26 mars 2015

[Jérôme Bourbon - Rivarol] Mgr Williamson sacre un nouvel évêque

SOURCE - Jérôme Bourbon - Rivarol - 26 mars 2015

Le 19 mars, solennité de saint Joseph, Mgr Richard Williamson a procédé à la consécration épiscopale sans mandat pontifical de l’abbé Jean-Michel Faure au monastère bénédictin de Nova Friburgo (près de Rio de Janeiro) au Brésil. Ce sacre n’est pas vraiment une surprise. Il est en effet la conséquence directe de la division entre les quatre évêques sacrés par Mgr Lefebvre le 30 juin 1988. Ayant été exclu de la FSSPX en octobre 2012 par son supérieur général, Mgr Bernard Fellay, Richard Williamson, qui a eu 75 ans le 8 mars, est depuis libre de ses mouvements. Comme il est opposé au processus de rapprochement entre la direction de la Fraternité Saint-Pie X et les modernistes qui occupent le Vatican, il a jugé bon de pourvoir à sa succession en sacrant un de ses proches, l’abbé Jean-Michel Faure, un prêtre français, un Pied-Noir né en Algérie en août 1941, qui est entré comme lui au séminaire d’Ecône en 1972 et qui a été ordonné prêtre par Mgr Lefebvre en juin 1977. Ancien supérieur de district d’Amérique du sud, ancien directeur du séminaire de la Reja, ancien supérieur du Mexique, l’abbé Faure était un intime de Mgr Lefebvre. En 1986, le fondateur d’Ecône aurait proposé à l’abbé Faure de le sacrer, ce que ce dernier aurait refusé, proposant plutôt de choisir l’Espagnol Alfonso de Galarreta.
MENZINGEN CONDAMNE LE SACRE AVANT LE VATICAN !
Ce sacre a été immédiatement condamné par la direction de la Fraternité Saint-Pie X qui précise que le consacré et le consécrateur ne sont plus membres de la Fraternité, que cette initiative ne saurait être comparée aux sacres de 1988 — pourtant eux aussi opérés sans mandat pontifical, ainsi d’ailleurs que le sacre de Mgr Rangel le 28 juillet 1991 à Campos par trois évêques de la FSSPX —. Menzingen affirme que Mgr Williamson et ses amis ne reconnaissent que « de façon purement rhétorique les autorités romaines ». Mais n’est-ce pas là le reproche fait depuis 1988 à la Fraternité Saint-Pie X par la Fraternité Saint-Pierre qui, elle, est reconnue par le Vatican et lui est soumise ? 

Cette condamnation solennelle du sacre du 19 mars par la FSSPX, d’abord destinée à montrer sa bonne volonté au Vatican, a été très appréciée en hauts lieux. Dans un entretien à I-Media, le secrétaire de la commission “pontificale” Ecclesia Dei “Mgr” Pozzo déclare d’une part que par ce sacre Richard Williamson est automatiquement excommunié. « Lorsqu’un évêque consacre un autre évêque sans mandat pontifical, il est excommunié latae sententiae » affirme Guido Pozzo qui ajoute que « les conséquences canoniques devraient être désormais prises par la Congrégation pour les évêques, dont c’est la compétence ». Excommunier publiquement un évêque révisionniste ne peut en tout cas que réjouir la Synagogue !

D’autre part, le “prélat” romain avoue : « Nous apprécions ce qu’a fait savoir la Maison générale de la Fraternité Saint-Pie-X, qui s’est exprimée très clairement ». Actuellement, confie “Mgr” Guido Pozzo, le dialogue “continue”avec la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X. « Plusieurs rencontres ont eu lieu et sont encore prévues avec certains prélats pour approfondir les problèmes qui restent à éclaircir, dans un rapport de confiance », poursuit le secrétaire de la Commission “pontificale” Ecclesia Dei pour qui, au-delà des difficultés doctrinales qui subsistent, les problèmes sont « internes à la Fraternité ». « Le pape, poursuit “Mgr” Pozzo, attend que la Fraternité Saint-Pie-X décide d’entrer (dans l’Eglise) et nous sommes toujours disponibles, avec un projet canonique qui est déjà connu », à savoir la création d’une prélature personnelle. « Il faut un peu de temps, conclut-il, pour que les choses s’éclaircissent en interne et que Mgr Fellay puisse obtenir un consensus assez élargi avant d’accomplir ce geste ». Il n’est pas sûr que le supérieur général de la FSSPX soit ravi de la déclaration très franche du secrétaire de la commission Ecclesia Dei qui rend publique et transparente sa stratégie accordiste. 
Une politique de ralliement par degrés qui a fait des vagues
Il ne fait en effet aucun doute pour les observateurs attentifs que depuis plus d’une quinzaine d’années la direction de la FSSPX cherche un arrangement avec le Vatican. D’où la création du GREC (Groupe de recherche entre catholiques) en 1997 qui faisait dialoguer en toute discrétion des traditionalistes et des clercs et “prélats” conciliaires en vue d’une « régularisation canonique » de la FSSPX. D’où la création en 1998 de la Lettre à nos frères prêtres, « trimestriel de liaison de la Fraternité Saint-Pie X avec le clergé de France ». D’où surtout la reprise en 2000 de pourparlers entre le Vatican et la FSSPX, année où fut versée par le ministère de l’Intérieur français la totalité des dons et legs en faveur de la Fraternité pour une valeur de plusieurs dizaines de millions d’euros, somme qui avait été bloquée depuis les sacres de 1988. Ces discussions auxquelles Menzingen avait convié les prêtres de Campos conduiront au ralliement de ces derniers en 2001-2002. 

Historiquement les discussions avec le Vatican ont toujours divisé et affaibli le camp de la résistance à Vatican II : les négociations entre Mgr Lefebvre et le “cardinal” Ratzinger n’ont pas abouti en 1988 mais elles ont débouché sur la création de la Fraternité Saint-Pierre et la sécession du Barroux. Les actuelles discussions n’ont pas manqué non plus d’exciter les tendances centrifuges au sein de la mouvance lefebvriste, un peu sur la gauche mais surtout à droite. 

D’un côté des prêtres et des communautés impatients de voir l’accord se conclure se rallient (les Rédemptoristes transalpins en 2008 ; des prêtres passent au “diocèse” comme les abbés Beaublat, Mercury, Lamerand, Prouteau, Thuillier, devenu le secrétaire particulier de “Mgr” Vingt-Trois, “cardinal-archevêque” de Paris !) Le cas de l’Institut du Bon Pasteur créé en 2006 est un peu différent car il a pour origine un problème de discipline et de gestion interne même s’il aboutit, lui aussi, au ralliement de figures historiques de la Fraternité comme les abbés Philippe Laguérie — auquel Suresnes avait envoyé en 2004 des vigiles et des chiens pour le faire quitter d’urgence le prieuré de Bruges près de Bordeaux et l’avait exclu de la cultuelle pour qu’il soit privé à vie de couverture sociale —, Guillaume de Tanoüarn, Paul Aulagnier, lequel a été exclu de la FSSPX au moyen d’un simple fax en octobre 2003 parce qu’il s’était déclaré trop tôt et trop ouvertement accordiste en approuvant bruyamment l’accord de Campos avec le Vatican. Accord auquel, on le sait tous aujourd’hui, Mgr Fellay travaillait déjà à l’époque dans la plus grande discrétion, notamment avec le “cardinal” Castrillon Hoyos. 

D’autres, plus nombreux, n’acceptent pas ce qui leur apparaît comme les prémices d’un ralliement à « la Rome moderniste ». Une soixantaine de prêtres ont ainsi quitté la FSSPX (ou en ont été exclus) ces dernières années car ils refusaient la politique de Mgr Fellay. Les abbés Pinaud et Salenave ont même eu à répondre de leurs actions supposées contre le supérieur général à travers des « procès canoniques » en interne. Pour découvrir qui étaient les auteurs d’un libelle contre Mgr Fellay (la lettre dite des trente-sept prêtres du 28 février 2013), on a fait espionner la messagerie électronique des abbés Rioult, Salenave et Pinaud. Ce dernier a porté plainte au pénal pour usurpation d’identité, faux et usage de faux car un de ses confrères envoyait des messages à sa place sous son identité à des fins de renseignement ! Le procès des abbés Pinaud et Salenave a même fait l’objet d’un livre de l’abbé Pivert Quel droit pour la Tradition catholique ? Lequel abbé Pivert a quitté la FSSPX après la condamnation par Mgr Fellay de son livre Mgr Lefebvre : nos rapports avec Rome, livre dans lequel l’abbé recensait toutes les déclarations du fondateur d’Ecône hostiles au ralliement. 

Plusieurs communautés amies ont également fait sécession : les bénédictins de Nova Friburgo et la communauté du père Jahir au Brésil en 2012, des carmélites en Allemagne en 2012 également, les dominicains d’Avrillé en janvier 2014, deux dominicaines enseignantes de Brignoles en juillet 2014. 

D’autres communautés religieuses, sans avoir encore franchi le pas, sont très réticentes à l’égard des orientations actuelles du supérieur général. C’est le cas des capucins de Morgon et des bénédictins de Bellaigue. Mgr Fellay avait d’ailleurs retardé sine die en juin 2012, quelques jours avant la cérémonie, les ordinations des capucins et des dominicains se plaignant de leur manque de confiance à son égard. Les franciscaines du Trévoux, quant à elles, ont rétabli dans leur Ordo de 2015, comme centre de messe au Brésil le monastère bénédictin de Nova Friburgo — qu’elles avaient supprimé dans l’édition 2014 — s’affranchissant en cela des consignes de Menzingen.

Ce qui a rendu les oppositions encore plus rudes, c’est que les mécontents ont eu le sentiment d’avoir été manipulés pendant des années par le supérieur général. Pour arriver à faire accepter l’idée d’un accord à des troupes qui y étaient très majoritairement hostiles il y a encore 15 ou 20 ans, Mgr Fellay, de manière très gaullienne, a dû utiliser la ruse, la duplicité, le mensonge, fût-ce par omission, et la fameuse restriction mentale.

D’où l’orchestration, pendant quinze ans, d’un double discours : un discours ad intra contre les accords dans ses homélies, ses conférences, dans Cor unum, le bulletin interne réservé aux prêtres de la Fraternité où le supérieur général rappelait le principe qui prévalait de facto depuis les sacres : pas d’accord pratique avec le Vatican sans accord doctrinal préalable. Et un discours ad extra, dans ses conférences de presse, ses interviews et confidences aux journalistes et aux “prélats” romains, à travers aussi sa discrète et efficace courroie de transmission, le GREC, en faveur d’un rapprochement et d’un accord avec la “Rome moderniste”. Il a fallu attendre l’échange des lettres entre les quatre évêques et le préambule doctrinal du 15 avril 2012, jamais rétracté sur le fond, dans lequel Mgr Fellay reconnaît que la nouvelle messe et les nouveaux sacrements ont été « légitimement promulgués » par Paul VI et Jean Paul II (paragraphe 7) et que « Vatican II éclaire certains aspects de la vie et de la doctrine de l’Eglise, implicitement présents en elle ou non encore formulés conceptuellement » (paragraphe 4) pour que les yeux se dessillent. 

Mgr Ducaud-Bourget aimait à répéter : « Lorsqu’un clerc veut faire une saloperie, il invoque toujours une raison surnaturelle ». Aussi, pour emporter le morceau, à partir de 2006, Mgr Fellay a régulièrement enrégimenté la Sainte Vierge dans des « croisades du Rosaire » destinées à obtenir successivement la libération de la messe tridentine et la levée des excommunications. Le “Motu Proprio” du 7 juillet 2007 et la levée des excommunications le 21 janvier 2009 ont ainsi été présentés par le supérieur général comme d’extraordinaires “miracles” obtenus par la Mère de Dieu et tendant à prouver que le Vatican revenait progressivement à la Tradition. 
Deux lefebvrismes : un accordiste et un anti-accordiste
Si le secrétaire de la commission Ecclesia Dei dit vrai dans l’interview donnée à I-Media, la Fraternité Saint-Pie X canal officiel devrait donc être « normalisée canoniquement » dans les mois ou les années qui viennent (lorsque les choses se seront « éclaircies en interne » pour reprendre l’expression euphémisante de “Mgr” Pozzo) tandis que subsistera une Fraternité Saint-Pie X « canal historique » (c’était déjà ainsi que se désignaient les partisans de l’abbé Philippe Laguérie en 2004-2005) aux effectifs et aux moyens beaucoup plus modestes. Se font face des lefebvristes accordistes, “de gauche” autour de Mgr Fellay et des lefebvristes anti-accordistes, “ de droite” autour de Mgr Williamson. 

Malgré tout ce qui les oppose (et la rupture entre eux paraît désormais irrémissible), ils ont en commun d’une part de se réclamer de l’héritage, de la pensée et de l’action de Mgr Lefebvre, d’autre part de rejeter explicitement le sédévacantisme. La veille de son sacre, dans une interview accordée au blog Non Possumus, le futur Mgr Faure expliquait : « Nous devons conserver l’attitude qui a été celle de Mgr Lefebvre, l’attitude prudente qui exclut le sédévacantisme. Mgr Lefebvre a toujours refusé d’ordonner un séminariste qui fût sédévacantiste. C’était la politique de la FSSPX jusqu’à sa mort. Donc qu’on ne nous dise pas que Monseigneur a dit ceci ou cela. » La principale préoccupation de Mgr Faure sera de « s’efforcer de maintenir l’œuvre de Mgr Lefebvre dans le chemin qu’il avait tracé, sans dévier à droite ni à gauche ». Mgr Richard Williamson n’est pas en reste qui, dans son dernier Commentaire Eleison (n°401 du 21 mars 2015), dit des sédévacantistes qu’ils n’ont que des « arguments émotionnels ».

Mais, dira-t-on, comment se fait-il que des prêtres et des évêques qui se réclament de Mgr Lefebvre puissent en tirer des conclusions diamétralement opposées sur le principe d’un accord avec le Vatican ? Tout simplement parce que, comme l’a entre autres démontré, citations à l’appui, le blog Avec l’Immaculée, le fondateur de la Fraternité Saint-Pie X a beaucoup varié dans ses déclarations sur ce sujet et que l’on peut trouver dans ses discours des arguments en faveur d’une « régularisation canonique », d’autres, aussi nombreux, en faveur d’une résistance ouverte à « la Rome moderniste ». Dans les lettres peu amènes que se sont échangées les quatre évêques de la Fraternité au printemps 2012, il était frappant de constater qu’ils citaient, à l’appui de leur position, des déclarations parfaitement authentiques de Mgr Lefebvre, mais allant dans un sens opposé. 

Et aujourd’hui encore Mgr Tissier de Mallerais, bien que toujours dans la FSSPX et hostile à la “dissidence” de Mgr Williamson (dans une lettre il est allé jusqu’à lui écrire que Mgr Lefebvre avait eu tort de le sacrer !), ne manque pas une occasion de dire son hostilité à une « régularisation canonique » de la Fraternité tant que le Vatican reste aux mains des modernistes. Ce qui est une forme de contestation larvée des orientations du supérieur général. Quant à Mgr de Galarreta, après avoir dit son opposition à un accord pratique, qui serait selon lui dévastateur pour l’unité de la Fraternité et cosigné la lettre des trois évêques envoyée à Mgr Fellay et à ses assistants en avril 2012, il semble avoir tourné casaque et s’être rangé depuis le chapitre général de juillet 2012 dans le camp de la maison généralice. 
Un espace étroit pour les “résistants”
C’est dire que l’espace paraît bien étroit pour les williamsoniens qui font face à une double concurrence : sur leur gauche avec la Fraternité Saint-Pie X qui conserve son maillage territorial sur les cinq continents avec ses chapelles, ses prieurés, ses écoles, ses séminaires, sa notoriété, ses moyens matériels importants et sur leur droite avec les sédévacantistes qui dénoncent dans le sacre de Mgr Faure un acte illicite et schismatique car ce sacre s’est fait en reconnaissant publiquement François Ier comme vicaire du Christ (cité au canon de la messe) tout en lui désobéissant de manière spectaculaire (par l’absence de mandat pontifical) et en affirmant vouloir le combattre. A cet égard on notera que Mgr Faure ne s’oppose pas par principe et de manière absolue à des rencontres avec les occupants du Vatican. Interrogé pour savoir s’il se rendrait à Rome s’il y était invité pour parler avec François, Jean-Michel Faure répond : « En premier lieu je consulterais tous nos amis de la Résistance. J’irais avec Mgr Williamson et d’autres prêtres excellents qui mènent le combat de la Résistance avec beaucoup de courage. Je maintiendrais informés tous nos amis, en toute transparence. »

Cette position intermédiaire entre la Fraternité Saint-Pie X et les sédévacantistes paraît difficile à tenir intellectuellement car pour un catholique conséquent il est nécessaire d’être soumis au pape qui est le père commun des chrétiens, la source de toute juridiction, le vicaire du Christ sur la terre, le chef de l’Eglise, le successeur de Pierre qui a le pouvoir des clés. Ubi Petrus, ibi Ecclesia : là où est Pierre, là est l’Eglise est un adage catholique bien connu. Peut-on donc se soustraire en tout depuis un demi-siècle à l’autorité des “pontifes” conciliaires tout en continuant à les reconnaître publiquement comme l’autorité légitime ? De la même manière, peut-on dire que la nouvelle messe, les nouveaux sacrements sont un poison pour la foi et en même temps reconnaître qu’ils ont été légalement promulgués par l’Eglise et le vicaire du Christ ? Voilà en effet qui va contre l’infaillibilité du pape dans la promulgation d’un rite pour l’Eglise universelle. Le pape peut-il être à la fois le vicaire du Christ et une figure de l’Antéchrist ? Voilà qui ne respecte pas le principe de non-contradiction ni non plus la divinité de l’Eglise !
Infiltrations juives?
La marge est d’autant plus étroite pour la “résistance” que la personnalité de Mgr Faure, non plus d’ailleurs que celle de Mgr Williamson, converti de l’anglicanisme à 31 ans, ne fait pas l’unanimité parmi les opposants à Mgr Fellay. Dans le même entretien à I-Media, “Mgr” Guido Pozzo dit de Mgr Faure qu’il est « un de ces extrémistes et jusqu’au-boutistes qui ont quitté la Fraternité Saint-Pie X ». Ce n’était pourtant pas la réputation qu’avait jusque-là l’abbé Jean-Michel Faure qui, serait en effet, bien malgré lui, à l’origine de la plus grave crise qu’ait connue le séminaire de la FSSPX à la Reja en Argentine depuis sa création. En 1989, 25 séminaristes et 8 prêtres dont un professeur de séminaire ont en effet quitté bruyamment la Fraternité à la suite, dit-on, des obsèques du père de l’abbé Faure. Des séminaristes venus veiller le corps du défunt seraient repartis horrifiés, ayant cru remarquer que des rituels judaïques avaient été utilisés par la famille. Le bruit s’était alors répandu comme une traînée de poudre qu’en réalité la famille Faure née en Algérie (où les juifs sont nombreux) était marrane. 

Même si aucune preuve incontestable n’a jamais pu être apportée, les soupçons à l’égard de l’abbé Faure n’ont jamais cessé depuis lors chez certains traditionalistes. D’aucuns vont jusqu’à dénoncer « l’infiltration juive » autour de Mgr Williamson qui serait parallèle à celle que l’on soupçonne auprès de Mgr Fellay. Plusieurs sites Internet (dont le blog Reconquista) évoquent en effet l’influence, dit-on considérable, du financier et milliardaire sioniste Maximilien Krah, grand donateur de Tsahal, et animateur de galas en faveur de l’armée israélienne, sur Mgr Fellay. Krah jouerait un rôle moteur dans la gestion des biens de la Fraternité. Dans la société anonyme Dello Sarto, qu’il a fondée avec Mgr Fellay, et qui brasserait des millions d’euros, il est le seul avec le supérieur général de la FSSPX à disposer de la signature individuelle comme on peut en effet le vérifier sur le registre du commerce et de l’information économique (moneyhouse.ch).
Atomisation de la mouvance traditionaliste
On remarquera que Mgr Williamson a choisi de sacrer un prêtre quasiment aussi âgé que lui (ils ont dix-sept mois d’écart) de sorte que la question d’un nouvelle consécration épiscopale se posera dans les cinq à dix ans qui viennent. Par ce sacre, l’évêque britannique a d’abord voulu rassurer les prêtres de la “résistance” qui craignaient de se retrouver sans évêque et qui l’ont fortement incité à passer à l’acte. Quelques semaines avant le sacre, ils avaient exercé sur lui une forte pression le suppliant de se doter d’urgence d’un successeur. Ce sacre est aussi un moyen d’encourager les prêtres, encore à l’intérieur de la Fraternité, mais hostiles à Mgr Fellay, à rejoindre le camp de la “résistance”. Mgr Faure a d’ailleurs dit qu’il s’installera en France et fondera un séminaire tout près des dominicains d’Avrillé (Maine-et-Loire).

Ce sacre — aussi discret que celui de Mgr Rangel en 1991 — témoigne de l’atomisation des traditionalistes opposés à Vatican II. Plus la crise s’éternise, plus les divisions s’accroissent, plus la confusion et le désordre se généralisent, ce qui est somme toute logique. Plus le temps passe, plus les traditionalistes font face à deux dangers symétriques : celui du ralliement qui conduit au reniement et à l’apostasie (que l’on songe par exemple à cet effrayant “synode” légitimant de fait l’homosexualité et vidant de sa substance l’indissolubilité du mariage) ou celui de l’enfermement sectaire, de la marginalisation, de l’éparpillement en de multiples groupuscules parfois dirigés par de véritables gourous. Car s’il est en effet impératif de résister sans ambiguïté à la révolution conciliaire, il est dangereux également de se donner une autorité et une juridiction dont on est dépourvu et de se croire tout permis au motif que l’Eglise connaît une crise affreuse. Si l’on ne saurait faire aucunement confiance aux imposteurs qui usurpent les postes d’autorité à Rome depuis 1958 (« Rome perdra la foi et deviendra le siège de l’Antéchrist. L’Eglise sera éclipsée » a prophétisé la Sainte Vierge à La Salette en 1846), il serait déraisonnable d’accorder une confiance inconditionnelle à tel ou tel chef traditionaliste autoproclamé qui n’a pas le charisme d’infaillibilité ni les promesses de l’éternité. 

Voyons les choses en face : à vue humaine l’avenir s’annonce très sombre pour le catholicisme, le pire étant de toute évidence à venir. Nous vivons plus que jamais le Samedi Saint de l’Eglise militante. Il faut être aveugle pour ne pas voir que nous connaissons des temps apocalyptiques, eschatologiques et antéchristiques. A la lumière des événements actuels, l’on comprend mieux pourquoi le Christ dit dans l’Evangile que les jours seront abrégés à cause des élus, sinon aucune âme ne se sauverait. On saisit mieux aussi son interrogation angoissante : « Lorsque le Fils de l’Homme reviendra sur terre, trouvera-t-Il encore la Foi ? »

Jérôme BOURBON.
RIVAROL du jeudi 26 mars 2015