25 février 2014

[Paix Liturgique] Papeete découvre les bienfaits de Summorum Pontifucum

SOURCE - Lettre 428 de Paix Liturgique - 25 février 2014

Nos lecteurs réguliers savent que, grâce au dévouement de quelques familles et au zèle d’un jeune prêtre missionnaire, les habitants de Papeete ont pu bénéficier de la messe traditionnelle et de la pastorale qui va avec, durant le temps de Noël. Avec l’accord bienveillant de l’Administrateur apostolique, la chapelle de l’évêché a en effet servi d’écrin à la célébration quotidienne de la forme extraordinaire du rite romain, de mi-décembre à mi-janvier. L’expérience a été un succès. Preuve, s’il en était besoin, de l’universalité de la liturgie traditionnelle.
I – UN MOIS DE GRÂCES
En juillet 2013, quelques familles de Papeete (Tahiti, Polynésie française) évoquent avec un prêtre de la ville leur désir de bénéficier de l’application du Motu Proprio Summorum Pontificum. Celui-ci les invite à formuler leur demande par écrit, ce qui est fait le 18 septembre 2013. Une dizaine de familles signent le courrier.

Courant octobre 2013, le prêtre destinataire de la demande informe les fidèles qu’à sa connaissance, il n’y a pas de prêtres compétents pour satisfaire cette demande dans la zone polynésienne. Il se déclare néanmoins être lui-même disposé à se former à la célébration de la liturgie traditionnelle, ce qui ne peut malheureusement advenir que lors de son prochain séjour en métropole, mi-2014. Cela fait en effet tellement longtemps que le Missel du bienheureux Jean XXIII n’est plus utilisé dans l’île qu’aucun autre prêtre n’est en mesure de l’aider à le prendre en main.

Quelques jours plus tard, les fidèles sont reçus par l’Administrateur apostolique, Mgr Chang Soi, pour lui faire part de leur projet de faire venir pour quelques semaines un prêtre célébrant la forme extraordinaire. Mgr Chang Soi se déclare prêt à accueillir avec bienveillance une telle initiative. Il ne reste alors plus aux fidèles qu’à trouver un prêtre.

Ces familles font donc connaître leur souhait en diffusant une annonce via internet : « Des familles résidant en Polynésie Française, à Tahiti, attachées à la liturgie tridentine, recherchent un prêtre pour célébrer la Messe selon la forme extraordinaire du rite romain et administrer les sacrements pour la période de Noël, et ultérieurement par courtes périodes. Il faut prévoir de rester quelque temps sur place, en raison de l’acclimatation (saison chaude et humide) et du décalage horaire (12 h avec la métropole). Idéal pour un prêtre cherchant le repos. Si les familles ne peuvent financer l’intégralité du billet d’avion, elles se proposent d’y participer autant que possible et recherchent des associations pouvant accueillir des dons pour financer les frais d’avion et de séjour que ces voyages occasionneront ».

« Aide-toi et le Ciel t'aidera » : quinze jours plus tard, leur recherche aboutit. Les fidèles informent alors l’Administrateur apostolique qui accepte de mettre à leur disposition la chapelle de l’évêché.

Le 24 décembre, c’est donc un joli conte de Noël que nous offrons à nos lecteurs, puisque notre lettre 419 communique les horaires des messes quotidiennes célébrées à Papeete jusqu’au 15 janvier et, en particulier, celles de la nuit et du jour de Noël. Une messe de Minuit traditionnelle à Tahiti : voici le premier résultat, permis par le Motu Proprio de Benoît XVI, des efforts de nos valeureuses familles, conjugués au bon sens de l’Ordinaire du lieu et au zèle missionnaire d’un jeune prêtre métropolitain.

Mais ce n’est pas tout et nous sommes heureux de vous livrer le bilan de ce mois de découverte deSummorum Pontificum à Papeete, tel qu’il nous a été communiqué :

– au total, plus de 140 personnes différentes ont assisté à la messe de saint Pie V, dont près de la moitié de non-pratiquants voire de non-catholiques (protestants, adventistes), qu’il s’agisse de Français de métropole ou de Tahitiens. Si certains ont retrouvé la messe de leur enfance, beaucoup ont tout simplement découvert cette messe ;

– près de 25 personnes en moyenne ont assisté chaque jour à la sainte messe (qu’elle soit chantée ou basse) et on comptait plus de 60 fidèles le dernier dimanche ;

– cinq « compléments » (accomplissement des cérémonies omises) de baptême ont été donnés ;

– un adulte a demandé à être préparé au baptême, et un couple a demandé une préparation au mariage ainsi que la possibilité de célébrer ce mariage dans la liturgie traditionnelle ;

– une abjuration de protestant a été entendue ;

– une rencontre avec six prêtres du diocèse a été organisée pour leur faire découvrir la liturgie traditionnelle, leur en expliquer les raisons et leur en illustrer les bienfaits ;

– un de ces prêtres, après avoir assisté à l’une des messes dominicales, extrêmement touché par cette liturgie, a demandé à apprendre à célébrer la forme extraordinaire ;

– différents entretiens avec l’Administrateur apostolique ont eu lieu, dont un avec une délégation de fidèles apportant leurs témoignages, et un autre avec l’Évêque émérite, Mgr Hubert Coppenrath, 83 ans, toujours au service du diocèse comme exorciste ;

– après avoir pris conscience de l’importance de cette messe pour certaines de ses ouailles, l’Administrateur apostolique a exprimé le vœu de l’installation durable de cette forme liturgique en Polynésie ;

– 900 documents ont été imprimés et distribués auprès des fidèles, permettant ainsi une action pastorale de divulgation de petits catéchismes, de livrets de prières et de l’ordinaire de la Messe en latin-français ;

– un catéchisme pour enfants a été tenu, avec la participation régulière d’enfants de familles ayant « tout lâché », qui sont revenus la fois suivante ;

– les familles ont pu faire bénir leur maison, se faire imposer le scapulaire du Mont-Carmel et participer à un dimanche de récollection sur le thème de la famille et de l’éducation ;

– une conférence sur la place du catholique dans la Cité a été donnée ;

– et… une crêperie a été bénie en public.

Sans compter l’impact d’un prêtre immédiatement reconnaissable dans les rues de la ville par sa soutane, source d’innombrables échanges entre habitants. Un beau résultat pastoral.
II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE
1) À un an de la fin du pontificat de Benoît XVI, les fruits de Summorum Pontificum continuent d’éclore. Ce qui vient de se passer à Papeete démontre combien le précédent Pape a été visionnaire lorsqu’il a invité les évêques du monde entier, dans sa lettre du 7 juillet 2007, à « donner leur juste place » aux « richesses qui ont grandi dans la foi et dans la prière de l’Église ». En répondant favorablement au projet des fidèles de Papeete, c’est en fait à cette invitation de Benoît XVI que l’Administrateur apostolique a répondu. Et il se trouve, à en croire nos correspondants, qu’il n’a pas eu à regretter sa décision.

2) Ce mois extraordinaire à Tahiti illustre parfaitement toute la puissance missionnaire de la messe traditionnelle. C’est pour cela que beaucoup de ceux qui l’encouragent, la voient comme un instrument valable au service de la nouvelle évangélisation. Pour cela, il convient toutefois de ne pas se contenter de la messe et d’offrir également « tout ce qui va avec ». Si, parfois, certaines applications du Motu Proprio ne décollent pas, c’est en général parce qu’il n’y a pas d’apostolat autour. Bien sûr, quand les prêtres ne sont pas résidents, ce n’est pas toujours possible, et ça l’est encore moins quand certains opposants à la réforme de Benoît XVI interdisent au célébrant et aux fidèles toute publicité autour de leurs activités. Néanmoins, il est important que les demandeurs aient à l’esprit cette nécessaire dimension pastorale, et n’hésitent pas à manifester à l’Ordinaire du lieu qu’il n’est pas juste ni charitable de poser des conditions et des limites à l’application du Motu Proprio.

3) Certains pensent pensent que les demandes pour la messe extraordinaire se sont taries. C’est faux : en ce début 2014, les informations qui nous parviennent (de nombreuses villes de France comme du monde entier) attestent que ces demandes retrouvent même de la vigueur à mesure que de plus en plus de curés et d'évêques diocésains leur donnent une réponse charitable. Plus généralement, sur le terrain, l’avènement du Pape François n’a pas freiné l’effet « restaurateur » né sous le pontificat précédent : les prêtres classiques infléchissent la pastorale conciliaire dans un sens traditionnel comme auparavant ; les assemblées de fidèles des messes traditionnelles sont de plus en plus nombreuses ; les écoles, œuvres et mouvements liés à la messe dans la forme extraordinaire sont toujours aussi florissants. Inversement, il est vrai, les effets de « l’esprit du Concile » sont toujours ravageurs : les diocèses annoncent que les chiffres des séminaires vont encore baisser cette année ; la pratique, spécialement celle des jeunes, continue de s’effriter dans les paroisses ordinaires. Deux logiques diamétralement opposées continuent donc d'avoir libre cours dans l'Église : laïcisation de la liturgie et centralité de la communauté, d'un côté ; centralité du prêtre et sacralisation de la liturgie de l'autre. Jusqu'où ?