30 janvier 2013

[Gael Vaillant - leJDD.fr] Mariage pour tous : la croisade de Civitas

SOURCE - Gael Vaillant - leJDD.fr - 30 janvier 2013

LE FEUILLETON, épisode 2 - LeJDD.fr vous fait vivre jour après jour le débat sur le mariage pour tous à l’Assemblée nationale. Les travaux devraient durer quinze jours. Mardi, à l’occasion de la première journée, le débat s’est déroulé dans une ambiance à la fois grave et électrique. Dans la soirée, aux abords de l'Assemblée nationale, les membres de l'Institut Civitas ont prié contre ce projet de loi jugé "contre nature".

L'Institut Civitas est bien organisé. Gestion des médias, encadrement maximal... Pour leur appel à prier dans la rue contre le projet de loi du mariage pour tous, mardi soir devant l'Assemblée nationale, cette organisation réputée proche des catholiques intégristes n'a pas voulu réitérer l'expérience du 18 novembre dernier. En marge d'une manifestation, des altercations avaient opposé le service d'ordre de Civitas et les Femen, ces féministes qui se dénudent pour défendre leurs causes. Ces violences, pendant lesquelles l'essayiste Caroline Fourest avait été molestée, avait valu au mouvement d'être mis à l'écart de la "Manif pour tous", le 13 janvier dernier.

Pour parer à tout problème, la préfecture de police de Paris a dépêché mardi après-midi des dizaines de cars de CRS aux abords de l'Assemblée nationale. Alors que le débat sur le mariage pour tous débutait dans l'Hémicycle, les membres de Civitas entament leur prière, encadrés donc de barrières et de policiers. Sous la houlette de l'abbé Régis de Cacqueray, ils enchaînent les Pater noster ("Notre père") et Ave Maria, intercalés avec de courts sermons fustigeant "un projet de loi contre nature". L'abbé Beauvais, prieur de l'église lefébvriste parisienne de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, est aussi là.
Le poids des mots
Le discours reste décomplexée, violent parfois. "Nous ne pouvons confier nos enfants à des personnes de même sexe qui assouvissent leurs passions avec des partenaires multiples dans des atmosphères souvent orgiaques et insupportables", lance par exemple le récitant à son assistance pénitente, agenouillée devant une statue de la Vierge Marie. "Il est prouvé qu'il y a un lien entre homoparentalité et abus sexuels sur mineurs", assure au JDD.fr une jeune trentenaire, ne sachant plus citer l'étude dont elle tire cette affirmation. "Des animaux ne peuvent élever des enfants", lâche à ses côtés un retraité, le chapelet à la main.

Le discours des responsables de Civitas est plus policé. "Nous ne sommes pas là pour stigmatiser les homosexuels", assure Alain Escada, le président belge de l'Institut. "Nous sommes contre l'homosexualité car c'est un péché. Mais nous avons beaucoup d'amour à l'égard des personnes qui sont dans le pêché", explique de son côté l'abbé Régis de Cacqueray.

Après une demi-heure de prière, une clameur vient de l'entrée de l'Assemblée nationale. Un groupe d'assistants parlementaires a tenté d'approcher les Civitas. Les CRS les ont bloqués. Les consignes sont claires. Quelques journalistes se déportent vers le Palais Bourbon. En sortent six députés, tous socialistes. Parmi eux, Yann Galut, l'un des fondateurs de la "Gauche forte", un collectif qui a demandé l'interdiction du rassemblement Civitas de mardi soir et la dissolution du mouvement qualifié "d'extrême droite".
"Pourquoi les a-t-on autorisé à prier?"
Yann Galut tente le coup de force, approche le cordon de CRS, parlemente mais ne passe pas. Autour de lui, les micros et caméras se pressent. Le député socialiste, non content d'avoir provoqué l'incident, profite de la tribune : "Nous venions tranquillement, pacifiquement voir ces manifestants et on nous empêche. Au nom de notre sécurité, nous dit-on. S'ils sont une menace pour nous, pourquoi les a-t-on autorisé à prier?" Pour cet élu du Cher, le préfet de police n'aurait jamais dû autoriser un tel rassemblement. Et de rappeler : "Je croyais que les prières de rue, celles des musulmans comme celles des autres, étaient interdites!"
 
Interrogé sur l'effet de mise en scène, l'un des députés présents, Alexis Bachelay, récuse l'idée : "Nous sortons tout juste des débats. Il y a, comme toutes les semaines sur cette place (à l'arrière de l'Assemblée nationale, Ndlr), des manifestations. Et toutes les semaines, des députés s'en approchent, parlent avec leurs citoyens, débattent. Pourquoi, eux, les Civitas, auraient un statut particulier?" En marge de la discussion, un assistant parlementaire regrette "l'absence de mobilisation d'autres députés sur ce coup-là". L'UMP David Douillet passe bien devant le groupe de députés, mais il ne cherche qu'à regagner sa voiture. Et, au bout de quelques minutes d'agitation, le calme revient. Les élus vont dîner avant d'aller retourner à l'Hémicycle pendant que les membres de Civitas continuent d'égrener leur chapelet.