèles qui ne demandent qu’à vivre de la foi de l’Eglise au rythme de la doctrine et de la liturgie traditionnelles ; et sous ce prétexte ce sont des pans entiers de la foi catholique qui ont été mis de côté, dénigrés, considérés comme dépassés … c’était des « idées de tradis » ! Ils sont donc la cause directe des privilèges importants accordés à cet Institut. Si depuis 30 ans on avait admis que les fidèles de la messe et du catéchisme traditionnels étaient pleinement catholiques, si on avait admis que leur foi est la foi de l’Eglise, Rome n’aurait pas été contrainte d’agir avec une telle fermeté. Et c’est loin d’être terminé. Même officiellement marginalisé depuis 30 ans le mouvement traditionnel est déjà éminemment missionnaire et source de nombreuses vocations religieuses et sacerdotales, mais qu’est-ce que ce sera quand demain Rome va permettre encore plus largement et librement la célébration de la liturgie traditionnelle et avec elle la prédication de vérités de la foi un peu oubliées ! On nous dira que cette manière de faire ne respecte pas la hiérarchie des églises locales ? C’est sans doute vrai mais quand localement on célèbrera la liturgie comme Rome le demande et on enseignera le catéchisme fidèlement au Catéchisme de l’Eglise Catholique on pourra reparler de normalité.
Dommage ! Pour les communautés qui depuis près de 20 ans ont choisi de ne pas rompre avec Rome et qui subissent avec difficulté une politique d’apartheid en France. On annonce un séminaire pour le Bon Pasteur, tant mieux, mais pourquoi la Fraternité St Pierre et ses 300 membres se voit-elle interdire l’ouverture de la moindre maison de formation sacerdotale ? Le droit pontifical a été accordé avec force par le cardinal Hoyos au nouvel Institut et ses 5 membres mais pourquoi l’Institut du Christ Roi et ses 100 membres n’a jamais pu être reçu par le même cardinal et se trouve cantonné à un statut diocésain malgré la demande expresse du cardinal archevêque de Florence favorable au droit pontifical ? Pour bénéficier d’un tel statut généreux faut-il occuper des églises ? Les catholiques « Ecclesia Dei » resteront-ils des catholiques de « seconde zone » ? Il serait souhaitable que les autorités romaines « fixées » sur l’horizon de la Fraternité St pie X ne les oublie pas.
Loic Merian
Président du Centre International des Etudes Liturgiques
Les réactions de Paix liturgique :
Comment comprendre qu’aujourd’hui encore, dans plus de 30 diocèses français, il ne soit toujours pas permis, malgré les demandes répétées des fidèles, de célébrer la liturgie traditionnelle ? Pourquoi dans ces diocèses, l’autorité ecclésiastique continue-t-elle de traiter les familles attachées à cette antique liturgie moins bien que des pestiférés ? Comment ne pas penser à l’intolérance inouïe qui sévit à Langres, à Reims où à Metz ? Nos évêques attendent-ils de s’y voir contraints par une décision pontificale alors qu’il serait si facile de dialoguer dans la charité avec les fidèles de ces diocèses…
Comment comprendre également que dans plus de 15 diocèses de France où la messe traditionnelle est « autorisée » – on devrait plutôt dire « à peine tolérée » – ce qui a été accordé aux fidèles attachés à la liturgie traditionnelle est tout simplement indigne et irrespectueux ? Ainsi que penser par exemple de la célébration de la messe par quinzaine quand on sait d’avance que cela interdit aux familles de vivre décemment leur foi catholique en union avec Rome au rythme de la liturgie traditionnelle dans le respect de leurs convictions ? Oui, qu’en penser quand on sait d’avance que ce rythme irrégulier décourage de nombreuses familles qui du coup ne viennent pas et permet à certains manipulateurs d’affirmer ensuite que ces expériences ne sont pas concluantes… et doivent cesser (comme à Beauvais par exemple, alors que ce qui est proposé implique dès son principe que la grande majorité des fidèles refusent de s’associer à ce qu’ils considèrent comme une parodie de largesse…)
Comment comprendre dans l’amour et la charité les refus opiniâtres d’étendre aux familles le privilège d’user à leur profit de la totalité des livres liturgiques traditionnels et particulièrement de leur octroyer les baptêmes selon l’ancien rituel ? Cela entraîne une situation ubuesque et hypocrite puisque ce qui est refusé ici est de toute façon autorisé et célébré ailleurs. Ainsi par exemple, les fidèles du diocèse de Nanterre qui vont à la messe à Sainte-Marie-des-Fontenelles sont-ils contraints d’aller faire baptiser dans les diocèses voisins (Paris et Versailles), plus accueillants sur cette question… Alors oui, les parents chrétiens, exclus de leurs propres diocèses vont trouver ailleurs ce dont ils ont besoin pour leurs enfants, si nécessaire, dans les prieurés de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X. Que dire de toutes ces humiliations à l’égard des fidèles et des prêtres attachés à la liturgie traditionnelle ?
Comment comprendre par exemple que l’été dernier, Monseigneur Pican, évêque de Bayeux-Lisieux interdisait à un prêtre Ecclesia Dei de célébrer la messe de mariage de son propre frère ( !).
Comment comprendre que malgré des dernières volontés écrites, on refuse souvent la célébration d’enterrements de prêtres ou de laïcs, dans la liturgie traditionnelle (comme par exemple à Langres, à L’Aigle ou à Troyes) ?
Que dire du traitement réservé pendant le dernier pèlerinage national de Lourdes aux fidèles et aux prêtres attachés à la liturgie traditionnelle ? Certes la messe selon le missel de 1962 était bien célébrée chaque jour mais tout était fait pour que dans les faits, cette célébration soit un échec et qu’on puisse dire « cela n’intéresse personne » : changements d’église quotidiens et toujours de dernières minutes, célébrations à… 6 heures du matin ( !).
Ces attitudes sont-elles dignes ? Mais qu’on nous dise enfin quel est le problème !
Car ne nous trompons pas, nous qui sommes attachés à Rome ne comprenons pas le caractère d’alliance objective qui est celui de trop nombreux prélats avec les courants les plus durs de la Fraternité Saint Pie X. A ceux qui pensent que nous exagérons, nous rappellerons simplement que Saint-Nicolas du Chardonnet à Paris n’existe que parce que les évêques de Paris n’ont jamais octroyé, malgré une énorme demande, pour les catholiques parisiens attachés à Rome et à la liturgie traditionnelle, une ou plusieurs vraies églises dignes de ce nom, avec une vraie vie de paroisse… Par ailleurs, comme s'il fallait encore en rajouter, certains curés vont jusqu'à jouer à la « guéguerre » digne de Clochemerle avec les pauvres fidèles comme à Saint-Eugène-Sainte-Cécile (9ème arrondissement de Paris) avec le seul souci de provoquer des durcissements et des colères : bel exemple du dialogue de la charité prôné par Paul VI à propos des réconciliations nécessaires…
Toujours pour ceux qui pensent que nous exagérons, comment comprendre l’attitude incompréhensible de monseigneur Thierry Jordan, évêque de Reims, qui contre toute charité, refuse avec obstination, non seulement les demandes de ses fidèles attachés à la liturgie traditionnelle, mais aussi tout dialogue avec eux… Serait-ce pour ne pas avoir à revenir sur ces propos incroyables, autant archaïques que sectaires, prononcés lors d’une récente réunion de l’assemblée des évêques (Nous y reviendrons dans une de nos prochaines lettres) ?
Cette politique incompréhensible et obscurantiste est d’autant plus inimaginable qu’elle ne tient pas compte de la réalité et de l’attrait des jeunes pour cette vénérable liturgie. Comment alors s’étonner qu’en cette rentrée 2006/2007 alors que les séminaires diocésains français accueillent seulement 102 nouveaux séminaristes, les séminaires traditionnels – c’est-à-dire dans lesquels la messe traditionnelle est célébrée chaque jour et dans lesquels les candidats au sacerdoce se destinent à célébrer selon cette forme – accueillent dans leurs maisons plus de 45 jeunes français soit plus de 30 % du total des vocations sacerdotales françaises…
Qui osera dire ensuite que la famille traditionnelle ne représente rien … ou très peu ?
Qui osera également affirmer que les vocations accueillies dans les séminaires traditionnels ne seraient pas d’une excellente qualité alors qu’aujourd’hui des dizaines de prêtres diocésains en poste dans les paroisses actuelles sont issus de ces mêmes séminaires… et que ce phénomène s'accentue toujours plus actuellement.
Alors armons-nous tous de courage et entamons une vraie paix
Une paix qui aboutira à une authentique réconciliation
Entre nous
Entre frères
Entre les fidèles et leurs évêques
Pour que tous ensemble nous puissions, enfin réunis, mettre en œuvre l’indispensable nouvelle évangélisation de notre pays en voie de paganisation.
Voilà ce que nous demandons à nos évêques qui vont bientôt se réunir à Lourdes.
Voilà pourquoi nous les implorons de faire cesser les querelles et d’instaurer sans plus attendre ni tergiverser, enfin l’amour et la charité entre les différentes sensibilités du catholicisme français.
Nous ne sommes pas des problèmes à régler ou à éradiquer ! Le temps des manœuvres n’a que trop duré. Nous voulons êtres traités comme tous nos frères chrétiens et plus comme des chrétiens de seconde catégorie.
C’est au prix ces courageuses concessions que le règlement des querelles liturgiques franco-françaises pourra se faire chez nous et que nous ne verrons pas imposer d’en haut des actes d’autorités
Sylvie Mimponte
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Le calendrier liturgique, ultime provocation des adversaires de la paix ?
► Depuis quelques semaines, on entend dire que le pape Benoît XVI serait sur le point de prendre des mesures d’apaisement pour répondre aux aspirations des très nombreux fidèles attachés à la liturgie traditionnelle. Les "fuites" vaticanes et les nombreux articles parus dans la presse décrivent des mesures qui devraient satisfaire le plus grand nombre. Deo Gratias ! On s'acheminerait donc enfin vers la paix des cœurs et le développement de véritables liens de charité. Voilà un beau motif de réjouissance car n’est-ce pas là ce que chacun doit souhaiter, en particulier les chrétiens et au premier plan d’entre eux, les pasteurs du troupeau, nos évêques ?

Pourtant, contre toute raison et avant même que le texte du Saint-Père n'ait été publié, on assiste à une levée de boucliers agitatrice et autoproclamée représentative de certains clercs aigris.

Plus incroyable encore, des "propositions" qui vont à l’opposé du souhait de paix du pape se profilent ci et là.

En effet, dans certains diocèses, l'autorité ne craint pas de décréter qu'elle conditionnera la célébration de la messe traditionnelle à certaines "exigences pastorales"... Une de ces conditions sera d'imposer aux fidèles d’assister en alternance un dimanche sur deux à la nouvelle liturgie, comme s'ils ne la connaissaient pas, une autre sera d'exiger que ces célébrations traditionnelles adoptent le nouveau calendrier.

De telles provocations devraient faire sourire si elles ne masquaient pas l'opposition farouche de certains ecclésiastiques prêts à tout pour faire échouer dans la pratique la politique pleine d'amour du Saint-Père.

Certains osent même couvrir cette dernière innovation de l’onction du pape lui-même en affirmant que, dans une conférence donnée à Fontgombault en 2001, celui qui était alors le cardinal Ratzinger, se serait lui-même fait l’avocat d’une telle solution.

Afin de rétablir la vérité, nous avons voulu disposer d’un avis autorisé.

C’est pourquoi nous reproduisons ici un entretien exclusif que nous a accordé un prêtre français, ancien collaborateur du CNPL (Centre national de la pastorale Liturgique) qui a souhaité conserver l’anonymat.

Qu’est-ce que le « calendrier traditionnel » et le « nouveau Calendrier » ?
Le calendrier dit « traditionnel » est celui associé au missel dit « de Saint Pie V » ou « tridentin » dont la dernière édition typique date de 1962, d’où le nom de liturgie de 1962 que certains lui donnent. Le nouveau calendrier est celui qui a été promulgué en 1970 par le pape Paul VI conjointement au missel qui instaurait la messe nouvelle.
Pourquoi peut-on être attaché au calendrier traditionnel ?
Pour de multiples raisons dont je ne retiens ici que les deux principales :
La première est que ce calendrier « Traditionnel » est en parfaite symbiose avec le livre liturgique « traditionnel » lui-même.
La seconde est une évidence que beaucoup de fidèles ont constatée dès 1970 : Le calendrier liturgique traditionnel est plus riche que le nouveau calendrier. Notons par exemple que le beaucoup plus petit nombre de fêtes de saints (environ 177 pour le Missel de 1970, contre 277 environ pour celui de 1962) avait été beaucoup critiqué lors de la publication du nouveau calendrier. Certes, plusieurs fêtes qui ne se trouvent plus dans le calendrier romain général de 1970 n’ont pas pour autant été supprimées. Elles ont bien souvent été transférées dans les calendriers nationaux, diocésains, ou ceux des ordres religieux, mais il n’en reste pas moins vrai que nous avons connu avec cette réforme un grand appauvrissement du calendrier en général. Sans entrer dans des détails trop techniques, il faut savoir que le grand débat autour du calendrier avait été mis en chantier… et résolu par le pape saint Pie X au début du XXe siècle. La crainte à l’époque était de voir peu à peu le sanctoral (la commémoration des saints) prendre le pas sur le temporal (c’est-à-dire sur le rythme de l’année liturgique) or en « nettoyant » dès cette époque le calendrier et en donnant la priorité liturgique aux dimanches, la crainte principale des liturgistes était envolée et il n’était plus indispensable de modifier une fois encore le calendrier. Ce serait donc plutôt à un enrichissement du nouveau calendrier auquel il faudrait s’attacher, et déjà ce chantier est en route puisque la dernière édition typique du missel romain a rétabli les fêtes du Saint Nom de Jésus et du Saint Nom de Marie, supprimées en 1970. Mais il faudra attendre longtemps avant de rétablir un équilibre, c’est pourquoi les raisons sont abondantes de continuer à être attaché au calendrier traditionnel.
Mais l’on parle souvent du nouveau lectionnaire qui est plus riche que le précèdent ?
C’est vrai, le nouveau lectionnaire est plus fourni avec ses trois lectures et son cycle triennal… mais nous ne sommes plus dans les temps anciens où les fidèles n’avaient pas d’autre accès à de tels trésors ! Aujourd’hui, les fidèles peuvent vivre de l’écriture en dehors de la célébration eucharistique, et disposent d’outils pour cela comme l’excellent petit Magnificat
Par ailleurs, que pèse cette profusion de textes lorsque les études officielles nous indiquent que la plupart des « pratiquants » français ne vont à la messe qu’une fois par mois ? Sans compter que les textes de l’Ancien Testament apparaissent souvent comme complexes et nécessitent une explication détaillée pour être bien reçus. Un autre point est à noter, l’ancien lectionnaire a plus de 100 ans d’existence et le respecter c’est rester en lien étroit avec tous ceux qui l’on utilisé depuis des siècles, pensons aux sermons de saint Bernard ou à ceux de saint Antoine de padoue publiés récemment… ce sont les textes du lectionnaire traditionnel qu’ils commentent alors comment se couper d’une telle richesse ? J’ajouterai encore qu’il faut tenir en haute estime les vertus pédagogiques de la répétition. Il est vrai que l’ancien lectionnaire répète les mêmes textes tous les ans, mais si tous les fidèles assimilaient parfaitement ce noyau de textes de la Parole du Seigneur ce serait déjà extraordinaire. Comme l’a souvent écrit le pape Benoît XVI dans ses livres avant son élection, ce sont des savants qui ont fait la réforme liturgique… avaient-ils véritablement un sens pastoral aiguisé ? La question mérite au moins d'être posée... Pour ma part je suis très attaché à l’ancien lectionnaire qui vise à l’essentiel, c’est pour cela que, sans contester tous les mérites de la nouveauté, je pense qu’il est donc parfaitement légitime de préférer l’ancienne pédagogie.
Que pensez-vous de l’idée de certains qui affirment qu’il faudrait appliquer à la célébration de la messe de saint Pie V le calendrier liturgique du missel de Paul VI ?
Je pense qu’il faut se demander sincèrement et en chrétiens quelle est l’intention véritable qui se cache derrière cette proposition.
Il me semble en effet que celle-ci est quand même assez provocatrice et génératrice de zizanie.
D'abord zizanie chez ceux à qui le Saint-Père propose enfin la paix, car beaucoup ne l’accepteront pas, ou mal, ce qui permettra aux opposants d’affirmer que quoique l’on fasse, les fidèles « tradis » ne seraient jamais contents…
Zizanie aussi de la part des fidèles de la mouvance de la fraternité Saint Pie X qui y verront un nouvel exemple de la mauvaise foi épiscopale et un nouvel obstacle à une réconciliation indispensable.
Ce serait quand même extravagant que des décisions ayant pour objet d’apaiser les choses soient dévoyées et deviennent génératrices de conflits… alors qu’il nous faut enfin la paix !
Ajoutons à cela qu’une telle proposition n’a jamais été dans l’intention du législateur. La lettre Quattuor abhinc annos du 3 octobre 1984 sur lequel s’appuie ensuite le motu proprio Ecclesia Dei de 1988 dit très précisément « Qu’il n’y ait aucun mélange entre les rites et les textes de l’un et l’autre missels. » et le cardinal Mayer, premier président de la commission Ecclesia Dei, écrivait aux évêques américains le 19 avril 1991 : « Considérant la "large et généreuse application" des mesures énoncées dans Quattuor abhinc annos et des principes édictés par les pères du Concile Vatican II (Sacrosanctum consilium 51 et 54), le nouveau lectionnaire en langue vernaculaire pourrait être utilisé afin de présenter "avec plus de richesses la table de la Parole de Dieu" dans les messes célébrées selon le missel de 1962. Cependant, nous pensons que cet usage ne doit pas être imposé aux assemblées qui décideraient de conserver l’ancienne tradition liturgique dans son intégrité comme les y autorise le Motu proprio Ecclesia Dei. »
Il me semble donc impensable de proposer, ou pire d’imposer, aux célébrations en rite tridentin de suivre le nouveau calendrier.
Mais on dit que le pape Benoît XVI, lorsqu’il était encore le cardinal Ratzinger a pourtant été dans ce sens lors des rencontres liturgiques de Fontgombault en juillet 2001 ?
Permettez-moi de vous dire qu’une telle affirmation serait une falsification honteuse des paroles du Saint-Père !
Il suffit de relire les actes de ce colloque pour y constater tout d’abord qu’il considère que l’ancien missel est un « point de référence », « un bien de l’église », un « trésor de l’Eglise » (p 178 des actes) et il insiste clairement sur le fait que si réforme il y a, elle « se réfère naturellement au missel réformé pas au missel précédent » (p 179), tout en n’excluant pas qu’à l’avenir ce missel puisse naturellement évoluer. En ce qui concerne le calendrier, il dit (p 182-183) : « on doit être très prudents avec des éventuels changements » « pour ma part je ne ferai rien dans ce domaine pour le moment, c’est clair. Mais dans l’avenir on devrait penser, me semble-t-il, à enrichir le missel de 1962 en introduisant des saints nouveaux », « Ouvrir le calendrier de l’ancien missel aux nouveaux saints, en faisant un choix bien médité, cela me semble une chose importante qui ne détruirait rien du tissu de la liturgie ». Voilà la pensée du Saint-Père et pas autre chose. Il n’a jamais parlé de quelque manière que ce soit de l’utilisation du nouveau calendrier pour l’ancien missel.
Le fait d’avoir plusieurs calendriers n’est-il pas un problème pour l’Unité ?
Il faut se garder de jugements trop manichéens. Nous n’arrivons déjà pas à célébrer à la même date que certains de nos frères chrétiens la fête de Noël ou de Pâques, cela me semble autrement plus important. Par ailleurs, il faut regarder la réalité en face : les diocèses, les pays, les ordres religieux ont tous un calendrier qui diffère ! Certains ont leurs fêtes propres, d’autres donnent à une même fête un degré différent de solennité. Cette idée d’un calendrier uniforme et universellement imposé n’a aucun sens car cela ne correspond pas à la réalité de la vie de l’Eglise qui est riche de traditions très anciennes qu’on ne devrait toucher qu’avec le plus grand respect. Doit-on demander aux franciscains ou aux dominicains d’abandonner leurs fêtes ? Doit-on les accuser de rompre l’unité ? Cela me semble peu sérieux. C’est tout de même une idée très récente et assez révolutionnaire de considérer que l’on peut modifier selon des schémas intellectuels ces trésors de traditions diverses que l’Eglise nous lègue et que nous devrions conserver comme la prunelle de nos yeux. Il y a là un intellectualisme dévoyé qui ne correspond pas à ce que le Saint-Père actuel reconnaît comme l’Esprit de la Liturgie, et qui pourrait se transformer en une forme d’idéologie contraire à la pensée de l’Eglise.
Comment voyez-vous l’avenir du calendrier traditionnel ?
Il faut suivre le Saint-Père, laisser du temps au temps et appliquer au plus vite généreusement les propositions du Motu proprio de 1988 dans un esprit de paix sans esprit de calcul et sans mesquineries qui ne pourraient que faire ressurgir des passions et des blessures que les décisions du pape, comme celles de son prédécesseur, veulent apaiser. 
Et puis lorsque les esprits seront en paix, il sera temps d’étudier un enrichissement du calendrier traditionnel, pour que, comme cela s’est toujours fait dans l’histoire, l’on puisse y intégrer les nouveaux saints honorés dans l’église, et cela, je crois que nul ne le conteste !

► Les réflexions de paix Liturgique
Cette interview exclusive prend d'autant plus de relief, qu'hier, le 26 octobre 2006, Monseigneur Vingt-Trois, archevêque de Paris, prononçait les paroles ci-après à un colloque universitaire organisé à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’Institut Supérieur de Liturgie : "Je pense que la communion progressera plus largement encore si l’on veut bien renoncer aux anathèmes et aux surenchères. Un signe de ce progrès serait sans doute que tous puissent célébrer l’Eucharistie en suivant le même calendrier liturgique et le même lectionnaire. Comme l’unité progresserait si nous entendions tous chaque dimanche la même Parole de Dieu, si nous célébrions ensemble les mêmes fêtes du Seigneur et si nous fêtions ensemble les mêmes saints !"

De telles paroles nous surprennent et nous peinent. Quel est le but réel d'une telle demande ? Serait-ce donc vraiment l'unité ? Il est étonnant de voir cette volonté soudaine pour l'application du nouveau calendrier liturgique à la messe de Saint Pie V alors que depuis trente ans on a abandonné les fidèles et les prêtres attachés à la messe traditionnelle dans une situation d’exclusion dont les conséquences sont gravissimes. Et quand, en de rares occasions, on leur a accordé quelque chose, c'est par une application restrictive et humiliante des mesures d'apaisement de Jean Paul II.

Plutôt que d’essayer de faire échouer cette mesure bienveillante du Saint-Père, l’urgence n’est-elle pas au contraire de l’accompagner avec bienveillance ? Hier avec la question de la concélébration, aujourd’hui avec celle du calendrier, c’est encore une fois la même méthode : on ne veut pas accepter l’idée de donner une place normale à des fidèles qui n’ont commis d’autres crimes que d’être fidèles à une liturgie et à un esprit chrétien, dont le pape Paul VI lui-même disait : « Le Missel romain, promulgué en 1570 par Notre prédécesseur saint Pie V, sur l’ordre du Concile de Trente, a été reçu par tous comme l’un des fruits nombreux et admirables que ce saint Concile a répandus dans l’Eglise du Christ tout entière. Durant quatre siècles, en effet, non seulement il a fourni aux prêtres du rite latin la norme de la célébration du sacrifice eucharistique, mais encore les saints prédicateurs de l’Evangile l’ont répandu dans presque tout l’univers. De plus, d’innombrables saints ont abondamment nourri leur piété envers Dieu par ses lectures des Saintes Ecritures ou par ses prières, dont l’ordonnance générale remontait pour l’essentiel à saint Grégoire le Grand. »

Cette surenchère ne s’arrêtera donc jamais ? Oui, face au drame que connaît l’Eglise de France qui dans dix ans aura vu disparaître 80% de son clergé, face au dynamisme des communautés traditionnelles qui dans l’Eglise apportent chaque jour leur part à l’évangélisation de notre société, cette querelle byzantine sur le calendrier nous semble bien mesquine. Est-ce cela l’enjeu aujourd’hui ? Est-ce que vraiment les problèmes de l’Eglise, du lamentable état des célébrations liturgiques et de l’exclusion de fidèles qu’on pousse à l’abandon de la foi, valent qu’on impose ce nouveau « dogme » du calendrier de 1969 qui est tout d’un coup devenu la seule chose vitale… alors qu’il n’est pas si parfait que cela ? Personne ne prétend qu’il n’est pas souhaitable d’avoir le même calendrier… nous regrettons toutes ces belles fêtes qui se célèbrent dans les communautés traditionnelles et dont ont été privés les fidèles de la nouvelle liturgie. C’est dommage, mais est-ce LE problème ?

Demain que nous demandera-t-on ? D’abandonner le latin ? Les génuflexions ? La communion sur les lèvres ? L’orientation de la célébration ? Et après-demain, le texte du credo qui est trafiqué dans de nombreuses célébrations ? Au motif que c’est ce qui se fait dans les paroisses et que nous devons faire comme les autres, au nom de l’unité ?

Nous dira-t-on : "Je pense que la communion progressera plus largement encore si l’on veut bien renoncer aux anathèmes et aux surenchères. Un signe de ce progrès serait sans doute que tous puissent célébrer l’Eucharistie dans la même langue vernaculaire, sans se tourner le dos mais en se faisant face, sur la même simple et austère table, et avec les mêmes gestes pour la communion, debout et dans la main. Comme l’unité progresserait si nous chantions tous chaque dimanche les mêmes chants niais, si nous célébrions ensemble avec les mêmes prières fabriquées de toutes pièces et si nous fêtions ensemble les mêmes évènements profanes que l’actualité nous propose !" ?

Quelle est donc cette unité d’un genre nouveau qu’on brandit comme un étendard, qui serait le rouleau compresseur uniformisateur des traditions de l’Eglise, alors que la réalité est qu’en France il existe quasiment autant de célébrations différentes que de paroisses ? A quelle unité nous demande-t-on de nous raccrocher ? Nous ne la voyons pas ! N’est-ce pas Mgr Bernard Lagoutte, secrétaire général de la Conférence des évêques de France, qui écrivait le 12 mai 2000 : « S’il est vrai, par exemple, que peu d’assemblées sont désormais à même de célébrer la messe en latin et chant grégorien, il y a tout de même quelques églises où l’Ordo de Paul VI est observé avec rigueur » !! Quel modèle devrions-nous suivre ? Il n’y en a plus !

Pour notre part, nous condamnons cette hypocrisie qui sous couvert d'unité, cache une nouvelle tentative de faire échouer la réussite pratique de la réconciliation souhaitée par Benoît XVI.

Nous souhaitons être respectés et traités dignement. C'est pourquoi nous sommes déterminés à ne pas nous laisser manipuler. Nous condamnons cette attitude et disons très clairement que nous n'accepterons pas que quiconque mente aux fidèles et au Saint-Père et tente d'imposer des conditions mesquines dans le but de faire échouer la paix. Nous nous y opposerons avec la dernière énergie.
Sylvie Mimpontel