31 mars 2017

[Abbé Xavier Beauvais, fsspx - Acampado] Dites-moi les jeunes, avez-vous pensé à la vocation?

SOURCE - Abbé Xavier Beauvais, fsspx - Acampado - avril 2017

S'il fallait décrire la caractéristique du Bon Pasteur et donc celle du sacerdoce de Notre Seigneur Jésus-Christ, on pourrait la résumer en un don de soi à Dieu et aux âmes. Malgré la faiblesse humaine qui joue là plus qu'ailleurs, le sacerdoce de Jésus-Christ est un don de soi à Dieu et aux âmes. Si le prêtre oublie cela, la conséquence pour lui et pour les autres ne peut être que dé- plorable. il n'amoncellerait que des ruines, ruines, on le sait qui se restaurent moins vite que les ruines de guerre dans les villages dévastés. le sacerdoce - être prêtre - ce n'est pas une affaire, on y gagne trop peu et quand même on y gagnerait quelque chose, c'est un crime que de juger le sacerdoce à sa valeur commerciale et au taux plus ou moins élevé dont il paie le capital qu'on y engage. il n'est pas non plus un refuge pour les imbéciles, les fainéants, les timorés, tous ceux qui manquent d'initiative. ii n'est pas un fauteuil bien capitonné où mollement l'on vient s'asseoir pour une longue sieste. il n'est pas la barque confortable et savamment équilibrée, où dans une manœuvre facile, on peut bercer son rêve humain le long de la traversée. il n'est pas une voie de garage contre le mal, contre le risque de vivre et où on se retirerait pour être tranquille et finir en paix ses jours. il n'est pas un refuge en cas de dépit amoureux, il n'est pas une manière de prospérer sans travailler, de dominer sans valoir, d'être noble sans ancêtre. il est aux âmes et à Dieu, le don de soi. 
     
Aux jeunes qui liront ces lignes, à quoi en vous le sacerdoce s'adresse-t-il ? lorsque son appel se fait entendre, à quoi en vous s'adresse-t-il ? Quelle corde doit-il faire vibrer ? Quelle résonance éveiller ? Et quoi, en vous, lui répond, si quelque chose y répond ? S'il était une affaire, il s'adresserait à votre instinct commercial. S'il était un refuge, il s'adresserait à votre peur de vivre. S'il était un fauteuil, il s'adresserait à votre paresse. S'il était une voie de garage, il s'adresserait à votre besoin de sécurité. S'il était ceci ou cela encore qu'il n'est pas, il s'adresserait à votre orgueil. Et ce serait une pitié que de vous entendre lui répondre, un effroi de voir gravir ces jeunes gens avec de telles dispositions, les degrés qui montent vers le Saint des Saints. il est un don de soi, c'est ce qui définit le Bon Pasteur.
     
C'est à votre foi qu'il parle, vous suppliant au nom de cette même foi, de regarder le monde, de comprendre l'immensité de la besogne dans un tel monde sans Dieu, et de compter avec certaine angoisse, sur les champs illimités, les trop rares pasteurs au travail. C'est à votre conscience aussi, à votre sens de la beauté morale, parce que dans cette conscience se formule le devoir, précis quand on est loyal, vaste quand on est généreux. C'est enfin à votre cœur surtout : cœur d'enfant, cœur de jeune. C'est, en effet, le cœur qui dicte les grandes réponses aux grands appels. En lui se préparent les grands dévouements, se conçoivent les initiatives superbes. C'est là aussi qu'est la douleur, et c'est là enfin qu'est l'amour. C'est dans son cœur de femme que Marie-Madeleine entendit l'appel au pardon. C'est dans son pauvre cœur d'homme que le larron entendit l'appel au repentir. C'est dans son cœur de jeune homme malheureux que le Prodigue entendit l'appel au retour. Et si ce n'est pas dans leur cœur d'abord que les pécheurs du lac ont entendu l'appel, ce fut bien, finalement, dans leur cœur, qu'ils durent l'entendre le jour où répondre, c'était, en se donnant, se donner jusqu'à la mort. C'est dans son cœur que saint Paul l'entendit. C'est de son cœur que jaillit le cri « Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? ». C'est dans son cœur que le jeune riche de l'Evangile l'entendit, et c'est faute de cœur qu'il ne sut pas répondre. Combien de jeunes aujourd'hui, il faut bien l'avouer, sont secs, égoïstes. Faute de cœur, ils ne comprennent plus le don d'eux-mêmes. 
      
Il faut vouloir pourtant donner beaucoup. Votre foi, votre conscience, votre cœur qui seuls, jeunes gens, doivent, en vous révélant le vrai sens du sacerdoce, vous faire répondre à son appel doivent aussi vous encourager - puisqu'il est un don de soi - à apporter le plus possible. Nos ressources, il est vrai, ne dépendent pas de nous. Mais en un sens elles en dépendent. il y a des valeurs qu'on ne peut se donner. Mais il y en a que, pouvant se les donner, on ne se les donne pas. 
     
Il s'agit - pour les élus du sacerdoce - d'exploiter leurs ressources, de juger de leurs possibilités, avec le devoir, généreusement reconnu, d'offrir beaucoup au sacerdoce, parce que quoiqu'on lui offre, ce n'est jamais assez. le sacerdoce, c'est le don de soi. 
     
Et comment, prêtres nous-mêmes, ne pas nous sentir désolés, scandalisés presque, lorsque, en route vers le sacerdoce où ils devront se donner, les jeunes élus semblent gaspiller leurs ressources ou ne guère se soucier de les garder en les développant ? le jour venu, qu'aurontils à donner ? Du creux de leurs deux mains, que laisseront-ils sur la pierre de l'autel, pour l'offrande ? Du génie, de l'éloquence, on ne leur en demande pas, s'ils n'en ont pas. Mais, on leur demande du travail, de la conscience, du bon sens, de la piété, de l'effort vertueux. C'est une souffrance, quand on aime, de ne pas pouvoir tout ce qu'on veut. On se console en faisant tout ce qu'on peut. A ce prix seulement, la conscience est en paix. les grands moments d'une jeunesse appelée, c'est quand l'adolescent, pensif et grave, seul devant Dieu se regarde l'âme et se dit : « Au sacerdoce qu'apporterai-je ? » Sa conscience lui répond : « Ce que tu prépares ». les riches, au temple apportent leur agneau, les pauvres, la paire de tourterelles. ii est des cas où ceci vaut cela, et même plus. Mais il est des cas où non. Parce qu'il est des cas où la pauvreté n'est que de la paresse coupable, et où la richesse serait le devoir rigoureux.
     
Nous ne jugeons personne. Nous faisons appel à tous. Et aux jeunes que Dieu appelle, nous disons : le sacerdoce est un don de soi. Mettez-vous à même, en vous donnant, de donner quelque chose. Quoi ? Non pas une fortune, non pas des talents ou des aptitudes toutes particulières. Non ! Mais votre âme au moins. Même s'il n'y avait qu'elle à donner, eh bien donnez votre âme. C'est elle le principal. On peut vous dispenser du reste si vous ne l'avez pas. On ne vous dispense pas de votre âme. Et durant les années de préparation sacerdotale, on ne dispense pas les séminaristes de la préparer car, le matin du sacerdoce, ni Dieu, ni l'Eglise, ni le monde ne peuvent les dispenser de donner cette âme.
     
Enfin aux parents : qu'avons-nous à dire, nous, prêtres?
     
Nous avons à vous dire : «le sacerdoce est le don de vos enfants aux âmes et à Dieu». Il s'impose donc d'abord à vous de ne pas empêcher que cela se réalise. il ne suffit pas de reconnaître en principe, la beauté morale du don de soi à quelque noble cause, ni d'admettre que la personne humaine, arrivée à un point de son développement, ait le droit d'être elle-même selon ses aptitudes ou sa destinée reconnue, il faut en logique et en honnê- teté, si la question se pose, permettre que ces choses soient: même s'il s'agit d'un fils, même s'il s'agit du plus aimé des fils, même s'il s'agit d'un fils unique et même si ce fils veut être prêtre. les jardiniers respectent la loi des graines, les parents doivent respecter la loi vitale de leur fils et s'il est vrai qu'un jour, par goût réfléchi, par conscience éclairée, sous une poussée de Dieu, l'enfant songe à se donner dans le sacerdoce, où prendront-ils l'autorité de l'obliger à un autre rêve en lui interdisant celui-là?
     
A qui est un enfant ? A Dieu d'abord. A lui-même ensuite. A ses parents enfin. Et cet ordre est inviolable. il est hélas violé parfois, par ceux-là même qui ont constitué un foyer chrétien, par ceux-là même qui ont veillé à l'éclosion d'une vie chrétienne. De quel droit le faire ? De quel droit, si des parents le font, s'en justifier, se prétendre tranquilles et chrétiens quand même ? De quel droit permettre à un fils de se donner à n'importe qui, sauf à Dieu ? De quel droit, divin ou humain, social, maternel ou paternel, obliger quelqu'un, même son enfant, à s'user lui-même en se dévorant d'égoïsme, quand sa loi intime la plus sacrée serait de s'user en se livrant comme prêtre à Dieu et aux âmes? 
     
De quel droit? ... S'impose à vous, chers parents, l'obligation de ne pas non plus fausser la définition du sacerdoce dans la conscience de vos enfants. C'est si facile pourtant, et hélas, trop fréquent, inconsciente légèreté, ambition sotte, manque de sens chrétien, qu'importe la chose, si le résultat est là, qui fait un peu honte et qui navre. Supposez - et ce n'est pas calomnie - supposez des parents qui devant leur enfant disent et redisent : « le sacerdoce c'est un bon métier », d'où viendrait au petit, l'idée du sacerdoce «don de soi»?
     
S'ils disent: «Paresseux comme tu es, chétif, bon à rien, tu ne peux faire qu'un prêtre!», comment croira-t'il à la noblesse de son rêve ? S'ils disent: «riches comme nous sommes, intelligent comme tu l'es et capable d'être quelqu'un dans la vie, tu ne peux pas être prêtre » ; comment l'enfant verra-t-il dans le sacerdoce, un dévouement ? Ainsi parler en toute occasion, c'est éteindre des étoiles, et c'est en défigurant le sacerdoce dans une jeune âme qui en rêve, commettre contre ce rêve divin un péché dont les suites ne se peuvent calculer. S'impose alors l'obligation de permettre au sacerdoce de vos fils, un don aussi beau qu'il peut l'être. Aimez-vous Dieu ou ne l'aimez-vous pas ? De la réponse tout dépend. Je n'envisage que la première question. Si vous aimez Dieu...
      
On ne se moque pas des gens qu'on aime ; on ne trouve pas que tout soit toujours assez bon pour ceux qu'on aime. Dieu, quand on l'aime, s'il demande un fils, qu'en fera-t-on ? On ne le refusera pas. Mais est-ce assez ce non-refus si on aime ? Jamais trop beau, jamais trop bon, jamais trop pur, l'enfant qu'on prépare pour Dieu. Sur cette donnée, tout un travail paternel et maternel se poursuit. Non seulement, on n'en veut pas à Dieu de ce qu'il prend le meilleur - si c'est le meilleur qu'il prend - mais on se félicite de ce que le choix tombe si bien. les vrais parents chrétiens pensent qu'à plus noble service doivent répondre plus nobles serviteurs, que ce n'est pas enfouir ses capacités que de les employer pour Dieu dans l'Eglise et qu'il y aurait blasphème insultant, entre deux fils, à choisir pour Dieu le moindre. « Je ne sais qu'en faire, prenez-le ». On ne dit pas de pareilles choses, on ne les pense pas quand on aime vraiment Dieu. Dans les larmes mêmes du sacrifice, il y a pour un père et une mère, une légitime fierté à se dire : « il a tout pour lui, Dieu le veut. il s'y connaît. le meilleur à garder, mais le plus beau à offrir. Tant mieux!».
      
En outre, si des parents aiment Dieu, quand Dieu choisit leur fils, ils aident à la mise en valeur du sujet, pour qu'au matin du sacerdoce, à la présentation au pied des autels, le nouveau prêtre ait du laurier à sa couronne, le laurier du savoir et du talent, s'il se peut, et toujours comme il se doit le laurier plus sacré d'une vertu intacte ou retrouvée, d'une âme loyale et généreuse, d'un dévouement qui attend son heure. 
      
Les parents peuvent beaucoup pour la préparation de l'enfant à son avenir sacerdotal. ils peuvent tellement que sans eux, la tâche ne se réalise jamais en perfection, et qu'à cause d'eux hélas, trop souvent, elle est compromise sans retour. Que peuvent-ils ? Deux derniers mots : ils peuvent garder ; garder à sa pureté une jeune fille, garder à son intégrité morale un jeune homme, vous savez, vous parents, ce que c'est aujourd'hui. Mais garder un appelé de Dieu à son idéal, un cœur de dix-huit ans à sa chasteté, garder, dans le monde, un enfant qui ne soit pas du monde, vous en devinez j'espère le problème, les risques, les échecs possibles.
     
Or nul, mieux que les parents ne peut garder. Ils font l'âme de la maison, ils créent son atmosphère. ils constituent autour de cette jeune conscience tremblante et menacée, la vigilance discrète sans laquelle tant de périls deviennent mortels.
       
Combien à vingt-cinq ans ou plus, ne se donneraient pas si à dix-huit ans, les parents ne les gardaient pas. ils peuvent encourager, et ce n'est pas inutile. A peu près toujours, les jeunes gens que Dieu appelle, sont un peu solitaires dans la vie. ils représentent dans leur génération, l'exception. S'ils ne poussent pas contre le vent, sur le rivage désert, ils ne poussent pas non plus ensemble dans l'épaisse forêt. leur ascension représente un effort constant, une lutte sans arrêt contre les milieux hostiles. Et souvent ils tremblent, ils hésitent, ils ont peur. leur propre poids les écrase, la hauteur où porter leur cime les décourage. Voilà ce qu'il était peut-être utile de dire, à l’heure où manquent tant les prêtres. il faut aider nos vocations en les suscitant, les gardant, les protégeant.
     
Seigneur, donnez-nous beaucoup de saints prêtres
     
(sources : oeuvres du R.P. Bellouard O.P. )