12 juillet 2007





«La main est tendue à ceux qui souhaitent rentrer dans le giron de l’Eglise»
12 juillet 2007 - diocese.eglisejura.com
«La main est tendue à ceux qui souhaitent rentrer dans le giron de l’Eglise» Interview dans "Voix du Jura" du 12 au 18 juillet 2007
Pour Mgr Jean Legrez, c’est le souci du pape pour l’unité de l’Eglise qui a motivé la publication du texte autorisant la liturgie antérieure à la réforme de 1970.

Un motu proprio est un texte qui provient de la seule initiative du pape. Selon vous, pourquoi le pape Benoît XVI a-t-il jugé ce texte opportun ? Qu’est-ce qui rend aujourd’hui possible sa publication ?
Il me semble que le pape a jugé opportun cette publication uniquement parce qu’il est habité par le souci de l’unité au sein même de l’Eglise catholique. Dès son élection, Benoît XVI a précisé qu’il souhaitait demeurer dans la lignée de ses prédécesseurs immédiats en matière d’œcuménisme. Le motu proprio ne s’explique que par le souci d’un père désireux de pouvoir enfin réunir tous ses enfants dans une communion retrouvée.
Brièvement, que dit le texte du pape ?
Dans ce texte très court, le pape commence par expliquer son intention. Il évoque le souci séculaire des papes de transmettre la foi catholique reçue des apôtres à travers les signes sacramentels que nous offre la liturgie. En outre, Benoît XVI fait sien le souci de ses prédécesseurs immédiats : que les fidèles qui, pour des raisons diverses, n’ont pas reçu positivement la réforme liturgique de Vatican II, continuent d’appartenir à l’Eglise catholique. Il leur offre par ce motu proprio la possibilité d’utiliser le Missel romain publié en 1962 par le pape Jean XXIII. La préoccupation majeure de Benoît XVI est que la postérité ne puisse reprocher à l’Eglise de ne pas avoir fait tout son possible pour éviter des ruptures durables.
L’article 1 me paraît le plus important : le Missel romain promulgué par le pape Paul VI est « l’expression ordinaire » de la loi de prière (lex orandi) de l’Eglise catholique de rite latin. Ni le Concile Vatican II, ni la réforme liturgique mise en œuvre à partir de ce dernier ne sont mis en cause. Au contraire, leur importance est réaffirmée. Les prêtres et les fidèles désireux d’utiliser le Missel promulgué par Jean XXIII le pourront à partir du 14 septembre. Toutefois, je tiens à préciser que, selon le pape, ce missel n’est que la « forme extraordinaire » du rite romain. Ce dernier comprendra désormais deux formes ou deux mises en œuvre.
Tout prêtre catholique pourra choisir, pour la messe sans le peuple, le missel qu’il désire. Il aura alors la possibilité de célébrer avec quelques fidèles attachés à l’usage ancien. Dans les paroisses il reviendra au curé de voir comment répondre à la demande d’un groupe de fidèles attachés à la « forme extraordinaire » du rite romain. Si une difficulté surgit, un recours sera porté devant l’évêque. Si une solution à l’amiable n’est pas trouvée, l’évêque en référera à la commission pontificale Ecclesia Dei pour trouver une solution. Le même choix pourra avoir lieu pour les chapelles des instituts religieux, avec l’accord des supérieurs.
Les évêques de France ont-ils été consultés ? Quel a été leur apport au texte final ?
On ne peut pas dire que les évêques de France ont été consultés. Pour être précis, ils n’ont pas attendu d’être consultés. Souvenez-vous le 25 octobre 2006, les évêques de la Province ecclésiastique de Besançon ont écrit à Rome pour faire part de leurs préoccupations nées de l’éventuelle publication du motu proprio. Dix jours après, ce sont tous les évêques réunis à Lourdes qui apportaient leur soutien au cardinal Ricard, président de la Conférence Episcopale de France, en affirmant leur attachement à la rénovation liturgique voulue par le Concile Vatican II. Depuis l’automne dernier, il n’a pas manqué de cardinaux et d’évêques français pour exprimer auprès du Saint-Siège leur désir d’aider au progrès de la vie liturgique en France et aussi, il faut le reconnaître, leurs craintes. Le pape, dans la lettre adressée aux évêques avec le motu proprio, tient à dissiper ces craintes, qui sont au moins au nombre de deux : la mise en doute de l’autorité du Concile Vatican II et le danger de désordres et même de fractures dans les paroisses.
Qu’est-ce que cela va changer pour les fidèles, notamment dans la pratique dominicale ? Avez-vous connaissance, dans le diocèse, de demandes émanant de groupes de personnes attachées au Missel de Jean XXIII ?
Dans le diocèse de Saint-Claude, cela ne changera pas grand-chose, au plan visible. Cependant ce texte est un appel à l’ouverture mutuelle pour tous, à une conversion de l’intelligence et du cœur. Peut-être y aura-t-il des demandes de célébration selon l’ancien rituel à l’occasion de tel mariage ou de tel enterrement. Nous allons réfléchir avec les prêtres sur la façon de répondre au mieux à ces demandes. S’agissant de la messe dominicale ou de la messe quotidienne, aucune demande émanant d’un groupe de catholiques traditionalistes n’a jamais été faite à l’évêque de Saint-Claude, à ma connaissance. Les traditionalistes, contrairement aux intégristes, sont des catholiques en communion avec le pape et l’évêque du lieu. Je crois savoir qu’il existe dans le Jura deux lieux où la messe est célébrées par des prêtres intégristes qui, jusqu’à présent, n’ont jamais exprimé leur désir de rentrer dans le giron de l’Eglise. La main leur est tendue. Quelques intégristes, tout en se réjouissant de la liberté qui est donnée par le pape, soulignent que des désaccords de fond demeurent. Les questions liées à l’œcuménisme, à la liberté religieuse et au dialogue interreligieux continuent de nous séparer. Dans les mois à venir, l’essentiel est de demeurer paisible, réaliste et charitable. Les communautés paroissiales n’ont pas à s’inquiéter, mais à célébrer sereinement selon les exigences de la réforme liturgique. En tant qu’évêque, comment pourrai-je ne pas souhaiter que nos liturgies soient belles, signifiantes et recueillies afin de permettre aux fidèles d’entrer dans les mystères du Christ pour la plus grande gloire de Dieu ?
La question liturgique n’éclipse pas à elle seule d’autres problèmes, notamment celui de l’acceptation des actes de Vatican II. Il est vrai que, dans le motu proprio, le pape prend bien soin de les dissocier. Mais peut-on en minimiser la portée ?
En effet le pape précise que la possibilité accordée de célébrer selon les livres anciens ne peut exister qu’à la condition que prêtres et fidèles, qui célèbreront ainsi, acceptent Vatican II. Selon le pape, les deux manières de célébrer peuvent permettre des enrichissements réciproques. Les prêtres qui adhèrent à l’usage ancien ne peuvent pas exclure la célébration selon les nouveaux livres, ils sont donc tenus d’accepter le Missel de Paul VI. Dès lors il est possible d’espérer qu’ils envisagent de célébrer selon ce dernier, qu’ils participent à des concélébrations ou à la messe chrismale, qui rassemble au début de la Semaine Sainte tous les prêtres d’un diocèse autour de leur évêque. L’Esprit nous pousse à ne pas avoir peur, à être des artisans de paix et d’unité en sachant nous respecter et nous aimer, comme dans une famille où tous sont heureux de se retrouver après une période de troubles et de disputes sachant que seule une bienveillance respectueuse de la vérité pourra guérir les blessures. Finalement il apparaît que Benoît XVI compte sur la capacité de tous à se convertir pour vivre unis, pour que le monde croit.
Propos recueillis par P.C.