7 mai 2014

[Mgr Fellay, fsspx - Lettre à Nos Frères Prêtres] Dans ce climat de confusion, restaurer l'Eglise par la messe


SOURCE - Lettre à Nos Frères Prêtres - mars 2014

Entretien avec Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X
L’arrivée d’un nouveau pape
L’arrivée d’un nouveau pape peut ressembler à une sorte de remise à zéro des compteurs. Surtout avec un pape qui se distingue de ses prédécesseurs dans sa manière de faire, de parler, d’intervenir avec un contraste très grand. Cela peut faire oublier le pontificat précédent et c’est un peu ce qui s’est passé, en tout cas au niveau de certaines lignes conservatrices ou restauratrices intimées par le pape Benoît XVI. C’est sûr que les premières interventions du pape ont apporté beaucoup de flou et même presque une contradiction, en tout cas une opposition par rapport à ces lignes restauratrices.
Un exemple : les Franciscains de l’Immaculée
Ils suivent dans leur spiritualité les indications du Père Maximilien Kolbe. Ceci est très intéressant parce que Maximilien Kolbe veut le combat pour l’Immaculée, le combat par l’Immaculée, la victoire de Dieu contre les ennemis de Dieu – on peut utiliser vraiment le terme –, et nommément les francs-maçons. C’est très intéressant de voir cela. Ce combat contre le monde, contre l’esprit du monde les a rendus proches de nous, presque par nature peut-on dire, parce que s’inscrire dans un combat contre le monde, quelque part cela implique la Croix. Cela implique les principes éternels de l’Église : ce qu’on appelle l’esprit chrétien. Cet esprit chrétien est magnifiquement exprimé dans l’ancienne messe, dans la messe tridentine. Si bien que lorsque Benoît XVI a publié son Motu Proprio qui ouvrait de nouveau largement la possibilité de la messe, cette congrégation a décidé en chapitre, c’est-à-dire toute la congrégation, de revenir à l’ancienne messe et vraiment in globo, – en envisageant qu’ils auraient beaucoup de problèmes puisqu’ils ont des paroisses, mais néanmoins que ces problèmes n’étaient pas insurmontables.

L’un ou l’autre a aussi commencé à poser certaines questions sur le Concile. Si bien que quelques mécontents, une poignée si l’on considère leur nombre, ils sont environ 300 prêtres et frères, une dizaine ont protesté à Rome en disant : « On veut nous imposer l’ancienne messe, on attaque le Concile ». Ceci a provoqué une réaction très forte de la part de Rome, déjà sous le pontificat de Benoît XVI – il faut préciser cela – néanmoins les conclusions, les mesures ont été prises sous le pape François. Ces mesures c’est, entre autres, l’interdiction pour tous les membres de célébrer l’ancienne messe, avec quelques ouvertures, permissions, éventuellement, ici ou là… Ceci est directement contraire au Motu Proprio qui parlait d’un droit, que les prêtres avaient le droit de célébrer l’ancienne messe et donc n’avaient pas besoin de permission ni de l’ordinaire, ni même du Saint-Siège. Donc c’est très fort, là, il y a manifestement un signal.
Une nouvelle approche de l’Eglise
« On ferme la parenthèse », c’est la parole utilisée par plusieurs progressistes à l’avènement du pape François. Je pense qu’en tout cas pour ceux qu’on appelle les progressistes, c’était une volonté. C’est-à-dire que le pontificat de Benoît XVI étant terminé, on jette aux oubliettes ce pontificat et ses initiatives qui essayaient de rétablir vaille que vaille la situation par quelques corrections – peut-on dire restauration? –, en partie en tout cas il y avait au moins un désir de sortir l’Église du désastre dans lequel elle se trouve.

Arrive le nouveau pape avec diverses positions, attaquant un peu tout. Tout le monde a compris : Benoît XVI est oublié ! On a beau eu dire : « Mais non ! C’est bien le même combat, Benoît et François, même combat ! » Manifestement, l’attitude n’est pas du tout la même. L’approche, la définition des problèmes qui touchent l’Église, n’est pas la même ! Cette idée d’introduire des réformes encore beaucoup plus puissantes que tout ce qui a été fait jusqu’ici… En tout cas, on n’a pas l’impression que cela ne sera que du cosmétique, ces réformes du pape François!

Alors qu’en sera-t-il pour l’Église ? C’est très difficile à dire. 
Un climat de confusion
L’avènement d’un nouveau pape fait oublier ce qui l’a précédé, comme une sorte de départ à zéro, avec beaucoup de surprises, beaucoup de blessures même, parce que par ses paroles il a égratigné un peu tout le monde, pas nous seulement, mais tous les conservateurs en général. Sur des questions de morale, il a eu des prises de position étonnantes, par exemple cette question sur les homosexuels : « Qui suis-je pour juger ? » – Eh bien quoi ! Le pape qui est le souverain juge, ici-bas. Donc s’il y a quelqu’un qui peut juger, qui doit juger et exposer au monde la loi de Dieu, c’est bien lui ! Cela ne nous intéresse pas ce que le pape pense personnellement, ce que l’on attend de lui c’est qu’il soit la voix du Christ et donc la voix de Dieu, qui nous répète ce que Dieu a dit ! Et Dieu n’a pas dit : « Qui suis-je pour juger ? » Il a dit vraiment autre chose : voyez les condamnations qu’on retrouve chez saint Paul, non seulement celles de l’Ancien Testament – on peut penser à Sodome et Gomorrhe – elles sont très explicites. Saint Paul, l’Apocalypse sont très énergiques envers ce monde contre-nature. Donc des phrases comme cela, même si elles ont été « récupérées », laissent l’impression que sur beaucoup de choses tout et le contraire de tout a été dit. Cela crée un climat de confusion, les gens sont déstabilisés : ils attendent nécessairement la clarté sur la morale, encore plus sur la foi, les deux sont liées. La foi et les moeurs sont les deux points que l’Église enseigne et où l’infaillibilité peut être engagée, et tout à coup on voit un pape qui lance le flou… Cela va beaucoup plus loin : lors d’une interview aux jésuites, le pape attaque ceux qui veulent la clarté. C’est invraisemblable ! Il n’utilise pas le mot clarté ; il utilise le mot certitude, ceux qui veulent la sécurité doctrinale. Evidemment on la veut ! Avec les paroles de Dieu lui-même, Notre-Seigneur qui dit qu’il n’y a pas un seul iota qui doive être abandonné, il vaut mieux être précis !
Un pape moins crédible
Difficile de tirer un jugement de ses paroles parce que un peu plus tard, ou presque en même temps, vous trouvez des paroles sur la foi, sur des points de foi, sur des points de morale, qui sont très claires et qui condamnent le péché, le démon ; des propos qui expliquent très fortement et très clairement qu’on ne peut pas aller au Ciel sans une véritable contrition de ses péchés, qu’on ne peut pas attendre la miséricorde du Bon Dieu si l’on ne regrette pas ses péchés sérieusement. Tout cela ce sont des rappels dont nous sommes heureux, des rappels bien nécessaires ! Mais malheureusement qui ont déjà perdu une grande partie de leur force à cause des propositions contraires.

Je crois qu’un des plus grands malheurs de ces propositions, c’est qu’elles ont enlevé la crédibilité, elles ont ôté une grande partie de crédibilité au souverain pontife, si bien que lorsqu’il doit parler ou qu’il devra parler de choses importantes, ces propos seront mis au même niveau que les autres. On dira : « Il cherche à plaire à tout le monde : un coup à gauche, un coup à droite ». J’espère me tromper, mais on a bien l’impression que ce sera une des lignes de ce pontificat.

Plus on est élevé, en position d’autorité, plus il faut faire attention à ce qu’on dit, et surtout pour la parole du pape. Je pense qu’il parle trop. En conséquence, sa parole est galvaudée, vulgarisée : peut-être dans le sens le plus profond du terme. Non decet : cela ne convient pas ; ce n’est pas comme cela que le pape doit faire.

On ne sait plus ce qui est opinion privée, enseignement... Les amalgames se font immédiatement. Mais c’est le pape qui parle ! Or le pape n’est pas une personne privée. Bien sûr qu’il peut parler en théologien privé, mais c’est le pape qui parle quand même ! Et les journaux ne vont pas dire « C’est l’opinion privée du pape », mais bien « C’est le pape, c’est l’Église qui dit cela, qui pense cela ».
Le pape, un homme d’action
Je ne crois pas que j’oserais me dire déjà capable de faire une synthèse. Je vois beaucoup d’éléments disparates, je vois un homme d’action – c’est le primat de l’action, il n’y a pas de doute –, ce n’est pas un homme de doctrine. Un Argentin me disait : « Vous Européens, vous aurez beaucoup de difficultés à cerner sa personnalité, parce que le pape François n’est pas un homme de doctrine, c’est un homme d’action, de praxis. C’est un homme extrêmement pragmatique, très proche du terrain. » On le voit dans ses sermons, il est proche des gens et c’est peut-être cela qui le rend très populaire, parce que ce qu’il dit touche tout le monde. Il égratigne aussi un peu tout le monde, mais il est très proche du terrain. Il n’y a pas beaucoup de théorie. On le voit bien, c’est l’action, tout simplement.

Cela, c’est ce qu’on voit. Mais quelles vont être les incidences, les conséquences sur la vie de l’Église dans son ensemble ? Est-ce tout simplement une voix qui crie dans le désert, qui n’aura aucun effet ou bien au contraire une partie de l’Église, la partie progressiste, va-t- elle en profiter ? On sent bien qu’ils aimeraient en profiter.

Ce qui est intéressant, déjà maintenant – dans cette analyse de la situation de l’Église – c’est de voir que des paroles maladroites sont prononcées, certains en tirent des conclusions, après cela vient une « récupération » (une tentative de rétablissement de la doctrine). Une ou deux récupérations déjà remarquables, ce sont les interventions du Préfet de la Doctrine de la Foi qui réaffirme, avec beaucoup de clarté et de fermeté, les points ébranlés par le pape. C’est un peu comme si le Préfet de la Foi devait censurer ou corriger... C’est un peu maladroit ! Finalement les progressistes, à un certain moment, vont déchanter et vont dire que ce n’est pas ce qu’ils attendaient. En attendant, le pape leur donne un espoir, un faux espoir…
Un pape moderniste ?
J’ai utilisé le mot moderniste, je crois qu’il n’a pas été compris par tout le monde. Peut-être faudrait-il dire un moderniste dans l’action. Encore une fois, il n’est pas le moderniste au sens pur, théorique, un homme qui développe tout un système cohérent, il n’y a pas cette cohérence. Il y a des lignes, par exemple la ligne évolutive mais qui justement est liée à l’action. Quand le pape dit qu’il veut un flou dans la doctrine, quand on introduit même le doute, pas seulement le flou, mais le doute, allant jusqu’à dire que même les grands guides de la foi, comme Moïse, ont laissé la place au doute... Je ne connais qu’un seul doute de Moïse : c’est lorsqu’il a douté en frappant le rocher ! A cause de cela le Bon Dieu l’a puni et il n’a pas pu entrer dans la Terre Promise. Alors ! Je ne crois pas que ce doute soit en faveur de Moïse, qui pour le reste fut plutôt énergique dans ses affirmations… sans aucun doute.

C’est vraiment surprenant cette idée de vouloir dire qu’il faut mettre le doute partout ; c’est très bizarre! Je ne vais pas dire qu’on pense à Descartes, mais cela crée une ambiance. Et ce qui est actuellement dangereux, c’est qu’on en reste là dans les journaux, les médias…

C’est un peu la coqueluche des médias, il est bien vu, on le loue, on le met en exergue, mais ce n’est pas le fond des choses.
Une situation inchangée
C’est une ambiance qui passe à côté de la situation réelle de l’Église, mais la situation, elle, n’a pas changé. On est passé d’un pontificat à l’autre, et la situation de l’Église est restée la même. Les lignes de fond restent les mêmes. Il y a, à la surface, des variations : on peut dire que ce sont des variations sur un thème connu ! Les affirmations de fond, on les a par exemple sur le Concile. Le Concile qui est une relecture de l’Évangile à la lumière de la civilisation contemporaine ou moderne, – le pape a utilisé les deux termes.

Je pense qu’on devrait commencer par demander très sérieusement une définition de ce que c’est que la civilisation contemporaine, moderne. Pour nous et pour le commun des mortels, c’est le rejet de Dieu tout simplement, c’est la mort de Dieu. C’est Nietzsche, c’est l’École de Francfort, c’est une rébellion à peu près généralisée contre Dieu. On le voit un peu partout. On le voit pour l’Union Européenne qui refuse de reconnaître dans sa Constitution ses racines chrétiennes. On le voit dans tout ce que propagent les médias, dans la littérature, la philosophie, l’art : tout tend au nihilisme, à l’affirmation de l’homme sans Dieu, et même en rébellion contre Dieu.

Alors comment peut-on relire l’Évangile à cette lumière-là ? Ce n’est pas possible tout simplement, c’est un cercle carré ! Nous sommes d’accord avec la définition donnée et nous en tirons des conséquences qui sont radicalement différentes de celles du pape François qui va jusqu’à montrer, exposer la continuation de sa pensée en disant : « Regardez les beaux fruits, les fruits merveilleux du Concile : regardez la réforme liturgique ! » Evidemment, c’est là pour nous un frisson dans la colonne vertébrale ! La réforme liturgique qualifiée par son prédécesseur direct comme étant la cause de la crise de l’Église, on a peine à voir et à comprendre qu’elle soit tout d’un coup qualifiée comme un des plus beaux fruits du Concile!

C’est certainement un fruit du Concile, mais si celui-ci est un beau fruit, alors qu’est-ce qui est beau et bon ou mauvais ? On s’y perd ! 
Pour l’instant, rien n’est fait pour guérir l’Église
Pour l’instant, rien n’a été fait pour reprendre la situation de déviance, de décadence de l’Église, absolument rien, aucune mesure qui touche toute l’Église. On peut mentionner l’encyclique sur la foi, je ne pense pas qu’on puisse la considérer comme étant une mesure efficace. Certainement pas.

Cela ne touche pas, cela ne guérit pas le Corps mystique malade, malade à mourir, l’Église moribonde.

Qu’est-ce qu’on fait pour la sortir de là ? Rien, enfin jusqu’ici rien. Des paroles, des paroles qui passent, qui rentrent dans une oreille, qui sortent par l’autre, peut-être qu’on dira que je suis trop dur, je ne sais pas, mais effectivement où sont les mesures prises, annoncées, pour corriger le tir ? Il n’y en a pas. Tout simplement.
L’Église a pourtant les promesses de la vie éternelle
Notre-Seigneur l’a dit très clairement : « Les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle » (Mt. 16,18). On aimerait, au nom même de ces paroles, on aimerait se tourner vers Notre-Seigneur et lui dire : « Mais qu’est ce que vous faites ? Là, vous laissez passer des choses qui semblent aller contre votre parole ! » Autrement dit, nous sommes un peu surpris par ce qui se passe. Là je parle de l’histoire de l’Église. Ces paroles, j’en suis convaincu, ont été la source pour la plupart des théologiens d’affirmations sur l’impossibilité de voir dans l’Église précisément ce que nous voyons. Considérant que c’est absolument impossible, à cause de cette promesse de Notre-Seigneur. Alors, on ne va pas nier les promesses de Notre-Seigneur, on va essayer de dire comment ces promesses qui sont infaillibles, sont encore possibles dans une situation qui nous semble contraire. Il nous semble que cette fois-ci, les portes de l’enfer ont fait une fameuse entrée dans l’Église. Je crois qu’il faut faire très attention, il ne faut pas être univoque. Surtout dans de telles phrases, des phrases de prophétie de Notre-Seigneur, il faut maintenir le fond. Ce sont des analogies très fortes, il y a une réalité qui est affirmée et qui est indéniable : les portes de l’enfer ne prévaudront pas. Un point c’est tout. Mais cela ne veut pas dire que l’Église ne va pas souffrir. Alors, jusqu’où peut aller cette souffrance? Et là, il y a cette marge d’explication, on est obligé d’ouvrir un peu plus loin que ce qu’on pensait.

Quand on pense à saint Paul qui parle du Fils de perdition, qui se fera adorer comme Dieu, donc ce n’est pas seulement un antéchrist militaire, ou – on pourrait dire – civil, c’est une personne religieuse, une personne qui se fait adorer, qui réclame des actes de religion. Et l’abomination de la désolation, est-ce que c’est lié à cela ? Je pense que oui. Donc cela veut dire qu’il y a, à coté de cette annonce, les promesses de l’indéfectibilité de l’Église, les annonces d’un temps effroyable pour l’Église, où les gens se poseront des questions. Justement, cette question-là : mais alors, cette indéfectibilité, ces promesses de Notre-Seigneur ? La sainte Vierge… les fameuses paroles de La Salette, qui sont reprises presque mot à mot par Léon XIII, là ce ne sont pas des révélations, c’est l’Église, et l’Église même on peut dire dans un acte : Léon XIII rédige un exorcisme, ce fameux exorcisme de Léon XIII, mais plus tard, on a rayé la parole la plus solennelle de cet exorcisme, qui annonce que Satan va régner, mettre son trône à Rome. Tout simplement. Donc le siège de l’Église va se retrouver tout à coup siège de l’Antéchrist. Ce sont les paroles mêmes de la sainte Vierge : « Rome deviendra le siège de l’Antéchrist ». Ce sont les paroles de La Salette. De même que « Rome perdra la foi », « l’éclipse de l’Église », donc des paroles très fortes et contrastant avec la promesse. Cela ne veut pas dire que la promesse est caduque, il est évident qu’elle reste, mais qu’elle n’exclut pas pour l’Église un moment de douleur telle qu’on pourra la considérer comme une mort apparente.
Passion du Christ, Passion de l’Église
Je crois qu’on y est. Il reste la question : jusqu’où le Bon Dieu va demander à son Corps mystique d’accompagner, d’imiter ce que son corps physique a dû endurer, ce qui a été jusqu’à la mort ? Est-ce que cela va aller jusque-là, est-ce que cela va s’arrêter avant ? On souhaite tous que cela s’arrête avant. Je pense – ce ne serait pas la première fois – que le Bon Dieu interviendra pour rétablir les choses, au moment où on pensera : cette fois-ci, c’est fini. Je crois que ce sera une des preuves de la divinité de l’Église. Au moment où tous les moyens humains sont achevés, épuisés, autrement dit, où c’est fini, c’est à ce moment-là qu’il va agir. Je pense. Et ce sera alors une manifestation extraordinaire, justement, de ce que cette Église-là est la seule qui soit vraiment divine.
L’attitude des fidèles
Tout d’abord, ils doivent garder la foi. C’est le premier message, on peut le dire, de saint Paul, c’était aussi celui des temps de persécution : restez fermes, state, tenez bon, tenez debout, tenez bien fermes dans la foi. Garder la foi, cela ne peut pas être simplement théorique. Ce que j’appellerais la foi “théorique” existe, c’est celle de quelqu’un qui est capable de réciter le Credo ; il a appris son catéchisme, il le connaît, il est capable de le redire et bien sûr cette foi-là, c’est le commencement, il faut l’avoir sinon on n’a pas la foi. Mais cette foi ne conduit pas encore au Ciel, c’est ce qu’il faut bien comprendre, la foi dont parle l’Écriture, c’est cette foi qui est – selon le terme technique – informée par la charité. C’est de ce rapport entre foi et charité que parle saint Paul aux Corinthiens en disant : « Si j’ai la foi à déplacer les montagnes – ce qui n’est pas une petite chose, une foi à déplacer les montagnes, on ne la voit pas tous les jours ! – et que je n’ai pas la charité, alors je ne suis rien, je ne suis qu’une cymbale qui sonne, rien du tout, une cloche… » (cf. 1 Co 13, 1-2).

Il ne suffit pas de faire de grandes déclarations de foi, il ne suffit pas d’attaquer ou de condamner les erreurs ; beaucoup pensent avoir rempli leur devoir de chrétien en ayant fait cela, c’est une erreur. Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire, c’est une partie, mais la foi dont parlent saint Paul et l’Écriture sainte, c’est la foi informée, c’est-à-dire qui est imbibée de charité. C’est la charité qui donne la forme à la foi. La charité, c’est l’amour de Dieu et par conséquent l’amour du prochain. Il s’agit donc d’une foi qui se tourne vers ce prochain qui est certainement dans l’erreur et qui lui rappelle la vérité mais d’une manière telle que, grâce à ces rappels, le chrétien pourra semer la foi, remettre dans la vérité, amener cette âme vers la vérité. Ce n’est donc pas un zèle amer, c’est au contraire une foi rendue chaleureuse par la charité.
Le devoir d’état
Ce que doivent faire les fidèles, c’est leur devoir d’état. Garder la foi, une foi bien imbibée de charité, profondément ancrée dans la charité, qui va leur permettre d’être sans découragement, sans zèle amer, sans rancune, mais avec cette joie, celle du chrétien qui consiste à savoir que Dieu nous aime tant qu’il est prêt à vivre avec nous, à vivre en nous dans la grâce. Cela donne une lumière à tout ce qui se passe, une joie qui fait oublier les problèmes, qui les remet à leur place, problèmes qui peuvent certainement être sérieux. Mais que sont-ils en comparaison du Ciel qui se gagne précisément dans ces épreuves ? Ces épreuves sont préparées, disposées par le Bon Dieu, non pas pour nous faire tomber mais pour nous faire gagner. Dieu qui va jusqu’à vivre en nous, comme dit saint Paul : « Je vis, non ce n’est pas moi qui vis, c’est Jésus qui vit en moi ! » (Ga 2, 20) C’est tellement beau ! Le chrétien, c’est un tabernacle de la sainte Trinité, un temple de Dieu, un temple vivant!
Le rôle de la Fraternité Saint-Pie X
Son premier souci, c’est vraiment ce qui fait vivre l’Église, c’est la messe. Le saint sacrifice de la messe est vraiment l’application concrète, quotidienne des mérites de Notre Seigneur Jésus-Christ, tout ce qu’il a gagné, mérité sur la Croix et qui est vraiment l’universalité des grâces pour tous les hommes depuis les premiers, Adam et Ève, jusqu’à ceux de la fin du monde. Toutes les grâces ont été méritées par Notre-Seigneur sur la Croix. La messe, c’est la perpétuation, le renouvellement, la représentation de ce sacrifice, c’est un sacrifice identique à celui de la Croix sur l’autel, et qui remet quotidiennement à la disposition des chrétiens, – par extension, on pourrait dire : à la disposition des hommes –, les mérites de Notre-Seigneur, sa satisfaction, sa réparation pour obtenir le pardon de tous ces péchés, cette mer de péchés commis tous les jours, et aussi pour obtenir ces grâces dont nous avons besoin. La messe, c’est vraiment la pompe qui distribue, dans tout le Corps mystique, les grâces méritées sur la Croix. C’est pourquoi on peut dire : c’est le coeur qui distribue par le sang tout ce dont les cellules du corps ont besoin. Ainsi en est-il de la messe, c’est le coeur. En soignant ce coeur, on soigne toute la vie de l’Église.
Restaurer l’Église par la messe
Si on veut, et certainement on veut une restauration de l’Église, c’est là qu’il faut aller. C’est à la source, et la source, c’est la messe. Pas n’importe quelle liturgie, une liturgie, j’ai envie de dire, extrêmement sainte. Sainte à un point inimaginable. D’une sainteté extraordinaire, vraiment forgée par l’Esprit Saint à travers les siècles, rédigée par des papes saints eux-mêmes, et donc d’une profondeur extraordinaire. Il n’y a absolument aucune comparaison entre la nouvelle messe et cette messe-là.

Ce sont vraiment deux mondes, et j’allais dire, les chrétiens un peu sensibles à la grâce s’en rendent compte bien vite. Bien vite. Hélas, aujourd’hui, on constate que beaucoup ne le voient même plus ! Mais pour moi c’est évident que vouloir la restauration de l’Église doit commencer là. Donc c’est pour cela que je suis profondément redevable au pape Benoît XVI pour avoir remis la messe. C’était capital, c’est capital.
Former les prêtres
La Fraternité soigne la messe, veut cette messe, et elle soigne aussi celui qui la dit, et il n’y en a pas trente-six, c’est le prêtre. Donc c’est vraiment le but même de la Fraternité : le sacerdoce, le prêtre, former les prêtres, aider les prêtres, sans aucune limitation, non, pas de limitation, on n’a pas d’exclusivité pour quelqu’un, non ! C’est le prêtre tel que Notre-Seigneur l’a voulu. En lui rappelant, justement ces trésors qu’aujourd’hui beaucoup ignorent. C’est tragique.
Retrouver l’esprit chrétien
La messe, c’est encore plus important. La messe, c’est ce qui va donner la foi, c’est ce qui va nourrir la foi. Evidemment, si on célèbre la messe sans la foi, il y a un gros problème. Alors, il ne s’agit  pas de faire des antagonismes, il s’agit de bien unir ce qui doit l’être. Mais je pense que déjà avec ces deux éléments, on a énormément pour la survie de l’Église. Disons, on voit bien que l’Église a été attaquée à divers niveaux, mais le plus profond, j’en suis persuadé, c’est la perte de l’esprit chrétien. On a voulu devenir comme le monde. On l’a dit tout le temps, c’était le but du Concile que de s’accommoder au monde moderne. Et bien non, ce n’est pas possible ! On vit dans ce monde, donc on en utilise beaucoup de choses qui sont de l’ordre des circonstances historiques concrètes, qui passent. Le fond qui reste, c’est l’attachement au Bon Dieu, c’est le service du Bon Dieu qui inclut, bien sûr, la foi, la grâce, et cet esprit chrétien. On veut aller au Ciel, on doit aller au Ciel, pour cela il faut éviter le péché, et il faut faire le bien. Les deux. Tant qu’on n’en revient pas là, l’Église continuera, disons, à être meurtrie par un virus morbide qui est le virus du monde moderne, justement de la civilisation moderne.
Le triomphe du Coeur Immaculé de Marie
« A la fin, mon Coeur Immaculé triomphera », c’est une parole absolue qui n’est pas du tout conditionnée par ce qui s’est passé avant. Et c’est vraiment une parole qui fixe l’espérance, qui l’établit, c’est un rocher. Evidemment, comme il semble bien que ce triomphe est lié à la consécration (de la Russie), on demande la consécration, c’est tout à fait normal. Jusqu’à quand faudra-t-il attendre pour la voir faite comme elle a été demandée, ou est-ce que le Bon Dieu, encore une fois, va se contenter de moins ? On ne le sait pas. Ce qu’on sait c’est qu’à la fin il y a ce triomphe. Et donc, cela c’est une certitude. On ne va pas parler d’une certitude de foi, parce que ce n’est pas une question de foi, c’est une parole donnée par la sainte Vierge, et puis, on sait bien que cette parole, elle vaut ! C’est tout. Stat!