1 janvier 1970

26 novembre 1963 [Mgr Lefebvre] Sixième intervention au concile (sur l'œcuménisme et la liberté religieuse)

SOURCE - Mgr Lefebvre - 26 novembre 1963

Vénérables Frères,

Toute l’argumentation de ce chapitre V, au sujet de «la liberté religieuse», repose sur l’affirmation de «la dignité de la personne humaine». Il est dit, en effet, page 4, paragraphe 3 : «Aussi, l’homme qui obéit sincèrement à sa conscience entend obéir à Dieu lui-même, bien que, parfois, confusément et à son insu, et cet homme doit être estimé digne de respect.»
Pour accepter une telle affirmation, il faut distinguer comme suit : «Il doit être estimé digne de respect» : je distingue : Purement et simplement : non.

Sous un certain aspect : je distingue encore : Selon son intention d’obéir à Dieu : oui. Selon son erreur : non.

Selon l’erreur, l’homme n’est pas, ne peut pas être digne de respect.

D’où, en effet, la personne tire-t-elle sa dignité ? La personne tire sa dignité de sa perfection. Or, la perfection de la personne humaine consiste en la connaissance de la vérité et l’acquisition du Bien. C’est le début de la vie éternelle et celle-ci «est qu’ils te connaissent, toi, seul véritable Dieu et ton Envoyé, Jésus-Christ» (Jean, XVII, 3). Par conséquent, pour autant qu’elle adhère à l’erreur, la personne humaine déchoit de sa dignité.

La dignité de la personne humaine ne consiste pas en la liberté, abstraction faite de la vérité. En effet, la liberté est bonne et véritable pour autant qu’elle est réglée par la vérité. «La vérité vous libérera», dit Notre-Seigneur, c’està- dire «la vérité vous donnera la liberté». L’erreur est, de soi, un mensonge objectif, sinon subjectif. Et par Notre- Seigneur, nous connaissons aussi celui-là qui, «lorsqu’il dit ses mensonges, les tire de son propre fonds» (Jean, VIII, 44). Comment alors pouvoir dire d’une personne humaine qu’elle est digne de respect quand elle fait mauvais usage de son intelligence et de sa liberté, même sans culpabilité de sa part ?

La dignité de la personne provient aussi de la rectitude de sa volonté ordonnée au vrai Bien. Or, l’erreur engendre le péché. «Le serpent m’a trompée», dit celle qui fut la première pécheresse. Cette vérité est on ne peut plus évidente pour tout le monde. Il suffit de réfléchir aux conséquences de cette erreur, sur la sainteté du mariage, sainteté du plus haut intérêt pour le genre humain. Cette erreur dans la religion a conduit peu à peu à la polygamie, au divorce, à la régulation des naissances, c’est-à-dire à la déchéance de la dignité humaine, surtout chez la femme.

Il est donc certain qu’il y a désaccord entre la doctrine catholique et les affirmations de la page 5 : «L’Eglise catholique revendique, comme un droit de la personne humaine, que personne ne soit empêché d’observer et de proclamer ses devoirs publics et privés envers Dieu et envers les hommes… selon les lumières de sa conscience, même si celle-ci est dans l’erreur.»

Au contraire, l’ordre universel créé par Dieu, naturel ou surnaturel, s’oppose essentiellement à cette affirmation. Dieu, en effet, a fondé la famille, la société civile et surtout l’Eglise, afin que tous les hommes reconnaissent la vérité, soient prémunis contre l’erreur, accomplissent le bien, soient préservés des scandales et parviennent ainsi au bonheur temporel et éternel.

En vérité, il est opportun de se remémorer les paroles si claires de Pie IX, dans son encyclique Quanta cura : «Contrairement à la doctrine des Saintes Ecritures, de l’Eglise et des Saints Pères, ils n’hésitent pas à prétendre que : «La meilleure condition de la société est celle où l’on ne reconnaît pas au pouvoir de réprimer par des peines légales les violateurs de la loi catholique, sinon dans la mesure où l’exige la tranquillité publique». (Denz., 1689- 1690.)

En conclusion : le chapitre sur la «liberté religieuse» doit être rédigé à nouveau, selon le principe conforme à la doctrine catholique : «pour la dignité même de la personne humaine, l’erreur doit être, de soi, réprimée pour l’empêcher de se répandre, sauf si l’on prévoit un mal plus grand de sa répression que de sa tolérance».

J’ai dit.

(Texte non lu publiquement, déposé au Secrétariat général du concile)