3 avril 2012

[SPO - Riposte Catholique] Mgr Simon défend Vatican II et s’embrouille

Dans La Croix de ce mardi, on peut lire une Tribune libre de Mgr Hippolyte Simon, non pas au titre ecclésial d’évêque de Clermont-Ferrand, mais à celui plus administratif de vice-président de la Conférence des évêques de France. Mgr Simon a décidé d’alerter les lecteurs de La Croix car il n’est pas content, mais pas content du tout. On lui a sapé son Vatican II, le concile des grands espoirs et des grandes ouvertures. Il met en cause le téléfilm diffusé sur France 3 qui s’intitule « La Guerre perdue du Vatican ».
 
Je n’ai pas vu ce téléfilm et il ne s’agit pas pour moi d’en prendre la défense. Je serai même enclin à croire a priori, par réflexe, que Mgr Simon a raison quand il parle d’entreprise de désinformation. Seulement, pour s’en prendre à une (éventuelle) opération de désinformation, il n’hésite pas à tomber dans la caricature et à friser lui-même la désinformation. Passons sur la thèse : le Concile est inattaquable (non pas parce qu’il s’agit du magistère, approche que seuls certains traditionalistes soutiennent), mais parce que sa réception a été « positive et heureuse ».
 
On laissera à Mgr Simon la responsabilité de ce propos qui passe sous silence les prêtres morts de chagrin face à la nouvelle liturgie, les laïcs déboussolés et qui ont quitté l’Église sur la pointe des pieds. En revanche, on s’interrogera quand Mgr Simon affirme à propos de l’abbé Laguérie et de l’Institut du Bon-Pasteur (IBP) : « les fondateurs de cet Institut n’ont pas vraiment choisi de revenir au sein de l’Église romaine. Ils ont été tout simplement mis à la porte de la Fraternité Saint-Pie X et Rome les a réintégrés ensuite, à leur demande ». Admirable tour de passe-passe dialectique! Champion, Monseigneur!
 
Rappelons juste à Mgr Simon que les fondateurs de l’Institut du Bon-Pasteur n’étaient pas excommuniés. Ils se revendiquaient et appartenaient de fait à l’Église catholique romaine. L’opposition de certains d’entre eux avec les autorités de la Fraternité Saint-Pie X les a conduits à chercher une solution canonique en remplacement de la dite Fraternité et quand on est catholique, il est tout naturel de se tourner vers Rome pour trouver une telle solution. Le fait même de se tourner vers Rome montre bien la démarche catholique de ces fondateurs, démarche effectuée d’autant plus volontiers qu’ils ont toujours cru nécessaire de trouver un jour une telle solution.
 
Mais il y a plus! Il y a mieux!
 
Si le vice-président de la Conférence des évêques de France n’avait pas oublié qu’il était aussi (et d’abord) évêque de Clermont-Ferrand, il n’aurait pas écrit n’importe quoi sur les fondateurs de l’Institut du Bon-Pasteur. Parmi ces fondateurs, l’abbé Aulagnier que connaît bien Mgr Simon. Depuis des années, l’abbé Aulagnier est, en effet, incardiné dans le diocèse de… Clermont-Ferrand dont l’évêque est… Mgr Simon. Celui-ci ne pouvait l’ignorer et ne peut l’avoir oublié. D’abord parce qu’on n’oublie pas l’abbé Aulagnier. À sa manière, c’est une figure, et concernant le mouvement traditionaliste, c’est même une figure historique. Ensuite parce que Mgr Simon sait très bien qu’il a accordé à l’abbé Aulagnier un « celebret », cette permission de célébrer qu’il a voulu restreindre en 2006. L’abbé Aulagnier lui écrivait alors :
Vous venez de me faire adresser, Monseigneur, par votre « official », le « 3 mai » dernier le document ecclésiastique qu’on appelle officiellement « lettres de recommandations ». Entre nous, on l’appelle « célébret ». C’est son nom ordinaire. Il est signé de votre « official », contre signé de votre main et daté du 28 avril 2006. Il est valable pour un an. Le « celebret » est pour le prêtre un peu comme la carte d’identité pour le citoyen. C’est un document important. C’est un document administratif, public, ad usum publicum. Il affirme que je suis bien prêtre, que j’ai bien reçu le sacerdoce, que je peux à la fois « célébrer la sainte messe et entendre les confessions selon les normes du droit », que je ne souffre d’aucun empêchement pour ce double ministère. Vous l’attestez – testificatur » – vous-même, qui plus est en latin. Vous écrivez que « presbyterum diocesis Paul Aulagnier non impedimento esse ei ad missam celebrandam et fuisse adprobatum ad audiendas confessiones secundum normas iuris ». (on lira ici le texte intégral de cette lettre).
Exclu de la Fraternité Saint-Pie X en 2004, tout en ayant toujours été incardiné dans le diocèse de Clermont, l’abbé Aulagnier était donc toujours dépendant de ce diocèse au moment de la fondation de l’IBP en 2006. Comme les autres fondateurs, il n’avait jamais cessé d’appartenir à l’Église catholique. Notamment par l’intermédiaire du diocèse de Clermont…
 
Mgr Simon s’en prend au réalisateur du téléfilm et l’invite à un débat sur le vrai bilan de Vatican II. Faire le bilan de Vatican II, chiche ! Mais pas seulement avec un réalisateur pour la télévision, avec des historiens et des théologiens. Un débat qui laissera de côté les phrases sur la réception « positive et heureuse » et la langue de buis pour confronter Vatican II à l’Histoire.