13 février 2013

[Paix Liturgique] Benoît XVI, le pape qui a promulgué le Motu Proprio Summorum Pontificum

SOURCE - Paix Liturgique - Lettre n° 374 - 12 février 2013

Difficile de passer à côté : décision inédite dans l'histoire de l'Église, le Saint-Père a renoncé à l'exercice de son magistère. Prenant au dépourvu jusqu'à ses collaborateurs attitrés – il n'y avait qu'à suivre la conférence du père Lombardi, responsable de la salle de presse du Saint-Siège, pour s'en convaincre –, Benoît XVI ouvre une parenthèse pratiquement inconnue pour l'Église (sauf le cas de quatre papes démissionnaires, mais dans des contextes totalement différents) : celle de la coexistence de deux papes, l'un régnant, l'autre retiré du monde mais dont il est à espérer que l'enseignement continuera à être recherché et suivi.

Pour nous, catholiques attachés à la dignité et à la sainteté rituelle et doctrinale de l’antique liturgie de Rome, Mère et Maîtresse de vérité, bénéficiaires du Motu Proprio Summorum Pontificum ayant redonné droit de Cité à la liturgie traditionnelle dans l'Église, Benoît XVI restera le pape de la réconciliation et de l'unité entre catholiques. La première réaction qui nous vient au lendemain de cette nouvelle inattendue, c'est de nous précipiter à l'autel du Seigneur pour une action de grâces fervente et reconnaissante.

Certes, tout n'est pas encore réglé et l'esprit Summorum Pontificum n'a pas encore gagné toutes nos paroisses et tous nos diocèses. En attendant de connaître l'identité du successeur de Benoît XVI, nous ne pouvons donc pour l'instant que prier pour que son successeur s'inscrive dans son sillage, et poursuive et amplifie avec autorité l'œuvre de paix et de réforme qui a été la sienne.

Confiant nos intentions de prière pour l'actuel Souverain Pontife et pour son successeur à saint Pie V et saint Pie X, nous publions de nouveau avec joie, gratitude et émotion, le texte de la lettre adressée par le pape aux évêques du monde entier le 7 juillet 2007, jour de promulgation du Motu Proprio Summorum Pontificum.

Nous reproduisons ensuite la déclaration du Saint-Père et la réaction du Cardinal Doyen.
I - LETTRE AUX ÉVÊQUES DU 7 JUILLET 2007
Chers frères dans l’Episcopat,

C’est avec beaucoup de confiance et d’espérance que je remets entre vos mains de Pasteurs le texte d’une nouvelle Lettre Apostolique « Motu Proprio data », sur l’usage de la liturgie romaine antérieure à la réforme de 1970. Ce document est le fruit de longues réflexions, de multiples consultations, et de la prière.

Des nouvelles et des jugements formulés sans information suffisante, ont suscité beaucoup de confusion. On trouve des réactions très diverses les unes des autres, qui vont de l’acceptation joyeuse à une dure opposition, à propos d’un projet dont le contenu n’était, en réalité, pas connu.

Deux craintes s’opposaient plus directement à ce document, et je voudrais les examiner d’un peu plus près dans cette lettre.

En premier lieu il y a la crainte d’amenuiser ainsi l’Autorité du Concile Vatican II, et de voir mettre en doute une de ses décisions essentielles – la réforme liturgique.

Cette crainte n’est pas fondée. A ce propos, il faut dire avant tout que le Missel, publié par Paul VI et réédité ensuite à deux reprises par Jean-Paul II, est et demeure évidemment la Forme normale – la Forma ordinaria – de la liturgie Eucharistique. La dernière version du Missale Romanum, antérieure au Concile, qui a été publiée sous l’autorité du Pape Jean XXIII en 1962 et qui a été utilisée durant le Concile, pourra en revanche être utilisée comme Forma extraordinaria de la Célébration liturgique. Il n’est pas convenable de parler de ces deux versions du Missel Romain comme s’il s’agissait de « deux Rites ». Il s’agit plutôt d’un double usage de l’unique et même Rite.

Quant à l’usage du Missel de 1962, comme Forma extraordinaria de la Liturgie de la Messe, je voudrais attirer l’attention sur le fait que ce Missel n’a jamais été juridiquement abrogé, et que par conséquent, en principe, il est toujours resté autorisé. Lors de l’introduction du nouveau Missel, il n’a pas semblé nécessaire de publier des normes propres concernant la possibilité d’utiliser le Missel antérieur. On a probablement supposé que cela ne concernerait que quelques cas particuliers, que l’on résoudrait localement, au cas par cas. Mais, par la suite, il s’est vite avéré que beaucoup de personnes restaient fortement attachées à cet usage du Rite romain, qui leur était devenu familier depuis l’enfance. Ceci s’est produit avant tout dans les pays où le mouvement liturgique avait donné à de nombreuses de personnes une remarquable formation liturgique, ainsi qu’une familiarité profonde et intime avec la Forme antérieure de la Célébration liturgique. Nous savons tous qu’au sein du mouvement conduit par l’Archevêque Mgr Lefebvre, la fidélité au Missel ancien est devenue un signe distinctif extérieur ; mais les raisons de la fracture qui naissait sur ce point étaient à rechercher plus en profondeur. Beaucoup de personnes qui acceptaient clairement le caractère contraignant du Concile Vatican II, et qui étaient fidèles au Pape et aux Évêques, désiraient cependant retrouver également la forme de la sainte Liturgie qui leur était chère ; cela s’est produit avant tout parce qu’en de nombreux endroits on ne célébrait pas fidèlement selon les prescriptions du nouveau Missel ; au contraire, celui-ci finissait par être interprété comme une autorisation, voire même une obligation de créativité ; cette créativité a souvent porté à des déformations de la Liturgie à la limite du supportable. Je parle d’expérience, parce que j’ai vécu moi aussi cette période, avec toutes ses attentes et ses confusions. Et j’ai constaté combien les déformations arbitraires de la Liturgie ont profondément blessé des personnes qui étaient totalement enracinées dans la foi de l’Eglise.

C’est pour ce motif que le Pape Jean-Paul II s’est vu dans l’obligation de donner, avec le Motu proprio « Ecclesia Dei » du 2 juillet 1988, un cadre normatif pour l’usage du Missel de 1962 ; ce cadre ne contenait cependant pas de prescriptions détaillées, mais faisait appel de manière plus générale à la générosité des Evêques envers les « justes aspirations » des fidèles qui réclamaient cet usage du Rite romain. A cette époque, le Pape voulait ainsi aider surtout la Fraternité Saint-Pie X à retrouver la pleine unité avec le successeur de Pierre, en cherchant à guérir une blessure perçue de façon toujours plus douloureuse. Cette réconciliation n’a malheureusement pas encore réussi; cependant, une série de communautés a profité avec gratitude des possibilités offertes par ce Motu proprio. Par contre, en dehors de ces groupes, pour lesquels manquaient des normes juridiques précises, la question de l’usage du Missel de 1962 est restée difficile, avant tout parce que les Evêques craignaient, dans ces situations, que l’on mette en doute l’autorité du Concile. Aussitôt après le Concile Vatican II, on pouvait supposer que la demande de l’usage du Missel de 1962 aurait été limitée à la génération plus âgée, celle qui avait grandi avec lui, mais entre-temps il est apparu clairement que des personnes jeunes découvraient également cette forme liturgique, se sentaient attirées par elle et y trouvaient une forme de rencontre avec le mystère de la Très Sainte Eucharistie qui leur convenait particulièrement. C’est ainsi qu’est né le besoin d’un règlement juridique plus clair, que l’on ne pouvait pas prévoir à l’époque du Motu Proprio de 1988 ; ces Normes entendent également délivrer les Evêques de la nécessité de réévaluer sans cesse la façon de répondre aux diverses situations.

En second lieu, au cours des discussions sur ce Motu Proprio attendu, a été exprimée la crainte qu’une plus large possibilité d’utiliser le Missel de 1962 puisse porter à des désordres, voire à des fractures dans les communautés paroissiales. Cette crainte ne me paraît pas non plus réellement fondée. L’usage de l’ancien Missel présuppose un minimum de formation liturgique et un accès à la langue latine ; ni l’un ni l’autre ne sont tellement fréquents. De ces éléments préalables concrets découle clairement le fait que le nouveau Missel restera certainement la Forme ordinaire du Rite Romain, non seulement en raison des normes juridiques, mais aussi à cause de la situation réelle dans lesquelles se trouvent les communautés de fidèles.

Il est vrai que les exagérations ne manquent pas, ni parfois des aspects sociaux indûment liés à l’attitude de certains fidèles liés à l’ancienne tradition liturgique latine. Votre charité et votre prudence pastorale serviront de stimulant et de guide pour perfectionner les choses. D’ailleurs, les deux Formes d’usage du Rite Romain peuvent s’enrichir réciproquement: dans l’ancien Missel pourront être et devront être insérés les nouveaux saints, et quelques-unes des nouvelles préfaces. La Commission « Ecclesia Dei », en lien avec les diverses entités dédiées à l’usus antiquior, étudiera quelles sont les possibilités pratiques. Dans la célébration de la Messe selon le Missel de Paul VI, pourra être manifestée de façon plus forte que cela ne l’a été souvent fait jusqu’à présent, cette sacralité qui attire de nombreuses personnes vers le rite ancien. La meilleure garantie pour que le Missel de Paul VI puisse unir les communautés paroissiales et être aimé de leur part est de célébrer avec beaucoup de révérence et en conformité avec les prescriptions ; c’est ce qui rend visible la richesse spirituelle et la profondeur théologique de ce Missel.

J’en arrive ainsi à la raison positive qui est le motif qui me fait actualiser par ce Motu Proprio celui de 1988. Il s’agit de parvenir à une réconciliation interne au sein de l’Eglise. En regardant le passé, les divisions qui ont lacéré le corps du Christ au cours des siècles, on a continuellement l’impression qu’aux moments critiques où la division commençait à naître, les responsables de l’Eglise n’ont pas fait suffisamment pour conserver ou conquérir la réconciliation et l’unité ; on a l’impression que les omissions dans l’Eglise ont eu leur part de culpabilité dans le fait que ces divisions aient réussi à se consolider. Ce regard vers le passé nous impose aujourd’hui une obligation : faire tous les efforts afin que tous ceux qui désirent réellement l’unité aient la possibilité de rester dans cette unité ou de la retrouver à nouveau. Il me vient à l’esprit une phrase de la seconde épître aux Corinthiens, où Saint Paul écrit : « Nous vous avons parlé en toute liberté, Corinthiens ; notre coeur s'est grand ouvert. Vous n'êtes pas à l'étroit chez nous ; c'est dans vos coeurs que vous êtes à l'étroit. Payez-nous donc de retour ; … ouvrez tout grand votre coeur, vous aussi ! » (2Co 6,11-13). Paul le dit évidemment dans un autre contexte, mais son invitation peut et doit aussi nous toucher, précisément sur ce thème. Ouvrons généreusement notre cœur et laissons entrer tout ce à quoi la foi elle-même fait place.

Il n’y a aucune contradiction entre l’une et l’autre édition du Missale Romanum. L’histoire de la liturgie est faite de croissance et de progrès, jamais de rupture. Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous, et ne peut à l’improviste se retrouver totalement interdit, voire considéré comme néfaste. Il est bon pour nous tous, de conserver les richesses qui ont grandi dans la foi et dans la prière de l’Eglise, et de leur donner leur juste place. Evidemment, pour vivre la pleine communion, les prêtres des communautés qui adhèrent à l’usage ancien ne peuvent pas non plus, par principe, exclure la célébration selon les nouveaux livres. L’exclusion totale du nouveau rite ne serait pas cohérente avec la reconnaissance de sa valeur et de sa sainteté.

Pour conclure, chers Confrères, il me tient à cœur de souligner que ces nouvelles normes ne diminuent aucunement votre autorité et votre responsabilité, ni sur la liturgie, ni sur la pastorale de vos fidèles. Chaque Evêque est en effet le « modérateur » de la liturgie dans son propre diocèse (cf. Sacrosanctum Concilium, n. 22 : «  Sacrae liturgiae moderatio ab Ecclesiae auctoritate unice pendet : quae quidem est apud Apostolicam Sedem et, ad normam iuris, apud Episcopum »).

Rien n’est donc retiré à l’autorité de l’Evêque dont le rôle demeurera de toute façon celui de veiller à ce que tout se passe dans la paix et la sérénité. Si quelque problème devait surgir et que le curé ne puisse pas le résoudre, l’Ordinaire local pourra toujours intervenir, en pleine harmonie cependant avec ce qu’établissent les nouvelles normes du Motu proprio.

Je vous invite en outre, chers Confrères, à bien vouloir écrire au Saint-Siège un compte-rendu de vos expériences, trois ans après l’entrée en vigueur de ce Motu proprio. Si de sérieuses difficultés étaient vraiment apparues, on pourrait alors chercher des voies pour y porter remède.

Chers Frères, c’est en esprit de reconnaissance et de confiance que je confie à votre cœur de Pasteurs ces pages et les normes du Motu proprio. Souvenons-nous toujours des paroles de l’Apôtre Paul, adressées aux prêtres d’Ephèse : « Soyez attentifs à vous-mêmes, et à tout le troupeau dont l'Esprit-Saint vous a établis gardiens, pour paître l'Eglise de Dieu, qu'il s'est acquise par le sang de son propre Fils » (Ac  20,28).

Je confie à la puissante intercession de Marie, Mère de l’Eglise, ces nouvelles normes, et j’accorde de tout mon cœur ma Bénédiction Apostolique à vous, chers Confrères, aux curés de vos diocèses, et à tous les prêtres vos collaborateurs ainsi qu’à tous vos fidèles. 

Fait auprès de Saint-Pierre, le 7 juillet 2007.

BENEDICTUS PP. XVI
II - COMMUNIQUÉS DU VATICAN

BENOÎT XVI RENONCE AU PONTIFICAT SUPRÊME
Cite du Vatican, 11 février 2013 (VIS).

Peu après 11h30 heure de Rome, à la conclusion du consistoire pour les nouvelles causes de canonisation, Benoît XVI a repris la parole. S'adressant aux Cardinaux présents, il a annoncé sa décision de renoncer au pontificat suprême. Voici la traduction officielle du texte, daté d'hier dimanche, lu en latin par le Saint-Père :

« Frères très chers, je vous ai convoqués à ce Consistoire non seulement pour les trois canonisations, mais également pour vous communiquer une décision de grande importance pour la vie de l’Église.

« Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, à diverses reprises, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère pétrinien. Je suis bien conscient que ce ministère, de par son essence spirituelle, doit être accompli non seulement par les œuvres et par la parole, mais aussi, et pas moins, dans la souffrance et la prière. Cependant, dans le monde d’aujourd’hui, sujet à de rapides changements et agité par des questions de grande importance pour la vie de la foi, pour gouverner la barque de Pierre et annoncer l’Évangile, la vigueur du corps et de l’esprit est aussi nécessaire, vigueur qui, ces derniers mois, s’est amoindrie en moi au point que je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministère qui m’a été confié.

« C’est pourquoi, parfaitement conscient de la gravité de l’acte, en pleine liberté, je déclare renoncer au ministère d’Évêque de Rome, Successeur de l'apôtre Pierre, qui m’a été confié par le biais des Cardinaux le 19 avril 2005, de telle sorte que, à partir du 28 février 2013 à vingt heures, le Siège de Rome, le Siège de Saint Pierre, sera vacant et le conclave pour l’élection du nouveau Souverain Pontife devra être convoqué par ceux à qui il appartient de le faire.

« Du fond du cœur je vous remercie pour tout l’amour et le travail avec lequel vous avez porté avec moi le poids de mon ministère et je demande pardon pour tous mes défauts. Maintenant, confions la Sainte Eglise de Dieu au soin de son Souverain Pasteur, Notre Seigneur Jésus-Christ, et implorons sa sainte Mère, Marie, afin qu’elle assiste de sa bonté maternelle les Cardinaux dans l’élection du Souverain Pontife. Quant à moi, puissé-je servir de tout cœur, aussi dans l’avenir, la Sainte Eglise de Dieu par une vie consacrée à la prière.» 
LA SOLIDARITÉ DU SACRÉ COLLÈGE
Cite du Vatican, 11 février 2013 (VIS)

Au nom des Cardinaux présents, le Cardinal Doyen a tenu à réagir à l'annonce du Pape :

« C'est avec stupeur et incrédulité que nous venons de l'écouter. Vos paroles étaient remplies de tout l'attachement que vous avez toujours porté à l'Eglise, à la sainte Eglise de Dieu que vous aimez tant. Permettez moi de dire pour ce cénacle apostolique comme au nom de tous vos collaborateurs que nous vous sommes plus que jamais proches, comme nous l'avons été au long de ces huit années d'un pontificat lumineux.

« Je me souviens du 19 avril 2005, lorsque je vous ai demandé à l'issue du conclave su vous acceptiez votre élection canonique au pontificat suprême, et de acceptation à la grâce du Seigneur et sous les auspices de Marie, la mère de l'Eglise. Ce jour ci, comme elle, vous avez dit oui et ouvert ce beau pontificat dans la continuité de l'histoire de l'Eglise dont vous avez tant parlé, et dans le sillage de vos 265 prédécesseurs...de l'apôtre Pierre, le simple pêcheur de Galilée, jusqu'aux grands Papes du siècle passé, de saint Pie X au bienheureux Jean-Paul II.

« Très Saint-Père, avant le 28 février, jour que vous avez fixé pour terme d'un ministère pétrinien fait de tant d'amour et accompli avec tant d'humilité, nous aurons l'occasion de mieux vous exprimer notre attachement, à l'instar de tant de pasteurs et de fidèles, de tant de personnes de bonne volonté et de responsables de par le monde. Et puis nous aurons encore la joie d'entendre votre voix de père et de pasteur ce mercredi des Cendres, le lendemain lors de la rencontre avec le clergé romain, aux prochains angélus dominicaux.

« Ceci dit, votre mission se poursuivra puisque vous nous avez assurés de votre proximité et de votre témoignage dans la prière. Comme les étoiles du ciel, celle de votre pontificat continuera donc à briller parmi nous. Nous restons près de vous et attendons votre bénédiction. »

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