10 mai 2014

[Abbé Dubroeucq, fsspx - Aux Sources du Carmel] La pureté est à la base de la perfection évangélique

SOURCE - Abbé Dubroeucq, fsspx - Aux Sources du Carmel - Bulletin du Tiers-Ordre séculier pour les pays de langue française - avril 2014
Cher frère, Chère sœur,
 
Depuis son baptême le chrétien est en marche vers la vie éternelle, cette vie commencée en lui par la grâce sanctifiante reçue au moment de l’ablution sacramentelle. Ce trésor de la vie surnaturelle, il tient à lui, aidé du secours divin, de ne pas le perdre et de le faire croître jusqu’au terme de son existence ici-bas. Car, nous ne sommes pas seuls, Jésus, notre Maître, est notre guide : « Je suis la voie, la vérité et la vie » « Le Christ, étant et communiquant la vérité et la vie, est le chemin même pour aller à Dieu (Jn 14, 6). Il n’y a donc qu’à le suivre pour entrer dans la maison du Père (1) ».

Le suivre, c’est d’abord se renoncer chaque jour, imiter le divin Modèle, et s’unir à Lui. Aussi saint Pierre exhorte-t-il ses fidèles, « comme des étrangers et des voyageurs », à s’abstenir des désirs charnels qui combattent contre l’âme, à avoir une bonne conduite, pratiquant de bonnes œuvres afin que Dieu soit glorifié, « car c’est là la volonté de Dieu, qu’en faisant le bien vous réduisiez au silence l’ignorance des hommes insensés (2). » Après avoir fait de Jésus crucifié l’idéal de sa vie, saint Paul peut déclarer que pour lui, « vivre, c’est le Christ ». Voilà l’union à laquelle toute âme chrétienne doit aspirer, et qui se réalise lorsqu’elle s’est identifiée à Jésus-Christ, se conformant en tout à sa sainte volonté. C’est en accomplissant, sans cesse, comme Jésus, ce qui plaît au Père, que l’on avance sur le chemin spirituel qui mène à la Vie. Dieu alors, nous purifie, puis nous illumine, nous unit enfin à Lui.

La pureté est à la base de la perfection évangélique. Le mot de sainteté, affirme saint Thomas, évoque aussitôt l’idée de pureté (3). Saint Jérôme répondait à la chrétienne Célantia, qui lui demandait un programme de perfection : « Voulez-vous bâtir, non sur le sable mouvant, mais sur la solidité du roc, donnez comme assise à votre construction l’innocence de votre vie ; plus facilement alors vous pourrez vous élever au faîte de la justice (4) » « Vous savez que la première pierre de l’édifice, c’est une bonne conscience, la fuite très soigneuse de tout péché, même véniel, et la recherche du plus parfait (5) ». Au premier degré où se trouvent les commençants, l’âme écarte les obstacles à l’union divine et au règne de Dieu en elle. Elle s’efforce principalement d’éviter le péché et de résister à ses dangereux attraits ; elle alimente la flamme de la divine charité de peur qu’elle ne baisse et ne s’éteigne (6).

Cet éloignement du péché est le premier résultat de la conformité à la Volonté divine. L’âme qui fait sienne cette Volonté sainte participe à son infinie Pureté : elle avance dans la voie des immaculés : « Heureux ceux qui sont irréprochables dans leurs voies (7). »

Si la pureté de conscience est l’élément négatif de la sainteté, les vertus en sont l’élément positif. Il ne suffit pas de fuir le mal, encore faut-il accomplir le bien : « Éloigne-toi du mal et fais le bien (8). » En omettant de faire le bien que l’on doit accomplir, on peut offenser Dieu et le prochain : veillons, par exemple, à ne pas ignorer un membre de notre famille religieuse que nous voyons régulièrement ou qui vit à proximité, à lui adresser quelques mots bienveillants, à lui venir en aide au besoin, à le prévenir de nos services. Faire de même à l’égard du prochain que Dieu met sur notre chemin. Ce sont les vertus naturelles et surnaturelles qui font l’homme parfait et le chrétien idéal. Leur programme d’action s’inscrit tout d’abord en la conscience de chacun par la loi naturelle. Il se trouve ensuite explicité dans la loi positive, le Décalogue, l’Évangile, la législation ecclésiale et civile, par l’autorité de l’Église qui est la grande école des vertus. Aussi toute vertu découle-t-elle comme de sa source première, de la volonté de Dieu manifestée par la loi ou l’autorité. La conformité à cette Volonté devient dès lors le grand moteur de notre organisme moral. Il suffirait d’agir, tout au long de nos journées dans le cadre de cette Volonté pour trouver à toute heure l’occasion de pratiquer le bien. Cette disposition habituellement entretenue met en continuelle activité les vertus morales et plus encore les vertus théologales ; elle suffit pour conduire rapidement à la sainteté. C’est principalement en sa puissance d’union à Dieu et d’identification à la charité que réside la primauté de cette disposition. La sainteté consiste dans l’union parfaite de l’âme avec Dieu : l’union implique assimilation, fusion, transformation ainsi que l’exprime l’Apôtre : « Je vis ; non, ce n’est pas moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi (9). » Or rien ne nous unit plus intimement à Dieu, ne nous fait entrer davantage dans le mystère de sa vie trinitaire que la conformité totale à sa sainte Volonté.

« Il est évident que la souveraine perfection ne consiste pas dans les consolations intérieures, ni dans les sublimes ravissements, ni dans les visions, ni dans l’esprit de prophétie. Elle consiste à rendre sa volonté si conforme à celle de Dieu, que dès que nous comprenons qu’une chose est voulue de Lui, nous nous y attachons de tout notre vouloir (10). » C’est ainsi que notre volonté ne fait plus qu’un avec celle de Dieu, comme l’exprime saint Jean de la Croix : « L’état de divine union consiste pour l’âme dans la totale transformation de sa volonté en la volonté de Dieu, de telle sorte qu’il n’y ait rien dans sa volonté qui soit contraire à la volonté de Dieu, mais que tout le mobile qui dirige cette volonté humaine soit purement et absolument la volonté de Dieu.[…] Dans cet état d’union des deux volontés il n’en demeure plus qu’une, à savoir la volonté de Dieu, qui est devenue la volonté de l’âme (11).

Par la charité enfin, l’âme s’unit à Dieu. C’est ce que réalise la conformité à la volonté de Dieu. L’amour de Dieu est la marque, la mesure de la perfection en même temps que le principe actif de ses développements successifs. On ne se sanctifie vraiment que par la charité. La véritable amitié consiste à n’avoir qu’un seul et même vouloir.

« L’acte d’amour le plus parfait qu’une âme puisse produire envers Dieu, c’est celui que fit saint Paul lorsqu’il se convertit et s’écria : « Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? » Cet acte vaut plus que mille jeûnes et mille disciplines…Toute notre perfection consiste dans l’amour, mais toute la perfection de l’amour consiste dans l’union de notre volonté à celle de Dieu, de là, plus on est uni à la volonté de Dieu, plus grand est l’amour qu’on a pour lui (12). »

Cette conformité conduit l’âme jusqu’aux cimes de la sainteté. Aussi sainte Thérèse, soucieuse de la perfection de ses religieuses, après les avoir exhortées à « travailler avec courage à rendre [leur] volonté conforme à celle de Dieu »et à « prendre tous les moyens nécessaires pour y arriver », ajoute-t-elle que c’est en cela que « consiste toute entière la perfection la plus haute que l’on puisse atteindre dans le chemin spirituel. Plus cette conformité est parfaite, plus on reçoit du Seigneur, et plus on est avancé sur ce chemin (13). » C’est un fiat total et permanent que nous apprenons à l’école de Notre Seigneur et de Notre-Dame.

Que l’exemple de Notre-Seigneur, se faisant obéissant jusqu’à la mort de la Croix pour se conformer à la volonté sainte de son Père et celui de Notre-Dame de Compassion redisant son Fiat, nous entraînent à leur suite sur le chemin qui, avec la grâce de Dieu, nous conduira à la Vie éternelle.

Je vous bénis

Abbé L.-P. Dubrœucq +
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Notes

(1) R.P. Spicq, Vie chrétienne et pérégrination selon le Nouveau Testament, Cerf, 1972, ch.7, p.197.
(2) 1 Pi. 2, 15.
(3) 2a-2ae, q.81, a. 8c..
(4) St Jérôme, Lettre CXLVIII, 7, in Migne, PL, XXII, col. 1207.
(5) Ste Thérèse de Jésus, Chemin de perfection, ch.5, 3, in Thérèse d'Avila. Œuvres complètes, Paris, Cerf, 1995, p.718.
(6) St Thomas, II-II, q. 24, a. 9.
(7) Ps. CXVIII, 1.
(8) Ps. 36, 27.
(9) Gal.2, 20.
(10) Ste Thérèse de Jésus, Fondations, ch. V, 10, in Thérèse d'Avila. Œuvres complètes, op. cit., p. 465-466.
(11) La montée du Carmel, Livre I, ch. 11, 2-3, in Jean de la Croix. Œuvres complètes, Paris, Cerf, 1997, p. 617.
(12) St Alphonse, De la conformité à la volonté divine.
(13) Château intérieur, Deuxièmes Demeures, 8, in Œuvres complètes, op. cit., p.991-992.