31 janvier 2009





Italie - Les prêtres ultraconservateurs multiplient les attaques
31 janvier 2009 - Ariel F. Dumont - francesoir.fr
Depuis leur retour dans le giron de l’Eglise, les prêtres ultraconservateurs multiplient les critiques et les déclarations négationnistes. Une tentative pour délégitimer Benoît XVI ?
Pousser Benoît XVI dans ses retranchements, le délégitimer, obliger le Vatican à revenir aux « valeurs traditionnelles de l’Eglise antique ». Est-ce là le véritable objectif des lefebvristes ?
La question est sur plusieurs lèvres après la multiplication des provocations lancées par les prêtres ultraconservateurs depuis leur retour dans le giron de l’Eglise. Il y a d’abord eu les propos négationnistes tenus par Richard Williamson, qui ont suscité l’indignation de la communauté juive internationale et des associations catholiques. Sans parler des remous à l’intérieur de l’Eglise et de l’embarras du Saint-Siège qui plaide aujourd’hui non coupable. « Nous ne savions rien », jure le cardinal Dario Castrillon Hoyos, qui a mené les pourparlers avec les évêques frappés d’excommunication. Selon le président de la Commission pontificale « Ecclesia Dei » en charge de l’organisation des communautés catholiques traditionalistes dans le monde, le Vatican aurait appris « la chose » samedi dernier alors que le décret avait déjà été publié.
Tandis que le Vatican tentait alors de recomposer la situation en faisant intervenir d’abord le pape durant l’audience générale mercredi dernier, puis ses deux organes de presse Radio Vatican et L’Observateur romain pour condamner les propos de l’évêque négationniste, les lefebvristes peaufinaient une double stratégie. D’un côté, les chefs de la congrégation en rupture avec l’Eglise catholique pendant vingt ans, remerciaient Benoît XVI et semblaient prêts à faire preuve d’humilité, de discrétion pour rassurer la partie de la curie qui contestait leur retour. De l’autre, ils redoublaient les critiques et multipliaient les propos négationnistes sur la Shoah.
Jeudi après-midi, le prieur de la communauté ultraconservatrice installée à Rimini sur la cote Adriatique a ouvert le feu. « Nous avons été scandalisés par l’image de Benoît XVI en train de prier dans la mosquée bleue à Istanbul », a déclaré PierPaolo Petrucci. Quelques heures plus tard, Don Floriano Abrahamowicz montait au créneau : « Les chambres à gaz ont seulement servi à désinfecter et les chiffres sont toujours contestables. »
Du coup, l’image et la crédibilité du pape qui a réintégré les intégristes au nom de l’unité de l’Eglise sont sérieusement menacées dans son propre camp. « Le pape s’est fait avoir », estime Albert Longchamp, père provincial des jésuites de Suisse. Jeudi, plus de 200 prêtres et théologiens helvétiques ont exprimé leur désaccord avec la levée de l’excommunication des quatre évêques intégristes, estimant qu’elle s’inscrivait dans une série de décisions « fortement régressives ». En Allemagne, le président des évêques Monseigneur Robert Zollitch a qualifié de « malheureuse » la position de Benoît XVI. Visiblement, l’opération des lefebvristes est en train de fonctionner.

« Ces pacotilles antisémites de la pire espèce », Riccardo Di Seni, grand rabbin de Rome
FRANCE-SOIR. Comment expliquez-vous l’affaire Williamson ?
RICCARDO DI SENI. En réintégrant les évêques excommuniés, l’Eglise risque de légitimer un courant de pensée alternatif dangereux à différents niveaux. Ceci dit, Richard Williamson n’est pas le vrai problème. La question concerne le monde entier. Un monde ou le négationnisme est la pointe d’un iceberg qui reflète une certaine tradition catholique et la diffusion systématique d’idées antisémites alimentées par des lieux communs comme « juifs = déicides », les chambres à gaz n’ont jamais existé ou le grand complot juif international. Une panoplie de pacotilles antisémites de la pire espèce.
Les autorités juives religieuses parlent d’impossibilité de relancer le dialogue. Quel est votre sentiment à ce propos ?
L’Eglise peut punir Williamson mais le fond du problème ne sera pas pour autant réglé. La question qui se pose aujourd’hui est celle d’une Eglise où des personnes qui contestent Vatican II occupent une position identique à celles, qui, en revanche, ont accepté ses thèses. Faut-il accepter la présence de religieux qui refusent de faire vœux d’obéissance et veulent au contraire démolir la structure de l’Eglise ? Le dialogue prévoit, en règle générale, des moments difficiles, basés sur l’incompréhension. C’est là qu’il faut intervenir. Aujourd’hui, l’Eglise doit comprendre l’ampleur de la situation et trouver des solutions. Dans le cas contraire, nous n’aurons pas le choix. Mais nous comptons sur la pression de l’opinion publique qui a déjà prouvé sa force dans d’autres affaires importantes.
Peut-on parler aujourd’hui de rupture avec le passé, avec la politique des prédécesseurs de Benoît XVI ?
Je n’irais pas jusque-là. Benoît XVI a une personnalité complexe et ne ressemble en rien à Jean-Paul II. Le dialogue est composé de différents niveaux, à savoir la mise au point de documents communs, les discussions sur la doctrine et les grands gestes historiques. Avant de devenir pape, le cardinal Ratzinger a accompli des gestes importants, notamment en ce qui concerne l’étude des textes bibliques. Je ne sais pas ce qui va se passer. Il est évident qu’il y a fracture et que tout dépendra de la force de l’Eglise. De sa volonté et de sa capacité à faire plier les lefebvristes ou à les écarter de l’Eglise s’ils refusent d’obéir. La question est la suivante : qu’est-ce qui est plus important pour l’Eglise de Benoît XVI ? La sauvegarde des principes ou l’unité a tout prix ?

Edition France Soir du samedi 31 janvier 2009 page 11