14 septembre 2007





A propos de l'usage élargi de la messe préconciliaire
La position de l'Eglise du Luxembourg
14 septembre 2007 - Luxemburger Wort - cité par leforumcatholique.org
A propos de l'usage élargi de la messe préconciliaire
La position de l'Eglise du Luxembourg / Version française du texte officiel allemand qui fait foi
Par le Motu Proprio «Summorum Pontificum» du 7 juillet 2007, le pape Benoît XVI a élargi les possibilités d'utiliser l'ancien rite de la messe selon le Missel Romain de 1962. Ces dispositions vont entrer en vigueur à la date du 14 septembre, fête de l'exaltation de la Sainte Croix. Il est évident que les décisions de cet édit papal valent également pour le Luxembourg.
Toutefois le Motu Proprio (Art 1) ne laisse pas de doute que «le Missel romain promulgué par Paul VI est l'expression ordinaire de la lex orandi de l'Eglise catholique de rite latin». Cette expression ordinaire demeurera la pratique usuelle et la ligne de conduite essentielle de la pastorale liturgique dans notre diocèse.
Concrètement cela veut dire que la grande majorité des catholiques n'ont pas à redouter un changement dans leur pratique liturgique. Ils pourront normalement célébrer la messe dans la forme actuelle qui leur est familière. La messe telle qu'elle a été renouvelée conformément au mandat du Second Concile du Vatican restera la forme ordinaire de la liturgie eucharistique.

I. Notre attachement à la réforme liturgique

Il y a près de quarante ans, la rénovation de la liturgie promulguée par le pape Paul VI, suite au mandat donné par le concile, a été accueillie chez nous avec une grande disponibilité et gratitude par la majorité des prêtres et des communautés. De fait, le terrain avait été préparé. Les attentes et initiatives de rénovation de la Liturgie, nées en Allemagne et en France, n'étaient pas restées sans influence au Luxembourg. En maints endroits, des «messes dialoguées» et des «Betsingmessen» (avec des cantiques en langue vernaculaire) avaient, dès avant le concile, favorisé la participation active des communautés.
Dans ce contexte, il n'est pas inutile de rappeler que les courants les plus importants du mouvement liturgique en Allemagne et en France, qui s'étaient, en raison de la situation politique et stratégique, développés de manière quasiment parallèle, sans grandes possibilités de contact, se sont rencontrés pour la première fois après la guerre lors d'un congrès liturgique organisé à l'«Institut Saint-Jean» (Luxembourg-Belair) grâce à la médiation de quelques prêtres luxembourgeois en lien avec des moines de l'abbaye de Clervaux. Parmi les acteurs de cette rencontre historique, il faut citer le jeune chancelier de l'évêché et futur archevêque de Luxembourg, Mgr Jean Hengen, qui avait quelques années auparavant consacré sa thèse de doctorat en théologie à un sujet liturgique.
Par cette rencontre franco-allemande, le Luxembourg fut lui aussi intégré dans le grand courant désormais commun du mouvement liturgique et préparé ainsi à la réforme liturgique du Concile. Car c'étaient précisément les pionniers et promoteurs du mouvement liturgique qui ont, par leurs travaux de recherches scientifiques et historiques, préparé le chemin à la réforme de la Liturgie mise en oeuvre par le concile Vatican.
La Constitution sur la Liturgie et la réforme conciliaire ne sont donc pas tombées du ciel. Elles ne sont pas non plus, comme on l'insinue parfois, l'oeuvre factice de quelques novateurs ou iconoclastes, mais elles sont le fruit d'une connaissance plus complète et plus profonde de la tradition liturgique qui s'appuie sur les textes les plus anciens de la liturgie latine aussi bien que sur les trésors des Liturgies orientales, souvent inconnus à l'époque de la réforme post-tridentine. Un exemple parmi d'autres d'un tel enrichissement par le retour aux sources anciennes: la reprise quasi littérale de l'Anaphore de la «Tradition Apostolique» (Rome, IIIe siècle) pour la rédaction de la deuxième prière eucharistique du Missel dit de Paul VI. D'autres prières eucharistiques «nouvelles» s'inspirent plutôt des traditions orientales.
En s'appuyant sur une tradition liturgique plus large et plus riche, la réforme post-conciliaire a pu débarrasser la messe d'une série d'ajouts qui relevaient, telles les prières en bas de l'autel, plutôt de la préparation privée et de la piété personnelle du prêtre. La célébration de la messe est ainsi devenue plus transparente et plus intelligible.
Cela vaut également pour la nouvelle rédaction des prières de la préparation des offrandes: ces prières désignent maintenant explicitement les éléments du pain et du vin, alors qu'à la messe préconciliaire elles se rapportaient déjà aux éléments consacrés et ne devenaient compréhensibles que par une anticipation conceptuelle de la consécration.
Un autre fruit du renouveau de la Liturgie est la forte participation de la communauté à l'action eucharistique. Dans l'«ordo missae» du Missel promulgué par le pape Pie V suite au mandat reçu du concile de Trente, l'accent était mis de façon privilégiée sinon presque exclusive sur l'action du prêtre; le peuple quant à lui «assistait» à la messe, quasiment en spectateur. Cela correspondait à la compréhension théologique de l'Eucharistie et de l'Eglise du Concile de Trente. Pour l'«ordo missae» promulgué par le pape Paul VI selon le mandat reçu par le Concile de Vatican II, le sujet de la célébration eucharistique est, sous réserve de l'action indispensable du Seigneur ressuscité et du rôle spécifique dévolu à chacun, la communauté rassemblée agissant en communion avec le prêtre qui préside la célébration «in persona Christi». Ainsi se réalise la «participation plénière, active et communautaire » de tous, préconisée par le Concile de Vatican II.1 Cette participation est également favorisée par l'orientation de la célébration vers le peuple qui a été perçue souvent comme le signe le plus manifeste de la liturgie renouvelée.2
Dans ce contexte, il y a lieu de mentionner également la redécouverte et le renouveau des différents services (ministères) liturgiques par lesquels se concrétise la règle fondamentale: «Dans les célébrations liturgiques chacun, ministre ou fidèle, en s'acquittant de sa fonction, fera seulement et totalement ce qui lui revient en vertu de la nature de la chose et des normes liturgiques.»3
Une autre étape décisive de la réforme liturgique fut franchie avec l'autorisation d'utiliser les langues vernaculaires. L'admission large de ces langues telle que nous la connaissons aujourd'hui ne fut sans doute pas planifiée comme telle par le Concile.4 Cependant, suite au manque de connaissance de la langue latine5, cet élargissement s'avérait de plus en plus nécessaire si l'on voulait rendre la Liturgie plus intelligible pour le peuple et promouvoir sérieusement la «participation plénière, active et communautaire » qui implique une écoute attentive.
En vue de cette écoute de la Parole de Dieu, les nouveaux lectionnaires «ouvrent plus largement les trésors bibliques pour que, dans un nombre d'années déterminées, on lise au peuple la partie la plus importante des Saintes Écritures».6  Là encore l'usage des langues vernaculaires était un préalable indispensable.
Sans diminuer les avantages indiscutables de ces langues, il faut toutefois rappeler que la langue latine ne fut jamais interdite. L'usage en fut, bien au contraire, expressément souhaité par le Concile.7 Dans ce contexte il y a lieu de souligner qu'au Luxembourg la langue latine est restée en usage dans le cadre même de la messe de Paul VI. Grâce à l'engagement de multiples chorales, les chants de l'«ordinaire» de la messe continuent à être interprétés en langue latine selon les vénérables mélodies grégoriennes. A la cathédrale, durant la grand-messe dominicale, une «Schola Gregoriana» chante en plus le «proprium» selon toutes les règles de l'art. Dorénavant de tels offices liturgiques pourraient éventuellement, de temps en temps, être célébrés intégralement en langue latine (en incluant les oraisons et la prière eucharistique), les lectures étant évidemment proclamées en langue vernaculaire. Ainsi nous ne répondrions pas seulement à une recommandation expresse du pape Benoît XVI mais également au souhait de certains fidèles pour lesquels la langue latine est une référence qui leur rappelle la liturgie de leur jeunes années, sans qu'ils veuillent pour autant retourner à la forme préconciliaire de la messe.
De cette façon on pourrait également mettre en évidence qu'une certaine préférence de la langue latine ne doit pas nécessairement entraîner un retour à la forme préconciliaire. En effet, ce n'est pas la langue latine qui fait la différence entre la forme préconciliaire et la forme postconciliaire, mais une plus grande transparence, une meilleure intelligibilité et une plus grande richesse de cette dernière.
Tous ces fruits et avantages de la réforme liturgique que nous ne pouvons ici qu'évoquer brièvement et de façon sommaire, nous tenons à les garder pour la grande majorité des croyants comme un trésor de haute valeur. Cela doit être notre constant souci commun. Il doit nous stimuler à célébrer encore plus dignement et plus fidèlement l'eucharistie selon l'Ordo de Paul VI qui est et restera la forme ordinaire de la célébration eucharistique dans le rite latin. Aussi éviterons-nous avec soin les altérations et abus que le pape Benoît XVI déplore dans sa lettre du 7 juillet à ses frères dans l'épiscopat (alinéa 5), abus qui sont heureusement rares au Luxembourg. Je voudrais exhorter une fois de plus prêtres et fidèles à s'en tenir fidèlement aux textes liturgiques officiels et à s'abstenir dans la célébration de la messe de toute espèce d'expérimentation. Une célébration digne, respectant à la fois le sens du sacré et la dimension communautaire, doit être la ligne de conduite de nos pratiques liturgiques. Puissions-nous ainsi réussir à garder vivantes au milieu de nous les grandes valeurs du renouveau liturgique voulu et initié par le Concile.

II. La célébration de la messe selon le Missel Romain de 1962
A) Directives générales pour la célébration dominicale

Si, en dépit de ce bilan positif de la réforme liturgique conciliaire et postconciliaire, des groupes de fidèles souhaitent célébrer l'eucharistie dominicale selon la forme préconciliaire, fixée en dernier lieu dans le Missale Romanum publié par Jean XXIII en 1962 qui a désormais statut de forme extraordinaire du Rite latin, il y a lieu d'accueillir leur demande dans les conditions fixées par le «Motu proprio» «Summorum Pontificum ». Il m'importe de rappeler particulièrement les points suivants:
1. Il doit s'agir d'un groupe permanent et stable.8 À cet effet, le nombre de 25 personnes pourrait valoir comme chiffre de référence. Là où des groupes plus restreints se forment, on cherchera de trouver une solution au niveau régional, le cas échéant en concertation avec les autorités diocésaines.
2. Le dimanche, il ne peut y avoir qu'une seule célébration sous cette forme au même endroit. 9 Celle-ci doit être notifiée en temps utile.
3. Dans la messe paroissiale ou communautaire, les prêtres ne peuvent pas, de leur propre initiative, remplacer la forme ordinaire par la forme extraordinaire.
4. Quand il n'y a, dans une paroisse ou une communauté de paroisses, qu'une seule messe dominicale, celle-ci ne doit pas être célébrée selon la forme extraordinaire.
5. On veillera à ce que les personnes attachées à l'ancienne tradition liturgique latine reconnaissent l'autorité du Concile Vatican II dans son ensemble ainsi que la valeur et la sainteté du rite rénové en particulier. Par ailleurs ils ne doivent pas, en principe, exclure la célébration selon les nouveaux livres liturgiques.10 À cet effet, des célébrations occasionnelles selon la forme ordinaire, en langue latine, pourraient être de leur part un signe de loyauté.
6. On doit absolument éviter que la forme extraordinaire de la messe devienne l'expression de certaines positions ou tendances politico-sociales et soit utilisée abusivement comme un «étendard » d'attitudes étrangères à la vie ecclésiale.11
7. Enfin il faut examiner si le niveau de formation liturgique et de connaissance de la langue latine que le Pape Benoît XVI juge nécessaire pour la célébration selon l'ancien missel est réellement avéré.12

B) Dispositions particulières pour le territoire de la ville de Luxembourg

Suite à une requête déjà introduite, les dispositions suivantes sont prises pour la Ville de Luxembourg:
1. A partir de la mi-octobre 2007, une messe selon la forme extraordinaire du rite latin sera célébrée pour l'ensemble du territoire de la ville de Luxembourg, tous les dimanches et fêtes de précepte, en l'église paroissiale de Hollerich. L'heure précise de cette messe sera communiquée par la presse.
2. Pour garantir l'intégration du groupe concerné dans la communauté ecclésiale du diocèse, je chargerai de la célébration de cette messe et de l'accompagnement du groupe en question quelques prêtres de notre diocèse qui se distinguent par leur saine doctrine, leur loyauté vis-à-vis du Concile de Vatican II et par un jugement pastoral équilibré.
3. Il appartient également à ces prêtres de veiller à l'accomplissement des dispositions générales mentionnées sous le point A.

C. Ultimes dispositions

Finalement je tiens à rappeler que l'évêque «est le modérateur de la liturgie dans son propre diocèse »13 et que son «rôle demeurera de toute façon celui de veiller à ce que tout se passe dans la paix et la sérénité».14
On me fera chaque semestre un rapport sur les célébrations de la messe sous la forme extraordinaire afin que je puisse, pour ma part, rendre compte au Saint-Siège des expériences en question.15
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Mettant ma confiance dans l'intercession de notre Patronne, la Consolatrice des Affligés, je remets ces réflexions et dispositions à toutes les personnes concernées en exprimant l'espoir que nous nous laisserons toujours guider par le vénérable principe: «Salus animarum, suprema lex» – «Le salut des âmes est la loi suprême».
Luxembourg,
en la fête de la Nativité de la Vierge Marie,
le 8 septembre 2007
+ Fernand Franck
Archevêque de Luxembourg



1 Constitution de la Liturgie «Sacrosanctum Concilium» 21 (désormais cité par SC).
2 Il est vrai que cette orientation n'est pas obligatoire, mais elle est fortement recommandée. La présentation générale du Missel de 1969 (n° 262) prévoit que «l'on élèvera le maître autel à une distance du mur qui permette d'en faire aisément le tour et d'y célébrer en se tournant vers le peuple». L'édition de 2002 (n° 299) demande «que cela se fasse chaque fois que ce sera possible».
3 SC 28.
4 cf. SC 36 § 2, 54, 63.
5 cf. Lettre du pape Benoît XVI du 7 juillet 2007 aux frères dans l'épiscopat, alinéa 7.
6 SC 51,
7 SC 36 § 1, 54
8 Motu proprio art. 5 § 1 (désormais cité par MP).
9 MP art. 5 § 2.
10 Lettre du pape Benoît XVI du 7 juillet 2007 aux frères dans l'épiscopat, alinéa 9.
11 id. alinéa 7.
12 Cf. id. alinéa 7.
13 SC 22; Lettre du pape Benoît XVI du 7 juillet 2007 aux frères dans l'épiscopat, alinéa 10.
14 Lettre du pape Benoît XVI du 7 juillet 2007 aux frères dans l'épiscopat, alinéa 11.
15 Id. alinéa 12.