14 août 2015

[Abbé Henry Wuilloud, fsspx - Le Rocher] Journal de route du District

SOURCE - Abbé Henry Wuilloud, fsspx - Le Rocher - n°96 - Août-septembre 2015

2 mai 2015
Moult anciennes sont venues pour l’occasion, car la nostalgie de l’école est bien profondément ancrée, là au fond du cœur. A Wil ce sont déjà vingt ans de scolarité, et les photos où l’on peut voir des petits gamins ont laissé la place à de dignes pères de famille et de jeunes mamans fières de la ribambelle qui les suit.

Le programme est classique : la messe suivie de l’apéro. Puis repas mais avec de vraies frites, dont certaines se laissent désirer. Il semble que de telles frites demandent plus de jus, et que celui-ci finisse par manquer ! Puis les représentations musicales, le théâtre qui nous permit de bien rire, et pour finir le montage photos pour le souvenir. Il importe en effet de relever le courage des pionniers, car il fallait penser à tout sans être forcément soutenus par tous. Maintenant que tout fonctionne et roule, on n’imagine plus la somme de labeurs et de soucis que cela a exigé : trouver les enseignants, convaincre les parents, analyser les différents moyens pédagogiques, gérer le maigre budget, régler un système de ramassage scolaire… Beaucoup auraient baissé les bras devant l’ampleur du projet. Eux ont tenu et ont osé, qu’ils soient bénis à jamais.
3 au 7 mai 2015
La belle paroisse d’Oberriet fonctionne assez bien ; lorsqu’on écrit « assez bien », cela laisse supposer que tout n’est pas parfait et c’est bien le cas ! Il reste toujours des aspects à peaufiner, à faire reluire, sinon la perfection serait possible sur terre. Si cela était vrai, on n’aurait plus besoin du Paradis, on pourrait le construire ici-bas. Or rien ne perdure ou ne persiste sur notre bonne vieille terre. Mais il reste tout de même un bon motif de satisfaction, c’est notre école qui ne cessait de toussoter depuis plus de dix ans, et il semble bien que l’élan actuel présage le meilleur avenir. Mais on le sait bien, tout est fragile, comme la façade de l’église qui – bien que neuve – montre déjà des signes avancés de vieillesse. Au jour de l’inauguration on se réjouissait de l’œuvre accomplie, mais les plus belles garanties ne valent pas grand-chose… Le Bon Dieu est génial, à vrai dire on ne peut jamais se reposer sur ses lauriers, il n’y a que là-haut qu’on aura la possibilité de jouir du repos.

Durant la visite canonique se déroule également la réunion des prêtres qui nous permet de rouvrir certains dossiers du Concile Vatican II. La manière dont ont été écrites ces constitutions conciliaires qui transpirent l’esprit des années 60, est tellement creuse, qu’on peut tout mettre dedans. De tels textes démontrent l’esprit retors de leurs compositeurs, la combinazione y est sans cesse présente pour parvenir à satisfaire tous les partis. Peu importe en définitive la pureté de la doctrine, on veut du trouble, du compromis, de l’eau de vaisselle ! Alors rebâtir sur de tels fondements serait forcément calamiteux, et je crois vraiment que tous les confrères ont le même point de vue.
9 mai 2015
La joie de célébrer un mariage sur les hauts d’un village valaisan, car un curé a eu le courage et le bon sens de voir que ce que nous faisons est tout simplement catholique. La chorale de la paroisse s’est mise en quatre pour exécuter du grégorien. Au début de la cérémonie, la crainte était grande que cela reste un peu folklorique : les gens parlaient fort, un petit groupe un peu plus loin était déjà à l’apéro… cela laissait augurer le pire. Mais au contraire, dès le début de la cérémonie un religieux silence s’installa et cela fut très digne. Le rite ancien n’eut aucune peine à pénétrer les âmes ; rien à faire mais un autel ne sera jamais une table ! L’autel en impose, on se sent petit devant lui. La table appelle les ventres, l’autel relève les fronts. Que tous ces villages où l’on trouve des bonnes âmes puissent retrouver dans leur église le véritable saint sacrifice de la Messe !
14 mai 2015
Il avait promis de venir, mais avait dû au dernier moment se démettre. Mais ce n’était que partie remise, ou plutôt cérémonie reportée ! Mgr de Galarreta voulait absolument réaliser sa promesse, et en ce beau jour de l’Ascension de Notre-Seigneur, le voilà à Wangs. Bien impressionné par l’ampleur de la construction, il fait le tour de la grande demeure.

C’est surtout les jeunes et aussi les parents qui se sentent honorés par cette épiscopale présence. Heureux aussi d’entendre des paroles d’espérance dans l’homélie. Mais un évêque cela ne reste jamais très longtemps ; au milieu de l’après-midi, juste avant la représentation, il faut repartir, le prochain voyage est pour le lendemain. Et dire qu’il y a des prêtres qui courent après l’épiscopat, à notre époque ! Il faut juste être inconscient.
17 mai 2015
Passer le tunnel du Gothard, juste ralentir et constater sur la voie opposée près de 8 km de bouchon, laisse un beau petit sentiment de satisfaction… eh les pauvres ! C’est le dimanche après l’Ascension, ils sont partis ensemble et ils reviennent ensemble, et j’imagine qu’ils seront présents à la même date l’année prochaine ! C’est la vertu de patience montée en héroïcité. Bref, pour vous écrire que mon but est Rimini, où je rencontre le supérieur l’abbé Petrucci. L’intéressant dans ce non-événement, c’est la visite de l’œuvre de San Patrignano, œuvre gigantesque et courageuse. C’est parti d’un entrepreneur de Rimini qui voyait des jeunes drogués affalés dans la ville et qui ne faisaient rien. Il les réunit et eut l’idée géniale de demander à des retraités de leur apprendre leur travail ! C’est tellement simple, et si efficace. Des hommes faits furent ravis d’apprendre à des jeunes en difficulté tous leurs savoir-faire. Aujourd’hui, il y a dans ce centre plus de 1’200 jeunes qui viennent de tous les pays, ce qui en fait le centre de cure ou de désintoxication le plus important au monde. Et cela marche, nous avons même des tradis qui y travaillent après y être passés eux-mêmes. Le système est exigeant pour ceux qui veulent s’en sortir : Labori – valori, le travail va revaloriser leur vie. Aussi mettent-ils l’excellence au cœur de tout ce qu’ils font. Elevage de chevaux et de chiens de race. Vignes et vins : à la cave, vous pouvez manger par terre tellement c’est picobello. Imprimerie, boulangerie, etc. Et le taux de libération est élevé, il dépasse largement les 50 %, ce qui est admirable.

Malgré ce monde de fous, il s’y trouve encore de belles espérances. Puisque du bien s’y faisait, l’œuvre a été beaucoup attaquée, mais cela reste encore bien solide, car les liens se sont encore mieux forgés entre ceux qui participent à cette impressionnante entreprise.
19 mai 2015
Si nous sommes en Italie, c’est d’abord et surtout pour suivre les travaux à San Damiano. Et cela avance. Nous décidons de débuter également les fondations de l’église. Les photomontages donnent les perspectives de l’édifice, et nous nous réjouissons déjà de pouvoir imaginer un sanctuaire digne de ce nom, en attendant l’heure de bénir ces nouveaux lieux et de célébrer la sainte Messe. Mais Notre-Dame des Roses doit encore nous soutenir financièrement. Nous allons préparer un petit dépliant pour faire un appel à tous ceux qui ont obtenu des grâces particulières dans ce petit coin au pied des Apennins.
23 mai 2015
La petite église de Delémont garde le privilège d’être le premier sanctuaire bâti par la Tradition dans notre pays ; aussi il lui revient logiquement de fêter en primeur son jubilé des 25 ans. Le desservant actuel désirait la pourpre cardinalice pour l’événement, finalement ce fut la soie violette qui gratifia l’assemblée de sa présence. Depuis qu’un pape est passé par le Vorbourg tout est imaginable, mais c’était il y a longtemps déjà.

Confirmation et messe solennelle dans un lieu fleuri à foison, même la fresque avait reçu d’être encadrée d’un ruban de lierre. Aussi, comme ministres de l’évêque, on s’est senti naturellement un peu pot de fleurs. Mais foin de futilité, car tout passe comme l’herbe des champs. Après le sympathique apéro qui permet à plusieurs anciens desservants de saluer leurs anciennes ouailles, on se dirige vers le stand de tir de Soyhières pour partager un repas et de nombreuses conversations. On tient notamment à saluer la présence de l’abbé Guéguen qui se trouve en poste au Canada et qui manifestement ne peut oublier ces belles années passées dans le Jura.
28 mai 2015
Dans l’église protestante de Stein am Rhein, il reste des fresques qui ont survécu aux destructions zwingliennes. Elles sont assez classiques dans leurs motifs, sauf une figure d’un homme qui ressemble au Christ mais ne l’est pas puisqu’il perd une pantoufle ! Une description parle de la légende de sainte Kümmernis. Jamais entendu parler, donc il faut aller chercher dans les Bollandistes. Rien sous ce nom… après quelques recherches, c’est sous le vocable de sainte Libérate (28 janvier) qu’un petit descriptif est donné. C’est plutôt original, comme vous pourrez le constater, et avec les problèmes actuels on ne serait pas trop à l’aise avec un tel miracle ! Sainte Libérate est représentée barbue et mourant sur la croix ! Elle était, dit-on, la fille d’un roi païen de Lusitanie qui, ayant eu ses Etats envahis par un roi de Sicile, lui promit sa fille Vilgeforte (encore un autre nom) pour épouse afin d’avoir la paix. La princesse ne sachant comment se soustraire à ce mariage, aurait prié Dieu de lui venir en aide, et une longue barbe garnit subitement son menton. Furieux de cette ressource inattendue qu’avait trouvée la sainte, le père la fit crucifier. D’où son nom : la libérée, la débarrassée de soucis.

Et la riche pantoufle qui s’échappe de son pied, c’est pour récompenser un pauvre ménétrier qui avait joué un air devant sa statue. Elle est féconde, l’hagiographie des saints de notre Eglise. Il faut surtout y voir les merveilles de Dieu envers ses amis les saints qui se dévouent si bien pour sa cause.
31 mai au 4 juin 2015
La visite canonique débute par la Messe du dimanche de la Sainte Trinité à Granges-Paccot. Les voix des enfants qui chantent, même une polyphonie à l’offertoire, m’enchantent… D’ailleurs étant au confessionnal, les deux oreilles captent difficilement car elles ont tendance à vouloir recevoir deux sources sonores différentes, ce qui fait que je n’entends guère. Encore un secret de confession dévoilé, mais du côté de celui qui devrait écouter et entendre !Miserere, Deus !

Les travaux devant la chapelle ont été réalisés, et le parvis a ainsi doublé ses proportions. La place de parc également a bien meilleure allure.

C’est à Enney que les jours suivant se déroulent, jusqu’à la Fête-Dieu. Nous profitons pour aller faire une petite escapade dans les alentours. De fait, il n’y a que le frère qui est disposé pour partir de bon matin ; pour les autres ce n’est pas un problème de disponibilité mais plutôt de disposition. Enney, on le dit en souriant dans le district, c’est un peu l’hôpital ! C’est aussi le compte rendu de mon passage, il y a de la bravoure mais peu de santé, ce qui n’empêche pas la sainteté. L’essentiel est donc sauf.

Vanil Carré, Gros Perré ! C’est vite le vide, on est à peine à plus de deux mille mètres, mais voilà des escarpements de plus de 6 à 700 mètres. Domaine incontestable des chamois et des bouquetins dont on peut voir les jeunes déambuler paisiblement au milieu de falaises sur des mauvaises vires déversantes. Le Bon Dieu les a vraiment créés pour ici. Dans cette belle campagne, l’ostensoir de la Fête du Saint-Sacrement devient le plus bel ornement et toutes les belles des prés courbent leur corolles devant Dieu qui passe. C’est simple, vrai, sans flonflons mais la dévotion respire librement.
13 juin 2015
La décision a été vraiment prise en dernière minute, car la volonté était bien de contre-manifester devant la gay-pride à Sion. Le communiqué qui avait été lu en chaire était assez explicite (cf. ci-contre). La police avait d’ailleurs été avertie de notre présence. Nous n’avons pas voulu mettre la Tradition sous le couperet des médias qui auraient beau jeu de nous montrer sous le couvert d’exaltés dédaigneux de l’ordre public. Or cela est faux.

Nous espérions surtout que nous pouvions éviter le problème de la manifestation en allant prier dans une église. Mais après avoir pris contact avec les responsables, ils me donnèrent la nouvelle que toutes les églises seraient fermées en ville de Sion. Deux cents tradis dont la plupart était des enfants… cela fait trembler les murs de Jéricho ! Je ne puis m’empêcher de vous faire lire la lettre que je me suis senti tenu d’écrire au curé de la cathédrale :

« Le mépris que vous avez montré envers la contre-manifestation que nous projetions de faire envers la gay-pride a été la plus grande blessure de cette journée ! Un prêtre catholique qui ferme ses églises à des personnes désireuses de prier silencieusement pour réagir à ce qui blesse publiquement les commandements de Dieu a de quoi faire frémir. Mais voilà, les affreux d’Ecône devant être absolument à proscrire et Rome ayant relevé l’excommunication, il ne reste qu’à les boucler dehors !

Qu’une nouvelle morale démoralisante s’installe, cela semble vous laisser de marbre. Et que certains s’en révulsent suffit pour vous faire monter aux créneaux de vos églises pour les faire soigneusement fermer ! Mon Dieu, quel malheur vous avez ainsi évité… on ne vous prendra pas pour un traditionaliste !

Si nous étions venus, ce n’était pas pour perpétrer un quelconque désordre dans une église mais pour prier silencieusement pour ce qui se passait à deux pas de là. Personne ne réagit à ce que le catéchisme établit pourtant très clairement comme une faute grave contre les mœurs. Permettez-moi cette citation de Schiller qui mettait ces paroles dans la bouche d’Arnold de Melchtal : "De même que nos Alpes nourrissent de siècles en siècles les mêmes plantes, que les sources versent aux mêmes endroits des ondes toujours limpides, et que les nuages, dans leurs courses vagabondes, sont toujours chassés par les mêmes vents, ainsi dans les vallées l’aïeul transmet à son petit-fils ses antiques mœurs telles qu’il les reçut de ses pères ; toute innovation les révolte, et le cours uniforme de leur vie doit rester tel qu’il a toujours été." Est-ce encore ainsi dans la vallée du Rhône ?

Si le prêtre ne montre plus le Ciel des élus, si l’homme de Dieu se blottit à une sorte d’insipide tolérance, qu’en sera-t-il des âmes ? Cela reste pourtant dans l’Eglise la loi suprême : canon 1752 !

Après cela, il ne vous restera plus qu’à me rétorquer le beau couplet sur l’obéissance, qui devient pour ces misérables cathos vieux jeu l’irrémédiable condamnation ! Mais sur le Grütli, les hommes qui fondèrent la Confédération avaient en vue le bien commun de leur pays, aussi ils osèrent affronter le courroux des puissants du jour. Vous comme nous, devons tout d’abord obéir à Dieu, et qui peut dire qu’en montant sur Longeborgne avec toutes ces familles et ces enfants, nous luttions contre les desseins de Dieu ? Mais qu’en est-il de ces églises fermées ? »

Ainsi nous avons secoué nos sandales et sommes allés voir ailleurs, mais quelles souffrances de voir combien notre pays tombe en ruine !
15-16 juin 2015
Une nouvelle fois mauvaises dates pour la sortie de tous les prêtres. Ça roille ! Oui, il pleut beaucoup et les beaux champs sont détrempés. Et pourtant la belle nature nous y poussait ; les sapins et les clairières des hauts de Tramelan ont un vert très vert dont le charme appelle à vagabonder. Alors on est resté au gîte et ce fut paisible. Les confrères étaient ravis d’être réunis sans stress et sans trop d’horaires. Il reste quelque chose de sûr, ce sont toujours les mêmes qui ont les meilleures cartes au jass !
29 juin 2015
Dans l’ancienne chapelle du séminaire, les places sont remplies par les prêtres et les familles qui peuvent enfin approcher le nouvel ordonné. Donc ambiance « soutane qui colle » car il fait chaud et lourd. Peu importe, c’est chaque année pareil. Aussi on est presque soulagé de voir se lever les deux orateurs du jour : d’abord le doyen des ordonnés qui fait son tour d’horizon d’éloges et de remerciements. Très bien, on applaudit, il n’en rajoute pas trop. Il a de l’avenir.

Puis Mgr Fellay, comme déjà dit dans mon mot de ce Rocher [cf Lettre circulaire], qui fait quelques remarques sur la situation présente, mais surtout qui tenait à manifester sa joie pour les quelques jubilaires présents dans la salle, dont spécialement Mgr Tissier de Mallerais, avec 40 ans de sacerdoce. Il termina pour les prêtres par cette petite injonction de « vivre notre prédication et ne pas trop nous occuper de la situation "extra-ordinaire" que nous vivons dans l’Eglise et qui ne peut que nous déboussoler… »

H.W.